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Nouveaux mercenaires: que fait la Suisse?

03.12.2007

Voyant le marché des entreprises privées de sécurité prendre de l’ampleur, parfois offrant leurs services dans des zones de conflits depuis la Suisse, le ministère des affaires étrangères propose de codifier la «profession». Avec le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), la Suisse réunit pour une première conférence internationale en novembre 2006 à Montreux des experts dans le domaine de la sécurité, représentants de gouvernements et responsables d’entreprises de sécurité.

Mercenariat moderne

Dans les zones de crise ou de conflit armé, les entreprises militaires et de sécurité privées jouent un rôle croissant sur le terrain. Alors que certains pays, par mesure d’économie, coupent les effectifs de leurs armées, les ‘nouveaux entrepreneurs de la guerre’, ou sociétés militaires privées (SMP) prolifèrent – en Irak, on estime leur nombre à plus de 20'000 hommes armés. Certaines de ces entreprises sont cotées en bourse, et on estime le marché mondial du mercenariat à 100 milliard s de dollars, chiffre qui devrait doubler d’ici 2010. Les mercenaires sont employés par tout le monde: les gouvernements, les multinationales, les ONG, les journalistes. Outre le fait qu’il coûte 3-10 fois plus cher, un mercenaire n’a, comparé à un militaire de carrière, que des avantages, écrit Ian Hamel, journaliste spécialisé sur la question : «on ne cotise pas pour sa retraite, en cas de décès, on ne le comptabilise pas dans les pertes, et il fait les sales besognes sans mouiller celui qui le recrute ! ». En effet, le mercenaire échappe aux sanctions et est, comme cela s’est vu en Bosnie ou en Irak, simplement licencié.

Respect du droit dans un flou juridique

Cette réalité soulève un certain nombre de questions – en particulier en ce qui concerne le respect du droit international humanitaire et les droits de l’homme.

La situation de vide juridique dans lequel opèrent ces entreprises militaires et de sécurité privée est souvent mentionnée. Pour le CICR, il est clair que dans des situations de conflit armé, il existe effectivement une branche du droit qui s’applique, le droit international humanitaire (DIH), qui régit à la fois les activités des collaborateurs de ces entreprises privées et les responsabilités des Etats qui les engagent, comment Emanuela-Chiara Gilliard, conseillère juridique au CICR. «Là où le droit est lacunaire, c’est au niveau du contrôle national ou international qui est exercé sur les services que ces entreprises peuvent fournir et en ce qui concerne les procédures administratives, lorsqu’elles existent, que les entreprises doivent respecter pour obtenir une autorisation de travail. Aucun cadre réglementaire international n’est consacré spécifiquement à ce type d’activités».

L’initiative de la Suisse vise ainsi à clarifier et renforcer les responsabilités des États quant aux activités des entreprises militaires et de sécurité privées ainsi qu’à donner un premier cadre international. Il ne s’agit pas d’interdire le mercenariat, mais de le réglementer, faire la différence entre les SMP qui respecte le droit humanitaire et les autres. «Nous devons créer une relation de confiance et expliquer que notre but est humanitaire. Je suis convaincu que nous pourrons aller loin si nous procédons pas à pas » ajoute Paul Seger de la DFAE. Concrètement, il devrait sortir de cette première conférence des recommandations précises, qui seront présentées lors de la prochaine assemblée générale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rogue en 2007.

Mercenariat en Suisse

Pays des Conventions de Genève, la Suisse veut donc une solution internationale. Elle, dont l’histoire a connu le mercenariat, mais elle qui mène actuellement une politique de neutralité, a dans un premier temps voulu savoir di ces SMP n’étaient pas domiciliées sur son territoire. Ainsi, selon le rapport du gouvernement rapport sur les pratiques actuelles des entreprises privées de sécurité en Suisse., le canton de Bâle-Campagne « compte trois entreprises qui opèrent dans des zones de guerres ou de troubles. ». Une autre a son siège au Tessin. Ce marché est donc encore marginal, mais il pourrait prendre de l’essor en raison de la bonne image de la Suisse, notamment en relation avec sa politique de neutralité, et de sa centralité. Le département fédéral de la justice travaille actuellement sur un projet visant à fixer des règles communes aux 26 cantons où sont basées de telles sociétés.

Cette nouvelle forme de mercenariat inquiète l'ONU 

Un groupe de travail de l'ONU est cependant préocupé par l'augmentation du nombre de sociétés militaires et de sécurité privées en activité dans les zones de conflit. Ces agents représentent de nouvelles formes de mercenariat. Le groupe de travail exhorte les Etats exportateurs à éviter d'accorder l'immunité aux sociétés militaires et de sécurité privée ainsi qu'à leur personnel. Ce qui est très inquiétant est l'absence de réglementation régionale et nationale sur ce domaine et le faible taux de ratification de la Convention internationale contre le recrutement, l'utilisation , le financement et la formation des mercenaires.