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Le Canton de Genève supprime l’Office des droits humains

15.10.2012

L’administration cantonale genevoise enterre la structure novatrice qu’elle a créée en 2008. L’Office des droits humains (ODH) disparaitra au 1er janvier 2013. Les avis sur cette suppression divergent à Genève. Certains n’y voient qu’une simple réorganisation administrative; d’autres un recul préjudiciable pour la défense des droits humains dans le canton.

Une réorganisation des services

Le conseiller d’État genevois Pierre Maudet a annoncé le 15 octobre 2012 une série de réorganisations au sein du Département de la sécurité, dont il vient de prendre les rênes. Le magistrat a expliqué ces changements par «un souci d’accroître l’efficience du fonctionnement des structures étatiques».

La disparition de l’ODH fait partie de ce remaniement. En supprimant cet échelon entre la tête du département et les services qui dépendent de l’office (Bureau de l’intégration des étrangers, Bureau du Délégué aux violences domestiques, Service pour la promotion de l’égalité entre homme et femme, et Service de la solidarité internationale), le magistrat, «conscient de l’importance des thématiques relatives aux droits humains», veut «rapprocher de lui» ces services cantonaux.

En 2008, le canton faisait figure de pionnier

À sa création en avril 2008, l’ODH est une structure cantonale inédite. Genève fait figure de pionnier. L’office regroupe alors le Bureau de l’intégration des étrangers, le Bureau du Délégué aux violences domestiques, le Service pour la promotion de l’égalité entre homme et femme, et le Service de la solidarité internationale. Sa tâche principale? Coordonner ses services afin de mettre en œuvre une politique cantonale cohérente en faveur des droits humains, en collaboration avec les partenaires de la société civile, de l’administration fédérale et de la Genève internationale.

L’ODH apparaît comme le garant de l’application cantonale des obligations internationales, dans le cadre par exemple de l’Examen périodique universel (EPU) de la Suisse. Alors que, lors de cet examen, l’action des cantons est critiquée dans plusieurs domaines (Police et justice, Migration notamment), une structure comme l’ODH va pouvoir centraliser les recommandations et vérifier leur mise en œuvre au niveau cantonal. L’office constitue aussi un interlocuteur clair et unique pour la Confédération; ce qui fait parfois cruellement défaut dans les autres cantons.

Craintes des ONG

Dans son communiqué de presse d'octobre 2012, le Département de la sécurité a reconnu pleinement la qualité du travail effectué par l’ODH depuis quatre ans, en particulier par sa directrice générale. L’activité des quatre services, rattachés directement au secrétariat général dès 2013, n’est pas remise en cause et sera maintenue. «On ne touche pas à la matière première,» a promis Laurent Forestier, secrétaire général adjoint, interrogé par Le Courrier.

Mais pour plusieurs membres de la société civile, la fin de l’expérience genevoise est vue comme une régression. Denise Graf, coordinatrice à Amnesty International, a eu l’occasion de travailler avec l’ODH. Elle dénonce, dans les colonnes du Courrier, «un grand pas en arrière» et demande à Pierre Maudet de revenir sur sa décision. «Mme Bugnon avait l’autorité pour rendre le Conseil d’État attentif à des problématiques parfois ignorées ou minimisées, a-t-elle déclaré. L’ODH a aussi permis de mettre en relation les différents acteurs des droits humains à Genève, en particulier avec la police et la justice. La mise en œuvre, au niveau cantonal, des recommandations des institutions internationales en matière de droits humains est fortement favorisée par l’existence d’un tel office.»

Une douzaine d’organisations locales, nationales et internationales actives dans le domaine des droits humains s'est adressée dans une lettre commune au conseiller d’Etat Pierre Maudet. Les signataires du courrier sollicitent un entretien sur les conséquences de cette décision. Les détails de cette lettre ont été rendus publics par Le Courrier dans son édition du 12 novembre 2012 (cf. ci-dessous).

Les oppositions à cette suppression se multiplient aussi au sein de la classe politique genevoise. Les député-e-s socialistes et Verts du Grand conseil ont déposé une motion le 14 novembre 2012 pour le maintien de l’office.

Le Conseiller d’Etat confirme la suppression

Pierre Maudet a réitéré sa position dans une interview accordée au Courrier début décembre 2012. Pour le magistrat en charge de la sécurité, la suppression de l’ODH ne constitue pas un recul sur le plan des droits humains à Genève. Au contraire, il s’agit selon lui de redonner un rang politique aux droits humains.

Au 1er janvier 2013, la directrice de l’ODH, Fabienne Bugnon, devrait donc occuper une nouvelle fonction au sein du secrétariat général et la juriste qui travaillait avec elle au sein de l’office devrait appuyer le travail du magistrat en matière de droits humains. «Concrètement, la juriste qui travaillait avec Mme Bugnon sera rattachée au secrétariat général et assumera une partie des tâches, a expliqué le conseiller d'Etat. J’effectuerai moi-même tout le travail politique.»