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Elections: les étrangers instrumentalisés

22.01.2008

Une étude mendatée par la Commission fédérale contre le racisme (CFR) montre comment les étrangers sont utilisés afin de gagner de l'électorat. Lors des élections de 2007, les étrangers ont été caricaturés et dépeints négativement, ils ont été instrumentalisés, déplore la CFR dans un communiqué de presse du 18 décembre 2007. Ce sont avant tout les musulmans et les jeunes étrangers qui ont été pris pour cible. La CFR demande aux politiciens d'éviter ce type d'instrumentalisation dans le futur.

Le mouton noir de la lutte contre le racisme 

Ce sont d’abord des organisations suisse de lutte contre le racisme qui ont réagit à la présentation de la nouvelle affiche de campagne de l’UDC contre la criminalité étrangère, puis des instances publiques cantonales, puis deux experts des Nations Unies. Le dessin, largement placardé dès le 1er août 2007, montre des moutons blancs sur territoire suisse expulsant un «mouton noir», avec pour slogan «Pour plus de sécurité». Mais c’est le caractère raciste et xénophobe contre lequel on s’insurge. Mais le Conseil fédéral se doit le respect de la liberté d'expression.

«Discriminatoire et fallacieuse», «raciste et dangereuse»

C’est sous ces deux lectures que peut se lire l’affiche, argumente le Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme anti-noir (CRAN), qui fait part «de sa consternation et de son inquiétude devant ce retour rampant» d’une incitation à la haine raciale et «condamne avec force» la campagne UDC. Amnesty International, la Commission fédérale contre le racisme (CFR) de même que la Fédération suisse des communautés israélites également s’est indignée. La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA)-Suisse appelle tous les partis politiques et les citoyens à faire connaître leur désapprobation avec ces méthodes indignes et attire l'attention sur la nécessité de respecter les principes déontologiques contenus dans la Charte européenne contre les discours racistes en politique. Elle a déposé plainte pour violation de la norme antiraciste, en vertu de l’article 261 bis du Code pénal. Et l’UDC de se justifier que «Cette image ne contient aucun parallèle ethnique, nous l'utilisons simplement parce que l'expression ‹mouton noir› existe dans les trois langues nationales». Enfin, la section genevoise de la Ligue suisse des droits de l'homme (LSDH) a déposé plainte contre l'UDC à propos des jeux élecroniques se trouvant sur son site internet pour violation de l'art. 261 bis CP. 

Le 15 octobre 2007, un premier jugement a été émis par le Canton de Zurich: pour le minitère public, le racisme n'est pas un état de fait dans l'affiche UDC, et aucune enquête pénale n'est prévue. Il est intéressant de constater que le procureur a utilisé une argumentation très formaliste: selon lui, la norme antiraciste concerne des domaines tels que la religion, la rasse, l'ethnie, mais pas les étrangers en tant que tel. 

Des instances politiques aussi dénoncent

L'exécutif de la Ville de Genève, à droite comme à gauche, a condamné, dès le 23 août 2007, «avec force» la campagne d'affichage de l'UDC: le mouton noir expulsé par les moutons blancs suisses véhicule «une image génératrice d'intolérance et d'exclusion», affirme le maire de la Ville, l'écologiste Patrice Mugny. Pourtant, l'affiche paraît juridiquement inattaquable. Contactés, les juristes de la Ville de Genève et du canton estiment qu'elle «n'est pas en infraction avec la norme pénale antiraciste». Mais ils précisent que personne ne leur a officiellement demandé un avis de droit. L'UDC s'est déclaré «irritée» par cette initiative.

Outre la municipalité, suivie du canton de Genève, ce sont aussi le parlement vaudois, le parlement des jeunes de La Chaux-de-Fonds, le parti du travail du canton de Zurich (qui a annoncé vouloir déposer plainte), mais également la présidente de la Confédération Micheline Calmy-Rey qui ont dénoncé le caractère raciste de la campagne UDC. A noter que les campagnes au niveau cantonal n’ont parfois pas été épargnées, telles ces affiches de l’UDC argovienne qui comparent Argovie à Ankara, ou Baden à Bagdad, ou celles-là au Valais qui ont dû être retirée. Le procureur cantonal valaisan a par ailleurs annoncé le 19 septembre avoir ouvert une enquête pénale pour ‹incitation à la haine et à la discrimination raciale› contre les récentes campagnes d'affichage.

Intervention de Rapporteurs spéciaux de l’ONU et réaction du Conseil fédéral

Le rapporteur spécial des Nations Unies contre le racisme Doudou Diène, avec Jorge Bustamante, rapporteur sur les droits des migrants, avait interpellé le gouvernement suisse pour demander des explications sur cette affiche. Devant le Conseil des droits de l'homme le 14 septembre 2007, Doudou Diène a demandé le retrait de l'affiche UDC, qui est «de nature à provoquer la haine raciale». Selon le Conseil fédéral, c’est le principe de liberté d’expression qui prévaut dans une société démocratique comme la Suisse. Il appartient à la justice de juger si des déclarations publiques tombent sous le coup de la norme pénale antiraciste. Le rapporteur Diène s'est félicité de cette réponse, mais continue à partager le point de vue d'organisations de la société civile qui tance la campagne. «J'estime, en conséquence, que la liberté d'expression ne doit pas servir de paravent à l'incitation à la haine raciale et religieuse et que le retrait de cette affiche serait plus conforme à l'image avérée de la Suisse comme pays respectueux des droits de l'homme», a ajouté le juriste sénégalais.

Communiqués de presse et prises de position

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