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Mutilations génitales féminines: une introduction

07.03.2011

Qu'est-ce qu'une mutilation génitale ?

Selon la définition de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les mutilations génitales féminines sont «des interventions qui altèrent ou lèsent intentionnellement les organes génitaux externes de la femme pour des raisons non médicales». La pratique touche presque exclusivement les femmes et les jeunes filles.

L'OMS distingue quatre catégories de mutilation génitale féminine. La première englobe toutes les pratiques d'ablation totale ou partielle du clitoris. La deuxième, appelée excision, comprend l'ablation du clitoris et des petites lèvres entourant le vagin. La troisième, l'infibulation, décrit le rétrécissement de l'orifice vaginal par la création d'une fermeture. La quatrième catégorie rassemble les autres interventions néfastes réalisées au niveau des organes féminins.   

Les conséquences médicales dangereuses sont nombreuses. L'opération elle-même présente des risques accrus de complication (notamment à cause des conditions précaires dans lesquelles elle a souvent lieu). La mutilation peut également provoquer de graves problèmes lors d'un accouchement ou lors des menstruations. En plus de ces dangers physiques immédiats, le trauma psychologique s'avère bien souvent extrêmement sévère et difficile à surmonter. De plus, ces mutilations représentent une entrave insurmontable à une sexualité normale et épanouie.

Qui est concernée ?

L'OMS estime entre 100 et 140 millions le nombre de jeunes filles et de femmes dans le monde qui vivent actuellement avec les séquelles de mutilations génitales. En Afrique, environ trois millions de jeunes filles, entre l'enfance et 15 ans, risquent de subir chaque année ces mutilations.

Cette pratique des mutilations génitales est particulièrement répandue dans l'ouest, l'est et le nord-est de l'Afrique, ainsi que dans certains pays d'Asie et du Moyen-orient. A l'intérieur d'un pays, elle dépend parfois fortement des différentes ethnies. Au gré des flux migratoires, le phénomène est également observé dans certaines communautés en Amérique du Nord et en Europe. Pour les pays hôtes, le défi est alors double : soigner et conseiller les victimes de mutilations et prévenir ces pratiques pour les personnes vivant sur leur sol.

Une problématique complexe

Les mutilations génitales féminines relèvent d'une problématique complexe, à la croisée de raisons traditionnelles, religieuses, esthétiques et économiques.

Ces pratiques s'inscrivent dans une longue série de comportements traditionnels. Dans nombre de communautés, elles définissent de manière centrale l’identité féminine et se perpétuent de générations en générations. Les différentes pratiques semblent être antérieures à l'islam ou la chrétienté et ne sont ainsi, dans la majorité des cas, pas justifiées de manière religieuse. La position des leaders religieux sur ces pratiques est toutefois passablement ambigüe.

Vu leur importance dans la formation de l’identité féminine, les mutilations sont souvent utilisées pour marquer l’initiation achevée de la jeune fille, qui démontre à la communauté qu'elle est prête aux devoirs d’une femme. A ce titre, ces pratiques traduisent le caractère profondément inégalitaire des structures de société et le contrôle exercée par la communauté sur les femmes. En cas de non soumission à ces traditions, le risque d’ostracisme est très important, pour les jeunes filles comme pour leur famille.

Il est à noter que, malgré leur caractère communautaire, les mutilations génitales restent principalement une affaire de femmes. Les initiées qui réalisent ces mutilations sont le plus souvent des personnes respectées au sein de la communauté, notamment pour leur rôle de premier plan dans la grossesse et la naissance. Pour de nombreuses femmes et leur famille, cette activité représente la seule source de revenus. Leur intérêt à la poursuite de ces traditions préjudiciables est ainsi également d’ordre économique. 

Les mutilations génitales sont également associées à de fausses représentations en matière de santé. On prétend par exemple que l’ablation du clitoris pourrait garantir une meilleure fertilité ou qu'une excision rend la jeune fille plus propre. L’OMS ne cesse de souligner la fausseté de ce genre d’arguments, précisant que de telles mutilations ne peuvent avoir que des conséquences néfastes sur la santé. Des représentations esthétiques – un sexe infibulé serait plus beau – jouent également un rôle dans la poursuite de ces pratiques.

Une protection spécifique

La protection des jeunes filles à l’encontre de ces mutilations génitales est un défi de premier ordre pour les droits humains. Ces pratiques représentent en effet une atteinte très grave à l’intégrité physique et psychologique des femmes et jeunes filles. Au vu de l’enracinement profond de ces pratiques dans les traditions de certaines communautés, les risques de mise à l’écart de la communauté – et les difficultés économiques qui en découlent – rendent toutefois l’action difficile.  

Les organisations actives dans ce domaine distinguent plusieurs niveaux d’action. Sur le terrain tout d’abord, elles appelent à une intensification de la prévention auprès de l’ensemble des acteurs. Il est très important de s’adresser à l’entier de la communauté, notamment aux femmes qui pratiquent ces mutilations, aux mères, aux hommes et aux jeunes filles elles-mêmes. Il est important de dissiper les représentations dangereuses quant aux prétendus apports bénéfiques sur le plan de la santé.

Au niveau des Etats, le cadre législatif national doit être amené à respecter les standards de droits humains. La législation doit donner un signal clair en punissant les personnes réalisant ces mutilations. En parallèle toutefois, il importe de proposer des occupations alternatives aux personnes travaillant de près ou de loin à ces pratiques.

De nombreuses organisations internationales, réunies sous l’égide de l’OMS, appelle les gouvernements à l’action à travers leur «Déclaration interinstitutions» (2008). Dans le contexte africain, un protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples traitant spécifiquement des droits des femmes a été accepté en 2003. Les mutilations génitales y tiennent une place de première importance (art. 5).