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Rapport du Conseil fédéral sur les mariages forcés en Suisse

26.11.2007

L'Etat a le devoir de protégér les personnes touchées ou menacées par le mariage forcé en prenant des mesures préventives et répressives et en offrant des solutions aux mariages ainsi consumés, rapporte le Conseil fédéral dans son communiqué de presse. Le rapport a été publié en novembre 2007. Le Gouvernement considère que seules des adaptations en matière de droit privé sont nécessaires, ce qui est largement critiqué par la platte-forme zwangsheirat.ch (mariage forcé).

Modification du Code Civil (CC)

Un mariage forcé viole la liberté personnelle du/ de la fiancé(e) d'une façon grave et baffoue les droits humains. En conséquence, le Conseil fédéral propose d'introduire une disposition dans le CC qui oblige l'officier public à s'assurer que le mariage a été librement consenti. Dorénavant, un mariage forcé pourrait être une cause d'invalidité, et l'union serait déclarée inexistante sans limite de temps. Actuellement, les fiancés peuvent faire déclaré invalide un mariage forcé seulement dans un délai défini.

Le Conseil fédéral (CF) refuse d'autres modifications législatives, notamment en matière pénale. Selon lui, le mariage forcé tombe sous l'état de fait de la contrainte. Cette opinion est critiquée par zwangsheirat.ch qui insiste sur l'effet préventif que peut induire l'introduction d'une loi punissant clairement un état de fait. Le CF prévoit par contre les campagnes de sensibilisation.  

Bilan alarmant 

Des milliers de femmes vivant en Suisse sont victimes de mariages forcés. C’est ce que révèle la première étude à ce sujet, présentée par la fondation Surgir le 7 décembre 2006 à Genève. Une cinquantaine d’institutions et associations susceptibles d’avoir eu affaire à des cas de mariages forcés ont été interrogés. Le résultat est effrayant : dans au moins 400 cas, une jeune femme (et deux fois un jeune homme) a été mariée de force ou a subit de forte pression dans ce sens. Entre janvier 2005 et mai 2006, 140 cas de mariages forcés ont été documentés. Si les quelques 2000 institutions suisses concernées avaient été consultées, on obtiendrait un panorama complet et le nombre de personnes victimes d’un mariage forcé pourrait s’élever à 17'000.

Appel aux autorités

«Il ne s’agit là que de la pointe de l’iceberg», a fait remarqué Jacqueline Thibault, fondatrice et présidente de Surgir. «L’étude sera présentée aux autorités suisses. Elles devront se décider à agir». La fondation appelle en effet le gouvernement à mettre en place une stratégie nationale, encore inexistante, afin d’aider les victimes et à sensibiliser les institutions sociales et à renforcer l'arsenal législatif suisse.

Son appel a été entendu: en décembre 2006, le Groupe radical-libéral déposait un motion au Conseil national, et la radicale zurichoise Trix Heberlein une motion au Conseil des Etats. En mars 2007, ce dernier demandait, par 23 voix contre 5, au Conseil fédéral de mettre en place un processus de mesures contre les mariages forcés ou arrangés. Ainsi, il doit «prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires prévues par la loi (droit pénal, droit civil, législation sur les étrangers, etc.) et élaborer un concept détaillé qui empêche les mariages forcés ou arrangés, qui soutienne véritablement les victimes (en les aidant à s'en sortir, en leur offrant une nouvelle identité, etc.) et qui protège leurs droits fondamentaux.» A noter la nuance, utilisée dans ce contexte, entre mariages arrangés (partenaires consentants) et forcés (un ou tous deux partenaires non-consentants).

Thème tabou

Une prise de conscience est lentement en train de se faire. Surgir recommande une campagne de sensibilisation nationale, mais aussi la création de nouveaux lieux d'accueil et la mise en place d'une ligne téléphonique d'urgence. Il est en effet difficile pour les victimes de savoir auprès de qui chercher de l'aide. En Suisse, seule une association, la «Mädchenhaus» à Zurich, s'adresse directement à elles mais elle ne peut recevoir que sept personnes.

‘Portait robot’ de la victime

Le phénomène concerne surtout les femmes. Un tiers des victimes sont âgées de 13 à 18 ans, deux-tiers entre 18 et 30 ans, et sont issues de milieux modestes et de faible niveau de formation. Elles sont au bénéfice d’un permis de séjour (B, C ou L) ou sont naturalisées suisses. Les cas recensés par l’étude se produisent surtout dans des familles originaires d´Ex-Yougoslavie, du Moyen-Orient, d´Asie centrale, du Maghreb et d´Afrique noire La plupart du temps, la personne est mariée de force dans son pays d´origine à un époux ou une épouse choisi/e par sa famille, et la violence est presque toujours au rendez-vous. Si elle refuse l’union, la jeune femme risque le rejet complet de sa famille ou de sa communauté, voire un crime d´honneur.

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