humanrights.ch Logo Icon

Regroupement familial et tests ADN: pas de généralisation (CN 3/08)

17.10.2008

Les tests ADN sur des étrangers venant de plus de 30 Etats jugés problématiques et sollicitant le regroupement familial ne seront pas généralisés. Suivant l'avis de sa Commission des institutions politiques, qui estime que les dispositions légales actuelles sont suffisantes, le Conseil national a décidé de ne pas donner suite à l'initiative parlementaire par 117 voix contre 51 le 29 septembre 2008. Pour la majorité, la généralisation de ces tests, qui peuvent déjà être effectués lorsqu'un doute subsiste, est disproportionnée et trop coûteuse. L'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) avait d'emblée rappelé que le droit de vivre en famille est garanti par la Convention européenne des droits de l'homme: «Rendre ce test obligatoire est inacceptable», estimait Yann Golay, porte-parole de l'OSAR, et il est une atteinte à la sphère privée. 

Flou juridique

Alors qu'une motion a été déposée le 5 octobre 2007 au Conseil national pour une clarification en matière des tests ADN et du regroupement familial, l'UDC ne perd pas son temps et prévoit déjà de déposer (novembre 2007) une motion pour rendre obligatoire les tests ADN à certains étrangers. En début d’automne 2007, la France s’était longuement exprimée sur cette pratique et le sujet est apparu dans la presse. Suite à ces révélations, les milieux intéressés se sont aperçus que cette pratique existe déjà en Suisse. Une directive de l’Office fédérale des migrations (ODM) permet cette pratique depuis 2004. Cependant, aucune base légale suffisante n’a été édictée jusqu’à ce jour, malgré les biens touchés, dénonce le porte-parole de l’OSAR.

La Commission des insitutition politique du Conseil national (CIP-N) a fait savoir dans un communiqué de presse le 27 juin 2008 qu'il refuse d'obliger les ressortissants des pays dit «à problèmes» à se soumettre aux tests ADN losqu'ils sollicitent le regroupement familial. Pour elle, la démarche n'est pas consitutionnelle. Ainsi, elle propose de rejeter l'initiative parlementaire du conseiller national Alfred Heer (UDC/ZH). C'est ce qu'a fait le Conseil national lors de sa session d'automne 2008.

Flou juridique et administratif

La directive édictée par le Département fédéral de justice et police (DFJP) n’a jamais fait l’objet de débats parlementaires. Cette directive prévoit qu’en cas de doute important sur le lien de filiation, dans le cadre d’une demande d’autorisation de séjour pour cause de regroupement familial, un test ADN peut être demandé. Ce test est volontaire, mais un refus risque de mettre en échec la demande de permis. Cette directive est déjà appliquée alors qu’aucune base légale le permettant n’est en vigueur. En effet la nouvelle loi sur les étrangers entrera en vigueur seulement en 2008, et ne précise non plus en rien la question des tests ADN. Quant à la Loi fédérale sur l’analyse génétique humaine, entrée en vigueur en avril 2007, qui prévoit expressément à une autorité administrative de subordonner une autorisation à l’établissement d’un profil ADN si la filiation fait des doutes, elle a été adoptée après cette directive.

Notion de filiation réduite

Cette pratique est applicable pour 33 pays, dont 22 africains, mais aussi le Brésil, la Colombie ou l’Irak entre autres. Le test coûte cher (env. 1500.-), il atteint l’intégrité corporelle et la personnalité de la personne. Mais surtout, il limite la notion de filiation et la réduit à un pur produit génétique. Qu’en est-il de la filiation juridique (adoption), sociale ou éducative ? Les parents ne sont pas toujours les géniteurs, un test génétique peut parfois ne pas coïncider avec un test d’identification. Maria Roth-Bernasconi (PS / GE) soutenai aussi l'existance de ces différents types de filiation étaient valables (adoption, in vitro, etc), non pris en compte dans cette démarche.

Débat en France

Début octobre 2007, le Sénat français a adopté une loi sur la «maîtrise de l’immigration», autorisant le recours au test ADN. Ce texte a été vivement critiqué, certaines concessions ont donc été admises, notamment le recours à un juge pour l’approbation des tests, lien de filiation génétique uniquement avec la mère, tests gratuits et période probatoire (jusqu’en 2010). Les organisations de défense des droits de l’homme critiquent vivement ce texte. La Commission des Lois du Sénat a finalement décidé de supprimer les tests ADN suite aux réactions stridentes.


Dans la presse