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L’adoption de l’enfant du partenaire devient réalité pour les personnes homosexuelles

27.07.2017

Voilà des années que les organisations LGBT (lesbiennes, gays, bi, trans) se battent pour que soit adapté le droit d’adoption de façon à mieux protéger celles que l’on appelle les familles arc-en-ciel. Le Parlement a fini par supprimer cette inégalité de traitement. A partir du 1er janvier 2018, date d’entrée en vigueur du nouveau droit d’adoption, les partenaires enregistrés pourront adopter l'enfant de la personne avec qui ils sont en couple, au même titre que les personnes mariées.

Les organisations LGBT saluent cette amélioration, même si elles regrettent que le Parlement n’ait pas fait le pas jusqu’au bout en autorisant également l’adoption conjointe d'enfants tiers pour les couples homosexuels.

Cheminement parlementaire

Lors de sa session de juin 2016, le Conseil national avait suivi les Etats et décidé d’adopter la révision du droit de l’adoption permettant aux concubins et aux partenaires enregistrés d’adopter l’enfant de la personne avec laquelle ils vivent.

Cette modification a été adoptée avec une large majorité au Parlement malgré des oppositions dans le camp de l’UDC et du PDC. Dans la foulée, un comité issu de l’UDC, du PDC et de l’UDF s’était d’ailleurs formé pour lancer un référendum contre la révision. Il n’est cependant pas parvenu à réunir le nombre de signatures nécessaire et était déjà déclaré en échec en octobre 2016.

Le nouveau droit de l’adoption entre donc en vigueur le 1er janvier 2018.

Un droit de l’adoption moins inégalitaire

L'objectif de la révision est de ne plus limiter aux personnes mariées le droit d’adopter les enfants de leur partenaire, comme le prévoit actuellement le Code civil suisse (l’article 264). Il s’agit d’autoriser ce type d’adoption aussi aux personnes en union libre ou en partenariat enregistré.

Les modifications permettront donc de lever une inégalité de traitement, mais surtout de mieux protéger les 10 000 enfants déjà élevés par des couples en union libre. Comme le soulignent les associations LGBT de Suisse dans un communiqué commun: «Ainsi, la nouvelle disposition légale garantira qu’un enfant élevé dans une famille arc-en-ciel pourra rester avec son deuxième parent en cas de décès du parent biologique. Le décès de son deuxième parent légal lui conférera en outre le droit d’héritage et le droit de percevoir une rente d’orphelin. En cas de séparation, l’enfant pourra continuer à voir son deuxième parent légal et bénéficiera d’un droit d’entretien.»

Une motion remaniée

Au départ, la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats avait décidé de donner suite à la pétition «Mêmes chances pour toutes les familles» en déposant une motion du même nom en novembre 2011. Celle-ci chargeait le Conseil fédéral (CF) de préparer les modifications législatives nécessaires afin que toute personne adulte, quel que soit son état civil ou son mode de vie, puisse adopter un enfant si l’adoption est compatible avec l’intérêt supérieur de celui-ci.

Après le Conseil des Etats le 13 mars 2012, le Conseil national s'était lui aussi prononcé sur la motion «Droit de l'adoption. Mêmes chances pour toutes les familles». Mais contrairement à leurs homologues de la chambre haute, les parlementaires n’avaient pas autorisé l’adoption au sens large aux homosexuel-le-s, mais seulement l’adoption des enfants de leur partenaire. Un compromis qui avait finalement été accepté par le Conseil des Etats en juin 2012. C’est sur cette version remaniée, ce «compromis», que s’était appuyé le Conseil fédéral en 2014.

Occasion manquée d’accorder aux homosexuel-le-s le droit à l’adoption conjointe

La version remaniée de la motion transmise durant l’été 2012 au Conseil fédéral, qui rejoignait d’ailleurs la volonté exprimée par ce dernier en février 2012 dans sa réponse à la motion initiale, demande de changer l’article 28 de la Loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe (LPart) et l’article 264 du Code civil. Objectif: que «toute personne adulte, quel que soit son état civil ou son mode de vie, puisse adopter l’enfant de son ou sa partenaire, si l'adoption constitue la meilleure solution pour le bien-être de l'enfant.»

La réforme proposée aujourd’hui par le CF prévoit de modifier la Loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe, de sorte que ce ne soit plus l’adoption tout court, mais l’adoption conjointe qui soit interdite aux partenaires enregistrés.  

Pour humanrights.ch, cette position est toutefois incohérente puisqu’elle maintient des différences de traitement incompatibles avec les droits humains pour les couples du même sexe. Dans ce contexte, les associations LGBT estiment que d’autres mesures s’imposent et que, «en fin de compte, seule l’ouverture du mariage pour tous permettra d’instaurer une totale égalité de droits pour les familles arc-en-ciel et les personnes LGBT dans tous les domaines de la vie.»

Pétition «Mêmes chances pour toutes les familles»

Déposée en 2010 avec 19'380 signatures, la pétition demande que les dispositions relatives à l'adoption soient adaptées de sorte qu'elles se fondent sur l'intérêt de l'enfant et son bien-être, et non sur l'état civil et l'orientation sexuelle des personnes ou des couples qui souhaitent adopter un enfant. En outre, elle demande que les enfants qui sont élevés par un couple ayant contracté un partenariat enregistré soient mis sur un pied d'égalité avec ceux qui sont élevés par un couple marié et que les couples de même sexe aient les mêmes droits de parentalité et d'adoption que les couples mariés. Avec 97 voix contre 83 et 8 abstentions, le Conseil national avait décidé le 30 septembre 2011 de ne pas donner suite à cette pétition, à l’inverse du Conseil des Etats.

En 2008, le Conseil fédéral refusait de lever l’interdiction

Suite à une interpellation de Mario Fehr (ZH/PS), le Conseil fédéral avait refusé le 14 mai 2008 de lever l’interdiction d’adopter faite aux personnes homosexuelles. Il justifiait sa décision d’une part sur l'idée que les enfants devraient avoir des parents de sexe différent, et d’autre part sur le fait que la LPart avait finalement reçu un accueil favorable en bonne partie parce qu'elle mettait fin à une discrimination des personnes homosexuelles - mais sans pour autant leur permettre l'adoption.

L’interpellation parlementaire avait eu lieu suite à une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme en janvier 2008. Celle-ci avait conclu que les autorités françaises avaient refusé l'adoption à une femme en opérant une distinction fondée principalement sur son homosexualité.