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Fondements philosophiques de l’universalité des droits humains

31.01.2023

La prétention à l'universalité des droits humains est confrontée au pluralisme culturel, et tant la définition dominante que les récits liés aux droits humains sont aujourd'hui encore essentiellement occidentaux (voir impérialisme culturel et droits humains). Le caractère universel des droits humains peut toutefois être défini par plusieurs caractéristiques sur le plan philosophique.

Les droits humains trouvent leurs racines d'une part dans la philosophie grecque antique (égalité de toutes les personnes; idée d'un droit naturel appartenant à chaque personne) et d'autre part dans la perpétuation de cette tradition de droit naturel par différentes religions. Le concept de base des droits humains repose sur les hypothèses suivantes:

  • Les droits humains ne sont pas attribués par l’État. En revanche, chaque État doit avoir comme tâche principale de protéger les droits humains.
  • Chaque être humain est digne des droits humains. L'appartenance biologique au genre humain est l’unique critère à satisfaire pour qu’un individu puisse prétendre au respect de ses droits.
  • Bien que, du point de vue juridique, la mise en œuvre des droits humains doive être garantie par les États, leur respect est également exigé des autres collectivités, telles que les institutions étatiques, les communautés religieuses, les familles, les entreprises commerciales ou les différentes parties qui s’opposent lors de guerres civiles.

Conception de l’humain

La garantie du respect des droits humains n'est soumise à aucune autre condition que celle d'être humain. Ils s'appliquent à tous les individus, indépendamment de toute autre condition, p. ex. le fait de posséder la citoyenneté ou la capacité de discernement. Ces valeurs, qui sont indissociables de la condition d'être humain, se retrouvent également dans les normes internationales, à savoir:

  • L’égalité
    L’approche égalitaire des droits humains s’exprime par l’interdiction de discrimination. Indépendamment de son sexe et de ses origines sociales, chaque être humain possède une dignité humaine égale et inaliénable.
  • La liberté
    Toute personne a un droit à l'intégrité physique, à l'expression personnelle et à la réalisation de ses objectifs de vie. Les droits des individus ne peuvent être limités que lorsqu'ils sont en conflit avec les droits humains d'autres individus.
  • La sociabilité
    La personne appréhendée sous l’angle des droits humains n’est pas un individu isolé, mais un être social, politique et culturel. Il en découle le droit, pour chaque individu, de constituer ensemble avec d’autres personnes des communautés de vie ainsi que de participer à la vie politique et culturelle de la société.
  • La garantie de l’existence
    Dans la perspective des droits humains, l’être humain est considéré comme un être vivant ayant des besoins fondamentaux de nourriture, d’abri, de santé, d’instruction, de travail, de sécurité sociale, desquels découle le droit, pour chaque humain, à un niveau de vie suffisant.

Ces valeurs, en lien avec la notion juridique de la personne, sont inséparables et peuvent également être désignées dans leur synthèse par le terme de «dignité humaine». La conception de l’être humain véhiculée par les droits humains peut ainsi être réduite au dénominateur commun suivant: chaque être vivant né sous la forme d’un être humain, est une personne autonome, dotée d’une dignité équivalente qui ne peut pas être perdue; elle dispose d’une sphère privée qu’elle détermine elle-même, elle est douée de la capacité de participer à la réalisation de la vie collective et a des besoins matériels fondamentaux. Si X est un droit humain, alors X est caractérisé moralement comme bien élémentaire et protégé juridiquement, dans l’idée que X concrétise un aspect de cette conception de l’être humain. Cette pensée, qui suppose d’une part un individu et d’autre part des droits qui lui seraient inhérents, émane d’un riche passé historique et conceptuel remontant à l’Antiquité et constitué notamment par le développement de la théorie des droits naturels et de la pensée humaniste.

La question de la validité universelle des droits humains

La validité à laquelle prétendent les droits humains est, par définition, universelle. Cela implique:

  • Tout être humain peut se prévaloir des mêmes droits humains.
  • Tout être humain devrait reconnaître la valeur des droits humains et a l’obligation de respecter les droits humains de ses semblables.

De manière schématique, on peut distinguer deux sortes d’argumentations qui soutiennent et justifient l’universalité des droits humains: l’argumentation absolutiste et l’argumentation modérée. La première justifie la portée universelle des droits humains sur la base d'une «idée» à valeur prétendument absolue, qui peut prendre la forme d’une religion ou d’une certaine conception de la raison par exemple. Cependant, une telle éthique, qui veut universaliser un système de pensée particulier, décrédibilise les croyances, les dispositions intellectuelles et morales de celles et ceux qui ne le partagent pas. En niant la particularité d’autrui pour imposer leur vision, les absolutistes défendent de fait plus un ethnocentrisme que l’amélioration des droits de tout être humain. Une argumentation modérée et ouverte au dialogue soutenant l'universalité des droits humains se définit en revanche par la reconnaissance d'une diversité de positions. Pour de bonnes ou de mauvaises raisons, d'autres positions que celles défendues par l'auteur peuvent être reconnues.

Les droits spécifiques à certains groupes tels que les droits des femmes, des enfants et des minorités ne sont pas contraires à l'universalité des droits humains. En reconnaissant la diversité de l'environnement social, ils concrétisent leur universalité. En protégeant spécifiquement les droits des femmes, des enfants et des minorités, la vulnérabilité de ces groupes face aux violations de leurs droits est ainsi reconnue et leur égalité sociale est encouragée.