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Nouvelle approche pour la réforme du droit d’initiative

19.12.2011

En ce moment, plusieurs thèmes en rapport avec la Constitution sont discutés en même temps dans différents dossiers, sans que les acteurs politiques aient forcément conscience des relations existantes entre eux. A savoir:

  • La juridiction constitutionnelle
  • Le rapport entre le droit suisse et le droit international
  • La réforme du droit d’initiative, pour régler le problème des initiatives contraires aux droits fondamentaux

Situation initiale

La révision de la Constitution en 2000 et la réforme de la justice de 2004 ont laissé deux problèmes irrésolus: une juridiction constitutionnelle n’a pas pu être introduite et le rapport entre le droit suisse et le droit international reste confus. Ces deux thèmes font depuis longtemps l’objet de motions parlementaires.

Avec l’augmentation et en particulier l’acceptation d’initiatives populaires qui éraflent le droit international et les droits fondamentaux de la Constitution, un troisième problème s’est ajouté ces dernières années. De nombreux acteurs politiques ont de la peine à reconnaître que ce dernier point est un problème indépendant des autres. De fait, il est souvent posé dans le contexte des débats sur le rapport entre le droit interne et le droit international. Thématiquement, la réforme du droit d’initiative s’intégrerait pourtant mieux dans le débat concernant l’extension d’une juridiction constitutionnelle que dans celui sur qui oppose droit interne et droit international.

Remous politiques de la discussion

Avec le postulat 07.3764, la Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats a mandaté le Conseil fédéral pour qu’il prépare un rapport sur la relation entre le droit national et le droit international. Cette délimitation a été brisée avec le postulat 08.3765 de la Commission des institutions politiques du Conseil national (CIP-N), qui a demandé au Conseil fédéral d’ajouter dans son rapport la question des initiatives problématiques, en conflit avec les droits fondamentaux constitutionnels ou le droit international.

Quand le rapport du 5 mars 2010 a été publié, on a reproché au Conseil fédéral de ne pas traiter les questions délicates sous prétexte que le débat sur le rapport entre droit national et droit international se superposait déjà avec la réforme du droit d’initiative. La Commission CIP-N a reproduit avec le postulat 10.3885 sa demande pour que le CF prépare un rapport complémentaire sur la question. Ce rapport complémentaire du 30 mars 2011 avançait les propositions d’une «mise en garde» et d’un «élargissement des raisons matérielles comme la nécessité de respecter l’essence des droits fondamentaux», qui ont été facilement acceptées par le Parlement (motions 11.3468 et 11.3751 de la CIP-N). Mais le rapport complémentaire est resté trop fortement ancré dans le sujet d’origine (droit national vs droit international) au lieu de proposer des solutions réellement innovantes.

La juridiction constitutionnelle

Le débat sur la juridiction constitutionnelle se déroule jusqu’à maintenant de manière peu spectaculaire et détachée des deux autres problématiques. Les motions 05.445 et 07.476 proposent de supprimer l’article 190 de la Constitution qui stipule que les lois fédérales et le droit international font foi pour l’application du droit. Avec la suppression de cet article, la Constitution se positionnerait ainsi en haut de la hiérarchie des normes juridiques appliquées et la juridiction constitutionnelle serait concrétisée dans une forme diffuse (au travers de toutes les autorités qui appliquent le droit, et pas seulement au travers du Tribunal fédéral). Avec raison, cette discussion sur la juridiction constitutionnelle se détache volontairement du débat sur le rapport entre droit national et droit international. Un bilan du débat sur la réforme du droit d’initiative n’a pour l’instant pas été effectué.

Les droits fondamentaux comme lien

Il y a pourtant un lien systématique entre le thème de la juridiction constitutionnelle et la réforme du droit d’initiative: le désir de préserver les droits fondamentaux par rapport aux lois fédérales. En effet, le problème relevé par les partisans d’une extension de la juridiction constitutionnelle est que les droits fondamentaux ne sont jusqu’ici pas protégés face aux lois fédérales ordinaires. C’est l’idée directrice de la motion 07.476. Même ceux qui considèrent avec scepticisme l’introduction d’une juridiction constitutionnelle générale approuvent ainsi l’idée d’une juridiction des droits fondamentaux en particulier.

Pour une juridiction des droits fondamentaux

A l’inverse, la problématique des initiatives populaires violant les droits fondamentaux n’a en revanche pas fait partie de la consultation concernant l’introduction d’une juridiction constitutionnelle. Cependant, l’association Freikirchen Schweiz et le Club Helvétique ont proposé d’inscrire dans l’article 190 de la Constitution que les droits fondamentaux feraient foi comme droit applicable pour les autorités. Ceci aurait pour conséquence que les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution prévaudraient sur les lois fédérales et le droit international, mais aussi sur le droit constitutionnel restant.

La démocratie directe intacte

Dans un Etat de droit démocratique, seuls les droits fondamentaux ne doivent pas être négociables et altérés par les outils de la démocratie directe. Toutes les autres questions, comme l’immigration ou les relations commerciales internationales, sont à résoudre grâce au débat politique, qui est et doit rester indissociable des institutions démocratiques que sont l’initiative et le référendum.

D’après cette conception, une initiative populaire ne peut être «problématique» que si elle empiète sur les droits fondamentaux garantis par notre Constitution. La question de sa compatibilité avec le droit international ne se pose alors que si le droit international dérangé est le même que celui garanti par nos droits fondamentaux. Ainsi, le débat sur la réforme du droit d’initiative serait mieux intégré dans l’introduction d’une juridiction constitutionnelle dans le sens d’une juridiction des droits fondamentaux de la Constitution.

Le thème du rapport entre le droit national et le droit international pourrait alors être traité sans être pollué par le débat émotionnel sur la réforme des droits populaires.