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Droits des détenus non respectés à Champ-Dollon: 6 mois après, toujours pas de réaction

02.11.2007

La Commission d'experts du Grand Conseil de l'Etat de Genève s'indigne du manque de réaction des autorités suite aux rapports d'experts (cf. ci-dessous) qui mettaient gravement en cause certaines pratiques de la police comme de la justice. En effet, début novembre 2007, la Commission n'a constaté la réaction positive que du corps médical, se heuretant en revanche au silence de la cheffe de la police, à la contestation du rapport du procureur général, et à sa relativisation par le pouvoir exécutif. Suite aux protestations de 2006 (cf.ci-dessous) les rapport avaient pourtant mis en évidence des violations des droits humains au sein de la prison de Champ-Dollon: des allégations de pratique de «submarino» (immersion de la tête dans de l'eau) avaient notamment été collectées, allégations confirmées dans une lettre du commissaire à la déontologie Louis Gaillard. Seules réponses à cette accusation à l'heure actuelle: les poubelles de la prison ont des trous et, excepté une, les déclarations des détenus ne sont "que" manuscrites de l'unité médicale - les faits, vérifiés par les médecins, n'étaient alors pas dactylographiés dans les dossiers des détenus versés à la police.

  • Les députés visiteurs veulent que Genève cesse de ressembler au Chili (article accessible sur abonnement uniquement)
    Le Courrier, 2 novembre 2007
  • Champs-Dollon: les députés ravivent le débat (article accessible sur abonnement uniquement)
    Le Temps, 2 novembre 2007

Deux rapports présentés au printemps 2007  

Pour la Ligue suisse des droits de l'homme (LSDH), qui présentait son rapport le 16 avril 2007, les droits fondamentaux des détenus ne sont pas respectés dans la prison genevoise de Champ-Dollon. De même le rapport de la commission d'experts du Grand Conseil genevois, présenté le 18 avril 2007, est très sévère envers les pratiques de la police et de la justice. Et la LSDH, et la commission, avaient entrepris une enquête suite aux protestations des prisonniers quand à leurs conditions de détention et des longueurs de procédures judiciaires. Alors que les représentants de la LSDH ont pu s'entretenir avec le chef du Département cantonal de justice et police Laurent Montinot et avec le procureur général Daniel Zapelli, les expert de la commission ont auditionné 125 détenus et ils ont eu accès aux données de la police judiciaire et de la justice. 

Profondes critiques au pouvoir judiciaire

Selon la commission d'experts, le faible nombre de juges d'instruction entraîne des lenteurs dans les procédures judiciaires. Un seul magistrat est chaque semaine de permanence pour traiter la soixantaine de nouveaux cas et le délai prévu de huit jours pour déterminer la nécessité ou non d’'une privation de liberté prolongée n'’est pas respecté. D'autre part, le droit des détenus à être entendu n'est souvent pas respecté. Le rapport conclut qu'il faut modifier les mentalités au Palais de justice, qui aurait tendance à incarcérer trop facilement. «La question se pose de savoir s’il faut parler de surpopulation carcérale ou de surcarcérisation de la population», assène le professeur Christian-Nils Robert, un des experts.

Violences policières 

30% des détenus auditionnés (soit 38 sur les 125) se sont plaints de mauvais traitements physiques et de propos racistes, voire de rançons; dans 14 des cas, des lésions ont été constatées par les médecins. Les brutalités ont consistés en coups de pieds à terre, tête frappée contre le mur, gifles, coups lors de l'interrogatoire, et un mineur a raconté avoir subit le sous-marin (tête dans l'eau). Ce taux «très élevé» a surpris l'expert juriste et médecin Jean-Pierre Restellini, qui travaille dans de nombreux pays comme membre du Comité européen pour la prévention de la torture. Pour mettre des garde-fous, l'expert préconise de faciliter la possibilité de s'adresser à un avocat et à un médecin juste après l''arrestation et de créer une véritable instance de surveillance des services de police. 

Conditions de détention 

Conséquences logiques de la surpopulation, certaines conditions de détention deviennent inacceptables. Le rapport de la LSDH confirme certains des problèmes, comme un accès restreint aux soins, aux parloirs, à la formation ou aux places de travail. Les experts confirment la promiscuité, la mixité, le mélange de détenus (p.ex avec des détenus perturbés) et certaines restrictions.  De même, le rapport est sévère envers le service médical, qui vient de subir une restructuration. 

Réactions des autorités

Lors d'une conférence de presse le 3 mai 2007, les autorités ont exprimé leur inquiétude tout en relativisant les allégations - le ministre genevois en charge de la police Laurent Moutinot a pointé le fait que les allégations de détenus n'ont pas fait l'objet de vérification et les policiers accusés n'ont pas été entendu. Dans un commentaire du Temps, le journaliste Fati Mansour regrette la rengaine «on ne peut pas le croire» dans le réflexe typique de protection de l'institution et de son image. Mais les autorités ont aussi présenté un plan de réformes de la police censé mettre un frein à ces disfonctionnements. Le plan d'action comprend l'amélioration de la formation des policier, la réunion en un seul corps de la gendarmerie et de la police de sécurité internationale, une nouvelle répartition des compétences, des caméras de surveillance (y compris dans les postes de police et les salles d'interrogatoires), la réforme des procédures disciplinaires et la création d'une police des polices intercantonale.

A propos du rapport de la Commission d'experts

A propos du rapport de la LSDH 

A propos des réactions des autorités

Protestations à caractère politique en avril 2006

Si la prison préventive de Genève avait récemment souvent fait le une en raison de sa surpopulation (près de 500 détenus fin mars, pour 270 places: il s'agit de la prison la plus surpeuplée de Suisse, voir acticle sur humanrights.ch), ce n’est pas pour se plaindre des conditions de détention que les prisonniers protestent. Ayant menacé les autorités pénitentiaires de faire une grève de la faim, près de 200 détenus ont signé une lettre dénonçant l’emploi disproportionné de la force policière et des discriminations et lenteurs à l’échelon judiciaire – certaines détentions préventives excédant les peines prononcées.

Des députés membres de la Commission de visiteurs officiels ainsi que des représentants de la Ligue des droits de l’homme (LDSH) ont rendu visite aux détenus et cherchent à désamorcer la crise qui couve à Champ-Dollon. Pour Doris Leuenberger, de la LSDH, «la prison est tellement surpeuplée à l'heure actuelle que le moindre petit problème peut prendre de graves proportions». Pour l'heure et dans l'attente des disposisitons à prendre par la Commission et par le chef du Département des institutions Laurent Moutinot, les détenus ont suspendu leur menace de grève. Du moins pour l'instant.

  • Les complaintes des détenus de Champ-Dollon trouvent un écho (article accessible sur abonnement uniquement)
    Le Temps, 12 avril 2006
  • La plainte des prisonniers de Champ-Dollon
    swissinfo, 11 avril 2006
  • La ligue des droits de l’homme sera le « porte-voix » des détenus (article accessible sur abonnement uniquement)
    Le Courrier, 12 avril 2006
  • La révolte de 200 détenus rencontre un début d’écho (article accessible sur abonnement uniquement)
    Le Courrier, 6 avril 2006
  • Communiqué de presse de la LSDH, 5 avril 2006

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