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Protocoles n° 15 et 16 à la CEDH: la réforme de la CrEDH se poursuit

29.10.2013

En juin 2013, le Conseil de l’Europe a ouvert à signature un nouveau protocole à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Il vise à améliorer et à renforcer la fonction de gardienne de la CEDH assurée par la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH). Constamment surchargée, celle-ci a en effet de plus en plus de mal à accomplir sa tâche.

Dans un même esprit de réforme, le Conseil de l’Europe a ouvert le protocole n°16 à la signature début octobre 2013.

Historique de la réforme

Depuis des décennies, les mesures visant à renforcer l’efficacité de la CrEDH donnent lieu à de vifs débats au sein du Conseil de l’Europe. Le protocole n°11 en 1994, puis le protocole n°14 dix ans plus tard, avaient déjà eu pour but de réformer la procédure de plainte auprès de la CrEDH. La réforme s’était ensuite poursuivie en février 2010 à Interlaken: le Comité des Ministres, sur invitation de la Suisse alors présidente du comité, avait adopté un plan d’action qui listait les nouvelles mesures à prendre pour faire face à la surcharge de travail de la Cour. Les ministres avaient précisé la mise en œuvre de ce plan d’action lors des conférences d’Izmir (Turquie) en avril 2011 et de Brighton (Royaume-Uni) en avril 2012. Premier résultat de ces pourparlers, le protocole n°15 à la CEDH, ouvert à la signature depuis le 16 mai 2013, contient les modifications de procédure les moins contestées.

Les amendements à la CEDH introduits par le protocole n°15

Au cœur de cette réforme, on trouve l’introduction dans le préambule d’une référence explicite au principe de subsidiarité et à la doctrine de la marge d’appréciation. La pratique de la Cour européenne des droits de l’homme devra, à l’avenir, tenir compte du fait que les Etats membres disposent, dans l’application de la CEDH, d’une certaine marge de manœuvre en fonction des circonstances particulières d’un cas et des personnes concernées. Le Comité des Ministres veut ainsi réaffirmer l’idée selon laquelle la convention doit être uniquement appliquée de manière subsidiaire et qu’il revient, en premier lieu, aux Etats membres d’appliquer la CEDH. Il part du principe que ces derniers connaissent mieux les circonstances ou les besoins locaux et qu’ils peuvent (ou devraient pouvoir) mieux en tenir compte. La CrEDH a donc la responsabilité d’examiner la conformité des décisions nationales avec la convention, tout en respectant la marge de manœuvre des Etats.

Pour le reste, les amendements du protocole n°15 portent avant tout sur des questions procédurales. Ainsi, le délai durant lequel la Cour peut être saisie après une décision nationale définitive a été ramené de six à quatre mois. Les autres modifications peuvent être consultées ci-dessous.

Comme ce protocole modifie le texte même de la CEDH, il doit, pour pouvoir entrer en vigueur, être accepté par l’ensemble des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe. Pour l’instant, il a été signé par 21 pays et ratifié par un seul, l’Irlande (Situation au 26.06.2013).

Protocole n°16 ouvert à signature

Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a pris d’autres mesures pour améliorer l’application de la CEDH dans les Etats membres. Il a adopté le protocole n° 16 le 10 juillet 2013 et l’a ouvert à la signature le 2 octobre 2013. Celui-ci introduit une nouveauté pour les cours constitutionnelles ou les plus hautes juridictions nationales: elles pourront demander à la CrEDH «un avis consultatif sur des questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application de la Convention ou ses protocoles.»

Contrairement au protocole n° 15, il s’agit d’un protocole additionnel qui ne sera appliqué que dans les pays signataires. Seuls 10 Etats doivent le ratifier pour qu’il puisse entrer en vigueur. A l’heure actuelle, dix Etats l'ont signé, mais pas encore ratifié (état au 12 mai 2014, état actuel des signatures consultable à cette adresse).