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Protestation contre l'Accord ACTA

31.07.2012

L’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) oblige les Etats qui le signent à prendre des mesures contre la piraterie et la contrefaçon dans différents domaines. L’accord concerne notamment la protection de la propriété intellectuelle et la santé publique. En Suisse comme en Europe, la grogne monte contre cet accord. Plusieurs partis pirates et organisations ont appelé à protester. D’après eux, l’accord limiterait de façon inacceptable le droit d’expression sur internet et représenterait un danger pour le commerce vital des médicaments génériques entre pays du Sud.

Le mouvement de protestation a reçu un large écho dans de nombreux Etats. Plusieurs personnalités sont également critiques face à l’accord. Sa formulation, pour le moins vague et ouverte, est également au centre du mécontentement. Face au mouvement de la société civile, de nombreux Etats ont d’ores-et-déjà suspendu la négociation de l’accord. Plusieurs ONG demandent à la Suisse de faire de même. Lors de la session de printemps 2012 du Parlement,  la Commission de politique extérieure du Conseil national a demandé  au Conseil fédéral de ne pas signer l’accord pour l’instant.

Le 4 juillet dernier, le Parlement européen a rejeté l’ACTA à une très nette majorité. La Déclaration de Berne salue cette décision et demande au Conseil fédéral, qui avait annoncé en mai dernier un report de la signature de l’ACTA en attendant l’évolution des procédures de ratification au sein de l’Union européenne, de rejeter définitivement cet accord.

Un développement de l’Accord ADPIC

Il existe déjà un accord international pour le secteur de la propriété intellectuelle. L’accord sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle touchant au commerce (ADPIC) protège notamment les patentes, copyrights, marques de fabrique ou de commerce et droits d’auteurs. Il est en vigueur depuis 15 ans. Mais d’après l’industrie et les producteurs (principalement en Occident), la contrefaçon et la piraterie se sont depuis lors aggravé dans plusieurs domaines. Cela concerne particulièrement des produits tels que les films, chansons, livres, médicaments et vêtements griffés.

L’ACTA actuellement en négociation est la réponse de la communauté internationale à ce développement récent. Il prévoit des mesures pénales concrètes destinées à mieux protéger les producteurs et créateurs contemporains. Des peines dissuasives sont ainsi prévues en cas de violation préméditée de marques ou de droits d’auteurs. La piraterie sur internet sera également visée par l’accord et punie sévèrement. L’accord responsabilise par ailleurs les fournisseurs d’accès internet en cas d’échanges illégaux. Dans les pays qui ont ratifié l’ACTA, ils peuvent ainsi être tenus pour responsables des actes commis par les utilisateurs.

Reste à savoir quelles seraient les conséquences de l’adoption de l’accord. Du fait de formulations vagues et ouvertes, l’accord laisse une importante marge de manœuvre aux Etats et il est difficile pour l’instant de prévoir l’utilisation qui pourrait en être faite. Il ne serait pas inimaginable que les fournisseurs d’accès soient à l’avenir tenus d’assurer la veille et le contrôle du flux des informations échangés par les internautes. Ils pourraient également être amenés à interdire la création d’un compte par un utilisateur ayant déjà commis trois violations en matière de droits d’auteur. C’est du moins ce qui est d’ores-et-déjà prévu en France. L’ACTA donne aussi aux Etats le feu vert pour criminaliser la complicité en cas de violation de droits d’auteur. Les plateformes telles que YouTube, qui se base sur l’échange entre internautes, devraient certainement être fermées.

Droits humains contre protection des marques?

La Commission des affaires extérieures du Conseil national (CPE-N) s’est penchée sur la question de la ratification de l’ACTA lors de sa séance du 20 mars 2012. Les parlementaires, tous partis confondus, ont exprimé leur scepticisme sur cet accord. La Commission va écrire au CoLa Commission des affaires extérieures du Conseil national (CPE-N) s’est penchée sur la question de la ratification de l’ACTA lors de sa séance du 20 mars 2012. Les parlementaires, tous partis confondus, ont exprimé leur scepticisme sur cet accord. La Commission va écrire au Conseil fédéral pour lui demander de ne pas signer l’ACTA avant que la Cour européenne de justice n’ait confirmé que l’accord respecte les droits fondamentaux.

Selon Amnesty international, «la procédure et la structure institutionnelle de l’ACTA ont diverses répercussions sur les droits humains – notamment sur les droits à une procédure légale, à la vie privée, à la liberté d’information, à la liberté d’expression et à l’accès aux médicaments de base». L’organisation appelle donc la Confédération à ne pas ratifier l’accord.

Même demande du côté de la Déclaration de Berne, qui qualifie l’accord de «liberticide et antidémocratique». L’organisation a souligné les dangers de l’Accord dans un communiqué de presse du 10 février 2011. Pas seulement pour la liberté d’expression, mais également pour le commerce vital des médicaments génériques entre pays du Sud. «Sous couvert de lutte contre la contrefaçon, indique la Déclaration de Berne, ceux-ci risquent d’être saisis abusivement par des douaniers lors de leur transit, comme cela s’est déjà produit en Europe.»

Un point n’a jusqu’à maintenant pas été abordé dans cette discussion sur l’impact de l’accord pour les droits humains. Un point important. En effet, les partisans d’un droit d’auteur fort peuvent également se reposer sur un droit humain pour défendre leur idée: la liberté de l’art. Garantie à l’article 21 de la Constitution fédérale, elle est également défendue dans le détail dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, ainsi que dans le Pacte I de l’ONU sur les droits économiques, sociaux et culturels. L’article 15 du Pacte I garantit à tout un chacun dans un Etat signataire du pacte de «bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistiques dont il est l’auteur».

L’Institut fédéral de la propriété intellectuelle veut calmer le jeu

En Suisse, c’est l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI) qui est responsable de négocier l’accord. Pour eux, celui-ci ne devrait pas susciter toute cette agitation. Comme indiqué au Courrier par un représentant de l’institution, «le traité n’entraîne aucune modification de nos lois. Il vise surtout à améliorer notre collaboration en matière de douanes et d’échanges d’informations». En attendant, le Conseil fédéral a récemment encore affirmé dans un rapport que le téléchargement d’œuvres de sources illicites devrait rester autorisé, dès lors qu’il est réservé à l’usage privé.

Sources

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