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Nasar M.: en prison sans jugement

07.07.2020

Le cas de Nasar M. se rattache à un procès complexe mené par le Ministère public du canton de Thurgovie qui a fait les gros titres. Le point de départ du procès: la mort de Peter Gubler. L’homme âgé de 53 ans est retrouvé mort le 20 novembre 2010 dans la commune thurgovienne de Kümmertshausen. Le Ministère public ouvre une enquête et considère qu’une mafia kurde dont Nasar M. est le chef présumé a assassiné Peter Gubler. La raison: une querelle avec Nasar. M en lien avec une affaire de trafic d’êtres humains.
Nasar M. est tenu responsable du meurtre et condamné pour homicide ainsi que pour trafic de drogue et chantage par le Ministère public. Celui-ci demande une peine de vingt ans de réclusion.

En mars 2015, le cas prend cependant une tournure inattendue après la publication d’un arrêt du Tribunal fédéral: les deux procureur·e·s responsables du cas sont récusé·e·s.

Il s’est révélé que les procureur·e·s ont secrètement rencontré l’un des accusés et lui ont donné le rôle de témoin principal. Celui-ci a bénéficié d’un jugement particulièrement clément préparé à l’avance.

Un nouveau procureur reprend le cas, s0n acte d’accusation se fonde cependant principalement sur le travail de ses prédécesseur·e·s. Au cours du procès, on s’aperçoit pourtant rapidement que le témoin principal se trouvait lui-même sur les lieux du crime et qu’il est probablement le principal auteur du crime.

Le 23 janvier 2018, le tribunal de district de Kreuzlingen est condamné en tant que principal responsable. Tous les autres accusé·e·s principaux·les, y compris Nasar M., sont acquitté·e·s du meurtre. Nasar M. est toutefois condamné à quatorze années de prison pour chantage, activité de passeur et infraction à la loi sur les stupéfiants.

Alors que tou·te·s les accusé·e·s, dont l’auteur principal, sont encore en liberté, Nasar M. est incarcéré en continu depuis 2012.

Son jugement n’est pas définitif. Juridiquement, il n’est plus prévenu et pas encore au stade d’exécution de sa peine.

Nasar M. est déjà passé par presque tous les établissements pénitentiaires de Suisse. C’est un détenu difficile; il se plaint fréquemment de problèmes de santé et refuse de travailler. Il vit la privation de liberté comme quelque chose de véritablement inhumain, explique David Mühlemann du centre de consultation juridique pour les personnes en détention.
Pendant trois ans, il est interné en isolement, ce qui lui sera de nouveau imposé plusieurs fois comme mesure disciplinaire. Tout contact lui est alors refusé, même celui du pasteur de la prison. Tout ceci alors que la Commission nationale de prévention de la torture écrit qu’une longue période d’isolement fait courir de grands risque de dommages sérieux et irréversibles aux détenu·e·s.

Les longues grèves de la faim répétées qu’a entreprises Nasar M. montrent que ceci n’a pas été pris en considération. Il a exprimé plusieurs fois sa volonté de mourir.


Lire le reportage complet sur le cas dans la Wochenzeitung (Woz) 29/19