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Cinquième rapport du Conseil de l’Europe sur le racisme en Suisse

01.10.2014

Le 16 septembre 2014, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a publié son cinquième rapport sur la Suisse. Tout en relevant que des progrès ont été accomplis dans un certain nombre de domaines depuis l’adoption du précédent rapport le 2 avril 2009, elle souligne néanmoins certains points préoccupants.

La Commission a fait 21 recommandations à la Suisse, dont plusieurs sont reprises dans cet article.

Développements positifs

Parmi les progrès notables, l’ECRI souligne la conclusion des Programmes d’intégration cantonaux (PIC). Grâce à eux, la Confédération et les cantons ont renforcé leur action en vue d’une bonne intégration des personnes issues de la migration et toute victime de discrimination raciale peut désormais disposer d’un conseil et un soutien qualifiés. La Commission a également salué le fait que de nouveaux Ombudsmen et le Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH) ont vocation à lutter contre le racisme et l’intolérance. Le travail de sensibilisation de la médiatrice de Zurich a aussi fait l’objet d’éloge de la part de l’ECRI. Celui-ci a fait connaître le terme de «profilage racial» désignant le comportement discriminatoire d'une autorité, en particulier la police, en fonction de critères comme la couleur de peau. Une pratique suisse que l’ECRI a de nouveau critiqué dans son rapport.

Autre point marquant: le rôle en partie positif des médias. L’ECRI salue d’une part la pression médiatique exercée sur les politicien-ne-s qui ont tenu des propos racistes. Certains cas ont été jusqu’à la démission de la personne concernée. Elle salue également l’autorégulation faite par le Conseil suisse de la presse dans le cas de la une de la Weltwoche sur les Roms (voir notre article), qui permet de lutter contre la généralisation du discours de haine dans les médias.

Appareil législatif inefficace

Certains points noirs ont également été relevés par la Commission, parfois pour la énième fois. C’est le cas notamment du refus suisse de signer et ratifier le protocole additionnel no 12 à la CEDH, qui affirme l’interdiction générale de la discrimination. Tout en prenant note du soutien parlementaire apporté ces dernières années à la norme antiraciste (art. 261 bis du code pénal), l’ECRI relève l’interprétation étroite faite par les tribunaux des motifs qu’elle inclut: la race, l’origine ethnique et la religion. Elle réclame ainsi que la norme soit élargie aux notions de couleur de peau, langue et nationalité. Dans la même lignée, elle recommande nouvellement à la Suisse de renforcer en droit civil et administratif la protection des victimes de discrimination raciale en adoptant une législation complète contre la discrimination.

Enfin, la Commission a vivement critiqué l’article 86 de la Loi sur l’asile. Celui prévoit que les migrants humanitaires sans permis de séjour qui exercent une activité lucrative sont tenus de payer, pendant une durée maximale de dix ans, une taxe spéciale à hauteur de 10% du revenu. Une mesure contraire à l’article 29 de la Convention de Genève sur les réfugiés.

Défaut d’indépendance pour la CFR

La Commission a regretté que la Commission fédérale contre le racisme (CFR) ne se soit toujours pas vue attribuer la compétence de pouvoir être saisie en cas de plaintes pour racisme et souffre d’un manque d’indépendance. Elle recommande donc à la Confédération de consolider l’indépendance de la CFR. Cette dernière recommandation sera soumise à un examen intermédiaire d’ici deux ans.

Racisme dans le débat public

La Commission s’est dite particulièrement inquiète de l’utilisation d’éléments racistes, antisémites et xénophobes dans le discours politique helvétique. Ces discours de haine portent directement atteinte aux conditions de vie de nombreuses minorités vivant en Suisse, qui ressentent une dégradation considérable de leur situation et du climat politique. Face à ces discours de haine, l’ECRI appelle les ministères publics cantonaux et fédéraux à faire preuve d’une tolérance zéro. De même, la façon dont sont exposées les statistiques officielles donne une fausse image de la situation et apportent de l'eau au moulin des partis aux discours racistes et populistes.

LGBT et minorités nationales

Un autre grand thème de l’ECRI dans son rapport sur la Suisse concerne la minorité lesbienne, gay, bi et transsexuelle (LGBT) et la minorité nationale des Yéniches. Concernant cette dernière, la Commssion recommande à la Suisse de régler le problème des places de transit nécessaires au maintien de son mode de vie traditionnel (voir notre article sur le sujet).

Concernant la minorité LGBT, l’ECRI a regretté l’absence de législation contre la discrimination basée sur l’orientation sexuelle. Elle a également souligné le manque de service de consultation, de soutien et de sensibilisation sur cette question. Elle inspectera d’ici deux ans où en est la Confédération en matière de création d’instances indépendantes pour les personnes LGBT.

Sources