15.01.2010
Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones
L'Assemblée générale des Nations-Unies a adopté lors de sa 62e session en septembre 2007 la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Elle n'est pas un instrument légalement contraignant, mais représente une très importante étape politique vers une reconnaissance contraignante des droits des peuples autochtones. La déclaration garantit explicitement aux peuples autochtones - en tant que collectifs mais également pour les membres individuels - un droit à la jouissance de tous les droits humains et libertés fondamentales.
- Texte officiel de la déclaration sur les droits des peuples autochtones
(pdf, 20 p., en fr.)
Sur l'histoire de la déclaration
La déclaration adoptée en 2007 est le résultat d'un processus de presque 20 ans. En 1985 déjà, un groupe de travail sur les groupes de population indigènes se penche sur une proposition de déclaration. Le travail de ce groupe de travail se termine en 1993 avec le dépot d'un projet de déclaration. La commission des droits de l'homme (remplacée par le conseil des droits de l'homme en 2006) fait suivre le projet à un nouveau groupe de travail chargé de retravailler la proposition. En 2006, le conseil des droits de l'homme accueille positivement le nouveau projet par 30 voix contre 2 et 12 abstentations (et 3 absents). Il transmet le projet à l'Assemblée générale des Nations-Unies. Lors de sa 61e session le 28 novembre 2006, celle-ci adopte par 83 contre 67 voix et 25 abstentions une résolution demandant de repousser la décision finale sur le projet soumis au vote.
Au coeur de la dispute
La déclaration est alors combattue par deux membres du conseil des droits de l'homme, à savoir le Canada et la Russie. De plus, les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande, l'Australie - qui ne sont pas représentés au conseil des droits de l'homme - se sont également prononcés contre la déclaration et ont exigé de revoir à la baisse les exigences formulées dans le texte final. C'est l'une des provisions centrales de la proposition qui est au coeur des débats: le droit des peuples autochtones à s'autodéterminer et le contrôle sur leurs ressources naturelles. A l'inverse, les ONG de défense des droits humains et les représentants des peuples indigènes se disent convaincus par le texte et plaident pour une adoption rapide du texte par l'Assemblée générale. Le pas est franchi en septembre 2007: l'Assemblée générale adopte lors de sa 62e session la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.
Définition des «peuples autochtones»
La déclaration ne contient pas de définition du concept central de «peuples autochtones». En 1982 déjà, le groupe de travail avait souligné la difficulté que représente une telle définition. Aujourd'hui, les Nations-Unies semblent privilégier une caractérisation des peuples autochtones comprenant quatre éléments fondamentaux:
- La continuité historique : il doit pouvoir être établi une continuité historique entre les autochtones et les premiers habitants d’un pays ou d’une région avant sa conquête ou sa colonisation.
- La différence culturelle : les peuples autochtones ne se sentent pas appartenir à la culture de la société dominante du pays dans lequel ils habitent. Ils sont déterminés à préserver leurs caractéristiques culturelles, leurs traditions et leurs organisations sociopolitiques.
- Le principe de non-dominance : les peuples autochtones sont en marge de la société.
- L’auto-identification : Il s’agit là, d’une part, de la conscience d’un individu d’appartenir à un peuple autochtone et, d’autre part, de son acceptation en tant que membre de ce peuple par le peuple autochtone lui-même.
Vous trouverez de plus amples informations sur cette difficile question sur les différents articles préparés par humanrights.ch:
- Que signifie « autochtone » ?
- Les autochtones : peuples ou populations ?
- Minorités autochtones et minorités ethniques
Les obligations des Etats-parties
En acceptant une déclaration qui n'a - pour l'heure ! - qu'une forte valeur politique (soft law), les Etats-parties savaient que leurs obligations resteraient diffuses. Néanmoins, la déclaration représente un instrument important pour permettre une réalisation plus complète et rapide des droits des peuples autochtones. Ainsi, la déclaration pose les bases d'un standard. Les peuples autochtones sont considérés comme les autres peuples. Ils peuvent ainsi réclamer le droit de maintenir leurs institutions, traditions, culture et identité et demander une protection efficace contre les discriminations et la marginalisation. De plus, les peuples autochtones peuvent jouir d'un droit à s'autodéterminer, qui comprend le contrôle des ressources naturelles situées sur leur territoire. Pour compenser les territoires qui furent jadis volés, pillés et détruits, ils ont maintenant les moyens de faire valoir leurs droits.
Mécanisme de contrôle
La déclaration ne prévoit pas de mécanisme officiel de contrôle qui serait responsable de la surveillance des standards contenus dans le texte. L'implémentation des normes de la déclaration est de la responsabilité des Etats. Le rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme et des libertés fondamentales des populations autochtones exerce à travers son mandat une sorte de fonction de contrôle. De manière similaire, l'Instance permanente de l’ONU sur les questions autochtones veille également à l'implémentation des provisions contenues dans la déclaration. De plus, les ONG et associations de représentants des peuples autochtones continuent à jouer un important rôle de pression politique.
Informations complémentaires
- Déclaration sur les droits des peuples autochtones
Dossier officiel de l'ONU sur la déclaration et le travail du rapporteur spécial (en fr.) - Instance permanente de l’ONU sur les questions autochtones
Site officiel (en fr.) - «Self-determination as a basic human right: the draft UN declaration on the rights of indigenous peoples»
Cinder Holder, Cambridge University, 2004 (pdf, 23 p., en angl.)
Article 27 du Pacte II de l'ONU et Déclaration universelle des droits de l'homme
Le Pacte II de 1966 garantit les libertés et droits fondamentaux, le principe de non-discrimination ainsi que des droits culturels pour les minorités. Un contrôle de ces normes est effectué par le Comité des droits de l'homme, responsable pour l'implémentation et la surveillance du Pacte II. L'article 27 du Pacte II représente l'une des sources principales des régimes juridiques de protection des minorités.
Art. 27
Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue.
- Informations complémentaires sur le Pacte II
Dossier d'humanrights.ch
Déclaration universelle des droits de l'homme
La Déclaration universelle des droits de l'homme de 1949 indique déjà que les droits des minorités doivent être garantis. Toutefois, ce sont bien les individus qui sont mentionnés dans le texte (et non les minorités en tant que groupes), sous l'angle de la non-discrimination, de l'égalité devant la loi et de la liberté de religion.
Article 2: Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.
Article 7: Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination.
Article 18: Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.
Pacte international relatif aux droits civils et politiques
Le Pacte II de 1966 garantit les libertés et droits fondamentaux, le principe de non-discrimination ainsi que des droits culturels pour les minorités. Un contrôle de ces normes est effectué par le Comité des droits de l'homme, responsable pour l'implémentation et la surveillance du Pacte II. L'article 27 du Pacte II représente l'une des sources principales des régimes juridiques de protection des minorités.
Article 27:
Dans les Etats où il existe des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d’employer leur propre langue.
Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques (1992)
La déclaration sur les droits des minorités est le seul instrument des Nations-Unies - en complément des traités de droits humains plus généraux - qui traite spécialement et spécifiquement des droits des minorités. Il s'agit d'une concrétisation légalement non contraignante de l'article 27 du Pacte relatif aux droits civils et politiques de l'ONU.
La déclaration rappelle que les personnes appartenant à des minorités ont besoin d'une protection particulière. Ils ont le droit de jouir de leur propre culture, de professer et de pratiquer leur religion et d'utiliser leur langue. Les Etats protègent les minorités nationales, ethniques, religieuses et culturelles sur leur territoire. Afin que l'unité territoriale et politique des Etats ne soit pas remise en question, la déclaration reconnaît des droits aux différents membres des minorités (en tant qu'individus) et non au groupe comme entité sociale.
- Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques
Décidée par l'Assemblée générale ONU - 1992 - A/RES/47/135 (pdf, 6 p., en fr.) - Promotion effective de la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques
Assemblée générale ONU - mars 2009 - A/RES/63/174 (pdf, 6 p., en fr.)
Conventions de l'OIT
Convention 169
La convention 169 de l'OIT est pour l'heure l'unique instrument international légalement contraignant traitant des droits des peuples indigènes. Elle est le résultat d'une révision en profondeur de la convention 107 (1957). La convention 169 fut acceptée en 1989 et entra en force en 1991.
La convention traite d'une vaste rangée de thèmes: droit à un territoire, droit à sa culture, son mode de vie, sa religion et sa langue. Elle considère également les différentes discriminations dans l'éducation, le travail, la santé ou les assurances sociales pour les membres des minorités indigènes
Jusqu'à aujourd'hui (janvier 2010), 20 Etats ont ratifié la convention (notamment la Norvège, l'Espagne ou les Pays-Bas). Le parlement européen s'engage depuis longtemps auprès de ses membres pour accélérer le processus de ratification. Beaucoup d'Etats européens ont néanmoins fait savoir qu'il leur apparaissait dénué de sens de ratifier une convention n'ayant aucun rôle dans leur pays. Par leur ratification, les Etats s'engagent en effet à présenter un rapport périodique et à assurer l'implémentation de la convention grâce à un comité d'expert-e-s. Ce comité d'expert-e-s n'a toutefois pas le pouvoir de rendre des décisions contraignantes. Il en va de la bonne réputation des Etats-parties dans le concert des Nations.
Convention 107
L'OIT fut la première à se consacrer intensément aux droits des peuples autochtones. La convention de 1957 fut signée par nombre d'Etats-parties. Dans les années 80, la convention 107 fit l'objet d'un débat qui mit en évidence certains de ses traits paternalistes ayant une tendance assimilatrice. La convention fut donc révisée. Les travaux aboutirent à la convention 169.- Convention relative aux populations aborigènes et tribales (1957)
OIT - Guide to Indigenous Peoples Rights in the International Labour Organization
OIT
Textes de l'UNESCO sur la diversité culturelle
Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles
La conférence générale de l'UNESCO a adopté le 20 octobre 2005 une convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Il s'agit d'une base contraignante pour assurer le renforcement de la diversité culturelle. Le coeur de la convention est contenu dans le droit de chaque Etat de choisir des mesures (législatives ou autres) pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles. En Suisse, le Conseil des Etats a confirmé en mars 2008 le soutien massif qu'avait déjà accordé le Conseil national en décembre 2007 à la ratification de la convention.
- Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, 2005
(pdf, 19 p., en fr.) - Site officiel de la convention de l'UNESCO
Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle
La déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle est le premier instrument à reconnaître la diversité culturelle comme patrimoine commun de l'humanité. Deux buts sont au premier plan de la déclaration. D'une part, il en va du respect de la diversité culturelle dans les processus démocratiques et, d'autre part, du soutien apporté par les collectivités à un environnement propice à la créativité et au développement harmonieux des êtres humains.«La Déclaration universelle insiste sur le fait que chaque individu doit reconnaître non seulement l’altérité sous toutes ses formes, mais aussi la pluralité de son identité, au sein de sociétés elles-mêmes plurielles. C’est ainsi seulement que peut être préservée la diversité culturelle comme processus évolutif et capacité d’expression, de création et d’innovation.»
- Déclaration universelle de l'UNESCO sur la diversité culturelle (2001)
(pdf, 44 p., en fr.)
Textes du Conseil de l'Europe sur les droits des minorités
Convention-cadre pour la protection des minorités nationales
Cette convention-cadre est le premier instrument multilatéral légalement contraignant pour la protection des minorités nationales en Europe. La convention-cadre prend comme point de départ l'existence de minorités nationales dans les différents Etats européens. Elle cherche à rendre opérative une véritable égalité de traitement de ces minorités, en visant la création de conditions-cadres capables d'assurer la protection et le développement des cultures et identités des minorités.
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires
La charte oblige les Etats-parties à respecter l'usage des langues régionales ou minoritaires dans la vie publique ou privée. Ils doivent également s'engager activement via des programmes dans l'éducation, dans l'administration, dans l'appareil judiciaire ou pour soutenir la diversité de la presse.
Mécanismes de contrôle
Le Conseil de l'Europe a débuté ses travaux sur les minorités dans les années 50 - sans succès alors! Ce n'est que dans les années 80 que le thème apparut à nouveau. Le projet d'un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) pour les minorités fut considéré. En 1993, l'assemblée parlementaire arriva à la conclusion que seul un tel instrument serait capable d'assurer une protection efficace des droits des minorités, en rendant notamment possible la plainte individuelle devant la cour de Strasbourg (recommandation 1201 de l'assemblée parlementaire).
Les Etats-parties décident néanmoins de privilégier une convention-cadre sur la protection des minorités nationales. Cette convention-cadre représente un compromis entre les Etats qui favorisaient des mesures positives de protection et les Etats qui ne reconnaissaient pas du tout les droits des minorités et qui souhaitaient mettre l'accent sur la non-discrimination (la France par ex.). Le corollaire de ce compromis se trouve être la faiblesse du mécanisme de surveillance de la convention-cadre.
Le coeur du mécanisme de surveillance est formé par un système de rapports périodiques. Les Etats doivent produire ces rapports sur l'implémentation des obligations qui découlent pour eux de la convention-cadre. Le comité chargé de contrôler ces rapports prend position sur la base de ceux-ci quant à la situation dans les pays. Sur la base de cette prise de position, ce sont ensuite les ministres qui promulgent une résolution adressée aux différents Etats.
- Secrétariat de la Convention-cadre pour la protection des minorités
Liens vers l'ensemble des documents officiels