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Discrimination des gens du voyage par rapport à la population sédentaire suisse

14.07.2006

Alors que le Conseil de l’Europe et l’Union européenne mettent en place une action en profondeur pour lutter contre la discrimination des Roms et des Gens du voyage (dont la population va doubler dans les 20 prochaines années), la Suisse tergiverse: refus de ratifier la convention 169 de l’OIT (voir article sur humanrights.ch à ce sujet), absence de politique fédérale, inaction des cantons, tracasseries des communes. Pourtant, des efforts ont été consentis, notamment avec la création de la fondation "Assurer l'avenir des gens du voyage suisses". Fondée en 1997,à la suite d'une initiative parlementaire déposée en 1990, la fondation participe activement à créer un meilleur esprit, une meilleure cohabitation entre la population résidant en Suisse et les gens du voyage. Son conseil de la fondation se compose de onze membres: cinq représentants des gens du voyage, deux de la Confédération, deux des cantons, deux des communes. Elle fournit aux gens du voyage un soutien scientifique, juridique et politique.

Etat des lieux 

Quatre ans après le 1er arrêt du Tribunal fédéral* ayant formellement enjoint aux autorités suisses de respecter les besoins spécifiques des Gens du voyage suisses, où en est-on ? Telle est la question du Club suisse de la presse à laquelle répondait, début février 2006, notamment le président de la Commission fédérale contre le racisme, le Prof. Georg Kreis. Selon lui, «le mode de vie et la culture des gens du voyage sont menacés par les mécanismes de la population sédentaire». Il a fait allusion à l’exemple de Céligny, où la commune fait obstruction au raccordement au réseau des eaux usées souhaité depuis plusieurs années par une famille nomade qui a fait appel au Tribunal Fédéral. «Le droit à la santé peut très bien avoir à faire avec une canalisation pour les eaux usées, note le Prof. Kreis. Si rien ne se passe et que seule la population sédentaire peut bénéficier d’un service public de ce genre, mais pas les gens du voyage à cause de leur mode de vie et de leur culture, la discrimination ethnique et culturelle par l’Etat est un fait avéré.»

«Nous avons le droit de voyager mais plus celui de nous arrêter» résume pour sa part May Bittel, pasteur des nomades et fondateur du Forum européen des Roms et Gens du voyage. Parmi les 16 millions de Gens du voyage d’Europe, 35 000 vivent en Suisse, et on estime la communauté nomade ayant su préserver leur mode de vie traditionnel à quelque 3500. Ceux-ci revendiquent par exemple un droit à des lieux équipés pour les nomades locaux, différents des aires aménagées à l’intention des gens de voyage étrangers de passage pour des courtes durées.

*Pour rappel, l'arrêté du 28 mars 2003 Tribunal fédéral reconnaissait que le droit des gens du voyage à la préservation de leur identité était garanti par la Constitution ainsi que par le droit international. De plus, les besoins des gens du voyage doivent être pris en compte dans le cadre de la réglementation sur l'aménagement du territoire. La Suisse ne reconnaît les gens du voayage en tant que minorité que depuis 1991.

Crédit-cadre 2007-2011

Au cours de sa session d'été 2006, le Conseil des Etats a voté en faveur du crédit-cadre  de 750 000 CHF proposé par le Conseil fédéral à l'attention de la fondation "Assurer l'avenir des gens du voyage suisses" pour les années 2007-2011. Il a par contre refusé par 21 vois vcontre 13 la proposition soutenue par Michèle Ory (PS/NE) de doubler cette somme.

Comme le reconnaît le ministre Couchepin, "la fondation a eu beaucoup moins de succès en ce qui concerne son principal objectif, la création de nouvelles aires de séjour et de transit. Depuis 2001, neuf aires de transit ont été fermées, alors que seules trois nouvelles aires ont été créées. On compte ainsi actuellement un total de douze aires de séjour et 44 aires de transit. D'après le rapport d'expertise effectué par la fondation, il faudrait que davantage d'aires de séjour soient créées pour les années à venir pour satisfaire tous les besoins des gens du voyage." Pour Michèle Ory, "les communes ne sont pas très motivées quand il faut dépenser de l'argent pour aménager ou pour entretenir une place, sans rien en retirer en matière d'impôts évidemment. Ce n'est donc pas un investissement rentable." L'image stéréotypée véhiculée par les gens du voyage a également été mentionnée: "Il y a au mieux méfiance, mais au pire une crainte certaine." Il faut donc "investir dans l'image des gens du voyage, informer la population sur le nomadisme en Suisse aujourd'hui, car seule une bonne information pourra venir à bout des réticences actuelles."

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