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Plus de droit au mariage pour les sans papiers

10.06.2010

Le 1er janvier 2011, la nouvelle loi sur l’interdiction du mariage des sans-papiers et des déboutés de l’asile est entrée en vigueur. Désormais inscrite dans le Code civil sous l’article 98, par. 4 et l’article 99 par. 4, la nouvelle loi comprend  également l’obligation de la part des officiers de l’état civil de dénoncer les personnes clandestines qui entreprennent des démarches auprès d’eux dans le but de faire reconnaître leur union.

Atteinte aux droits fondamentaux

De nombreux juristes et politiciens considèrent l’interdiction du mariage des clandestins et déboutés de l’asile comme une atteinte aux droits fondamentaux. Cette restriction entre en effet en contradiction avec l’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) qui déclare que «à partir de l’âge nubile, l’homme et la femme ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales régissant l’exercice de ce droit». De plus, elle s’oppose aux articles 12 et 23 du droit au mariage et de la liberté de mariage du pacte II de l’ONU ainsi qu’à l’article 14 de la Constitution suisse.

Avec l’adoption de cette nouvelle réglementation, la Suisse fait désormais partie des pays les plus restrictifs dans ce domaine.

Loi approuvée en 2009

Le 25 mai 2009,  le Conseil des Etats avait approuvé la nouvelle loi par 27 voix contre 12, alors qu’elle avait déjà été acceptée par le Conseil national en mars de la même année par 104 voix contre 68.

Au cours du débat qui a précédé le vote, des représentant-e-s de la gauche ont renouvelé leurs arguments, notamment qu'une discrimination fondée sur l'origine nationale serait en effet inconstitutionnelle. Pour Liliane Maury Pasquier (PS/GE), le projet «interdit simplement le mariage à certaines catégories de personnes. C'est discriminatoire». La conseillère d'Etat Anita Fetz (PS/BS) s'est insurgée du soupçon porté contre toutes personnes résidentes illégales en Suisse qu'un mariage soit le seul fait d'un mariage blanc. La réplique de Hansheiri Inderkum (UDC/UR): tout droit fondamental peut, dans certaines circonstances bien définies, être restreint.

Officiers d'état civil délateurs

La modification du Code civil prévoit que les officiers d'état civil devront dénoncer tout fiancé séjournant illégalement en Suisse à la police des étrangers. Les offices de l'état civil et les autorités de surveillance pourront accéder aux données saisies dans le système d'information central sur la migration (Zemis).

Interdire les mariages aux Sans-papiers pour lutter contre les mariages fictifs

De facto, ce sont tous les sans-papiers qui seront pénalisés par la révision. Ainsi la communauté des sans-papiers, estimée en 2005 à quelque 100'000 individus dont certains vivent en Suisse depuis plusieurs années, subit avec cette interdiction générale de mariage une discrimination supplémentaire. L'interdiction au mariage concerne par ailleurs également les Suisse-sse-s désireux d'épouser un-e étranger-ère sans papiers.

Dans un article, le Courrier mène une réflexion critique sur l’hypocrisie de la tolérance partielle que démontre ainsi la Suisse: «Les sans-papiers représentent la face visible de la politique discriminatoire et inégalitaire de la Suisse qui est bien d'accord d'utiliser des forces de travail pour son profit sans leurs donner la possibilité de vivre pleinement et librement. Par ses dispositions légales sur les étrangers, la Suisse crée les travailleurs clandestins et va désormais leur retirer le droit personnel et fondamental de se marier et de fonder une famille. La seule solution digne d'un Etat de droit reste la régularisation de toutes les personnes qui «font» la Suisse.»

Conforme à la Constitution

«Le texte est conforme à la constitution et ne viole aucun droit international», affirmait en 2009 la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf, alors à la tête du Département Fédéral de Justice et Police (DFJP). Pour elle, c’est l'intérêt public  qui prévaut: «Il s'agit d'un outil de lutte contre l'immigration illégale». Elle soulignait également que les sans-papiers au sens premier du terme, à savoir les personnes qui n'ont pas de documents d'identité, ne sont pas forcément concernés par cette modification. L'interdiction de se marier touchera quiconque n'a pas de permis de séjour valable, à l'instar des travailleurs clandestins ou des requérants d'asile déboutés. L'initiative parlementaire a été soutenue par 21 cantons, cinq partis, les autorités de l'Etat civil ainsi que la Fédération des communes.