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Examen de la Suisse devant le Conseil des droits de l’homme: la société civile critique

13.07.2023

Le 7 juillet 2023, le Conseil fédéral a présenté sa position sur les recommandations reçues au sein de l’ONU dans le cadre de l’examen périodique universel (EPU). Des organisations membres de la Plateforme des ONG suisses pour les droits humains l’ont critiqué sur plusieurs points: la Confédération refuse toujours de reconnaître la justiciabilité de la plupart des droits économiques, sociaux et culturels, de ratifier divers protocoles facultatifs permettant de concrétiser les droits humains qui en découlent et de consacrer suffisamment de fonds au travail de défense et de mise en œuvre des droits humains.

Le Groupe de travail sur l’Examen périodique universel a publié son rapport sur la mise en œuvre des engagements de la Suisse en matière de droits humains lors de la cinquante-troisième session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU en juillet 2023. La Suisse a accepté 209 recommandations sur les 317 reçues et pris note de 102 autres.

Le coordinateur du groupe de travail «EPU» de la Plateforme des ONG suisses pour les droits humains Michael Ineichen, la coordinatrice du groupe de travail «Droits économiques, sociaux et culturels» Léa Winter et le coordinateur du groupe de travail «Lutte contre la torture» Etienne Cottier accusent toutefois la Suisse d'embellir la réalité et regrettent son manque d'autocritique.

Les droits économiques, sociaux et culturels toujours considérés comme non justiciables

La Suisse continue d'attribuer aux droits économiques, sociaux et culturels (DESC) un caractère purement programmatique et de nier leur justiciabilité. La Confédération refuse de ratifier le protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Des mesures sont pourtant nécessaires, 8% de la population suisse vivant actuellement sous le seuil de pauvreté.

La Confédération a rejeté certaines recommandations concernant les DESC, lesquelles portent notamment sur la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP). La Suisse a pourtant soutenu l'adoption de celles-ci par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU en 2018.

En matière d’égalité salariale, les mesures volontaires promues par la Stratégie Égalité 2030 ne suffiront pas à combler l'écart persistant entre les salaires des hommes et des femmes. Des mesures plus fortes seront également nécessaires pour parvenir à une meilleure représentation des femmes à des postes décisionnels, objectif faisant l’objet de plusieurs recommandations des Etats membres que le Conseil fédéral a acceptées.

Il semble que la Suisse sera par ailleurs l'un des derniers pays d'Europe à adopter une réglementation contraignante sur les activités de ses multinationales, pour mettre fin aux violations des droits humains commises par des entreprises nationales à l’étranger. Les mesures contraignantes pour réguler le secteur financier suisse et ses investissements dans les énergies fossiles sont par ailleurs encore largement insuffisantes. Dans leurs rapports, les autorités restent par ailleurs réticentes à prendre en compte les répercussions du changement climatique spécifiquement sur les droits humains dans leurs rapports.

Interdiction de la torture, des traitements inhumains et dégradants et de la discrimination

Selon les recommandations de l’EPU, la législation suisse connaît d’importantes lacunes dans les domaines de la détention, de l’asile et des violences policières. Le gouvernement ne soutient pas explicitement l’introduction d’une définition de la torture dans le code pénal.

Tous les types de discrimination ne sont aujourd’hui pas sanctionnés, notamment les actes racistes commis par la police. En se contentant de «prendre note» des recommandations portant sur le profilage racial et sur les instances indépendantes de contrôle de la police, les autorités ont manqué l’occasion de s’engager en faveur de mesures concrètes.

Si la Suisse a accepté de nombreuses recommandations concernant les personnes migrantes et réfugiées, elle n’a pris que des mesures insuffisantes pour garantir les droits de celles-ci. Les autorités doivent faire davantage pour combattre les cas de racisme et de mauvais traitement survenus dans les centres d’accueil pour requérant-e-s d’asile. Elles doivent également revoir leurs politiques en matière de visas humanitaires et de regroupement familial.

La Suisse n’a toujours pas ratifié le protocole facultatif se rapportant à la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). Le Conseil fédéral a néanmoins accepté les recommandations qui visent à mieux inclure les personnes en situation de handicap.

Des moyens insuffisants pour la mise en œuvre des droits humains

La position de la Suisse sur le dispositif institutionnel de protection des droits humains ne correspond pas à la réalité à plusieurs égards: le mécanisme de coordination des rapports, du suivi et de mise en œuvre des obligations internationales en matière de droits humains au niveau de la Confédération, des cantons et des communes ne dispose d'aucune stratégie et ne possède pas de ressources suffisantes. De plus, l’Institution suisse des droits humains (ISDH), récemment créée, ne réussira guère à remplir sa mission en raison de son financement insuffisant.

La société civile suivra attentivement la situation des droits humains qu’ont pointée les recommandations adressées à la Suisse, notamment celles que les autorités n’ont pas acceptées.