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L'identité de genre et l'orientation sexuelle comme motifs d'asile

18.12.2017

Dans le droit de l'asile  en Suisse, il n’existe aucune base juridique pour le traitement de la persécution en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre. Pourtant, l'art. 3 al. 1 LAsi s'applique entre autre aussi aux personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur appartenance à un groupe social déterminé.

Le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) définit sept types de «groupes sociaux» au sens de l'art. 3 al. 1 LAsi, parmi lesquels figurent les «victimes en raison de l'orientation sexuelle/l'identité genre». La qualité de réfugié est reconnue à condition que la personne requérant l'asile soit sérieusement en danger en raison de son identité ou de son orientation sexuelle dans son pays d'origine ou de dernière résidence.

A cet effet, il ne suffit pas, selon la pratique du SEM, que les actes homosexuels soient par exemple passible d'une peine, tant que la personne requérante ne peut rendre vraisemblable qu'elle est directement concernée par ce risque. Ce n'est ainsi pas le régime juridique général du pays d'origine ou de résidence qui est déterminant, mais plutôt les expériences négatives concrètes de chaque personne requérant l'asile ou sa crainte fondée d'être persécutée.

Une simple discrimination ne suffit pas

L'intensité de la persécution est prise en compte lors de l'évaluation visant à déterminer si une crainte fondée de persécution dans le pays d'origine de la personne requérante d'asile existe.

Les mesures de persécution ne sont susceptibles de conduire à l'octroi du statut de réfugié que si, en raison de leur type et de leur intensité, elles rendent une vie digne impossible ou la compliquent d'une manière intolérable. D'après la pratique du SEM, la «simple discrimination» de requérant-e-s d'asile LGBT dans leur pays d'origine n'est pas jugée suffisante pour leur reconnaître la qualité de réfugié. Les difficultés auxquelles ces personnes sont confrontées dans leur pays d'origine, telles que les contrôles des autorités et le harcèlement, les arrestations arbitraires, la discrimination sur le lieu de travail ou d'étude, voir même la perte d'un emploi ne suffisent dans certaines circonstances pas si elles ne présentent pas le niveau d'intensité exigé.

Obstacle de la vraisemblance

La pratique de l'asile de la Suisse attribue une grande importance au caractère vraisemblable des allégations de la personne requérante. Cette dernière doit ainsi rendre vraisemblable qu'elle risque ou qu'elle a souffert des persécutions en raison de son orientation ou de son identité sexuelle.

Pour que ses affirmations soient crédibles, la personne requérant l'asile doit exposer son expérience personnelle de façon intégrale et sans contradiction essentielle. Sa description doit être détaillée, consistante et réaliste. Les corrections ou ajouts subséquents seront écartés et  considérés comme non crédibles. Ceci est problématique pour les requérant-e-s d'asile LGBT, car il leur est souvent difficile de pouvoir parler ouvertement de leur orientation sexuelle. En effet, ces personnes ont caché pendant des années leur orientation sexuelle ou leur identité de genre, par honte et/ou par peur et tendent à maintenir ce réflexe. Il leur arrive ainsi de prétendre d'autres motifs de fuite ou de ne faire état du réel motif de fuite qu'ultérieurement. De tels arguments apportés a posteriori ne devraient en conséquence pas être d’amblée considérés comme invraisemblables.

Exiger la discrétion?

Le soi-disant argument de la discrétion, d'après lequel de sérieux préjudices pourraient être évités dans le pays d'origine ou de résidence si la personne cachait son orientation ou son identité sexuelle, ne peut plus être utilisé depuis un certain temps. La Cour européenne des droits de l'homme (CrEDH) a en effet établi en 2013 qu'il ne pouvait pas être exigé des personnes homosexuelles qu'elles cachent leur orientation sexuelle afin d'éviter d'être persécutées dans leur pays. Le SEM a par ailleurs souligné que l'orientation sexuelle et l'identité de genre constituent une partie essentielle de l'identité humaine. Le droit de pouvoir vivre son orientation/identité sexuelle de façon libre, ouverte et sans crainte d'être persécuté est par conséquent essentiel.

Pression psychique trop peu reconnue

La situation demeure néanmoins compliquée pour les personnes qui ont caché leur orientation/identité sexuelle depuis longtemps et qui n'ont donc pas été persécutées mais ont néanmoins fuit leur pays en raison du fait qu'elles craignent d'être découvertes ou parce qu'elles ne peuvent ou ne veulent plus cacher leur orientation/identité sexuelle.

Dans la pratique de l'asile en Suisse, les autorités peinent encore et malgré tout à reconnaître la pression exercée dans certains pays sur les personnes possédant une certaine orientation ou identité sexuelle - la difficulté d'avoir une vie amoureuse, l'obligation de dissimuler son orientation/identité sexuelle, le manque de soutien de la famille.

Principes directeur du UNHCR

Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) a publié des principes directeurs pour la reconnaissance du statut de réfugié fondée sur l'orientation sexuelle et/ou l'identité de genre, qui complète le Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du HCR.

Ces principes servent aux gouvernements, aux autorités compétentes en matière d'asile et à toute autre personne amenée à prendre une décision en relation avec la détermination du statut de réfugié.

Elargir le concept de réfugié

Etant donné qu'il est si difficile pour les requérant-e-s LGBT d'obtenir l'asile en Suisse, il a été exigé de divers côté que la persécution spécifique aux personnes LGBT ne soit plus simplement classée sous l'élément constitutif de l'«appartenance à un groupe social déterminé». Il serait possible, par un élargissement de l'art. 3 de la Loi sur l'asile - par analogie avec les motifs de fuite spécifiques aux femmes - de prendre en compte l'orientation sexuelle et l'identité de genre. L'adjonction explicite d'un tel motif de fuite conduirait à une plus grande sensibilité de toutes les instances et organisations impliquées et serait par conséquent souhaitable. Une mention explicite de l'orientation sexuelle se trouve aussi déjà dans la directive de l'UE pertinente en la matière.

Problème au sein des centres pour requérant-e-s

La fuite ne se termine pas en Suisse pour les personnes requérantes d'asile. Il arrive souvent qu'elles fassent l'objet de discrimination et de violences verbales provenant d'autres requérant-e-s dans le centre pour requérants d'asile où elles se trouvent. En effet, certain-e-s autres requérant-e-s adoptent l'attitude stigmatisante à l'égard de l'orientation et/ou de l'identité sexuelle de leur pays d'origine et mettent ainsi aussi sous pression les personnes avec d'autres orientations sexuelles en Suisse. Il serait important que les autorités compétentes et que les collaborateurs et collaboratrices des centres pour requérant-e-s d'asile s'occupent de cette problématique et soient spécialement formé-e-s en la matière. Il est nécessaire de prendre en considération, lors de l'hébergement de requérant-e-s d'asile LGBT, qu'il s'agit d'un groupe de personnes particulièrement vulnérables. Il est en effet essentiel que les personnes réfugiées puissent bénéficier d'un logement sûr où elles peuvent vivre libres de toute discrimination.

Sources