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Crise européenne de réfugié-e-s: quelles réactions en Suisse?

28.10.2015

À l’automne 2015, des dizaines de milliers de réfugié-e-s, principalement d’origine syrienne, arrivaient en Hongrie, en Autriche et en Allemagne par la route des Balkans. Alors que l’on peut sans rougir parler pour ces pays de crise migratoire, liée aux nombreux défis soulevés par la situation, l'état actuel en Suisse est tout autre. Comme le montrent les statistiques en matière d’asile, la Suisse n’est à ce jour que très peu concernée. Mais qui dit crise des réfugié-e-s dit aussi crise des droits humains. Ainsi, la situation en Europe suscite différentes réactions et positions politiques en Suisse aussi.

Dans ce contexte, humanright.ch propose ici une brève vue d’ensemble des réactions venant de la Commission fédérale pour les questions de migration (CFM), de la société civile et de diverses organisations.

Recommandations de la CFM

Dans un communiqué de presse de fin septembre 2015, la CFM ne parle pas d’une crise des réfugiés, mais d’une crise de la protection des réfugiés en Europe. Elle publie un catalogue de mesures permettant à la Suisse d’améliorer la protection des réfugiés et d’autres personnes à protéger. Cela concerne les programmes de réinstallation et de «relocation», la répartition entre les pays européens ou encore l’aide sur place dans les zones de crise. La Commission recommande par ailleurs la mise en place d’un statut complémentaire de protection en remplacement de l’admission provisoire, qui rend difficile tout accès à la formation ou au marché de l’emploi. Enfin, elle rappelle que l’on ne doit pas considérer les personnes qui fuient leur pays comme des «clandestins» et des «criminels».

Exigences vis-à-vis de la politique d’asile

La crise européenne des réfugié-e-s a soulevé de nouvelles demandes vis-à-vis de la politique suisse de l’asile. Elle en a aussi mis d’anciennes revendications à nouveau sur le devant de la scène.

Stop aux renvois Dublin

La procédure Dublin II, que suit également la Suisse, prévoit que les demandes d’asile soient examinées dans le premier pays d’accueil du requérant. Conformément à ce règlement, la Suisse attribue ainsi à de nombreux réfugié-e-s le statut de non-entrée en matière avant de les renvoyer vers l’Italie ou l’Europe de l’est. Jusqu’en 2011, ces renvois se faisaient aussi vers la Grèce. Mais ils ont été suspendus cette année-là suite à une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (voir notre article sur le sujet).

Déjà critiques par le passé vis-à-vis de la réalité du système Dublin, les ONG ont constaté que, au lieu de favoriser l’intégration des réfugiés de guerre venus de Syrie ou d’Afghanistan, le Secrétariat d’État aux migrations accélère les renvois depuis le 24 septembre, traitant prioritairement les cas Dublin. Face à cette évolution, Amnesty International, l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), Solidarité sans frontières, le service d’assistance juridique Copera et le mouvement citoyen Collectif R tirent la sonnette d’alarme dans un communiqué de presse commun du 27 octobre 2015. Ces organisations demandent entre autres au Conseil fédéral de suspendre les renvois Dublin dans les États à la frontière de l’Union européenne et sur la route des Balkans, ainsi que de traiter les demandes d’asile. Adriana Romer, en charge du dossier européen à l’OSAR, constate: «La situation actuelle en Hongrie est comparable à celle de la Grèce en 2008-2009. Nous ne pouvons pas à nouveau attendre pendant deux ans une décision de la Cour européenne des droits de l’homme avant de pouvoir aider les personnes qui ont besoin d’être protégées, n’ont accès à aucune procédure d’asile et s’exposent à des traitements inhumains.»

(Ré)introduire le dépôt de demandes d'asile auprès des ambassades

Une motion parlementaire déposée en mai 2015 demande au Conseil fédéral de tout mettre en oeuvre pour que l'UE étudie l'introduction du dépôt de demandes d'asile auprès des ambassades et qu'elle mette en route les mesures nécessaires à cet effet. Réponse du Conseil, qui propose de rejeter la motion: une telle possibilité «n'est pas réaliste à l'heure actuelle»

En Suisse, la possibilité de déposer des demandes à l'étranger a été supprimée dans le cadre de la révision urgente de la loi sur l'asile, acceptée à une large majorité par votation populaire le 9 juin 2013.

Pour une politique migratoire réaliste

Face à un durcissement de la droite dure sur la question de l'asile, certain-e-s prônent au contraire sur les blogs une politique réaliste, prête à se confronter à une situation donnée pour y trouver les solutions adéquates. C’est le cas en Suisse romande de la parlementaire Cesla Amarelle, qui propose de «reconnaître les besoins de protection en augmentant massivement les contingents de réfugiés, suspendre progressivement les transferts Dublin vers l’Italie tant que la situation y est tendue et tout faire pour que cessent les discours toxiques anti-étrangers qui empoisonnent nos politiques».

En Suisse alémanique, le parlementaire Balthasar Glättli et le rédacteur du WoZ Kaspar Surber se sont associés afin de créer un nouveau blog: asyldebatte.ch. Objectif: amener à une discussion de fond pour «un changement drastique dans les politiques d’asile et de migration».

Déclaration de la 1ère conférence sur la migration africaine en Suisse et en Europe

Lors de la première Conférence de la diaspora sur les migrations africaines vers l'Europe le 12 Septembre 2015 qui a eu lieu à Berne, plus de 100 délégués de la diaspora africaine, des organisations de la société civile, des représentants des agences de développement, des officiels suisses et africains, ainsi que des organisations internationales, se sont réunis en vue de réfléchir sur l'impact des politiques migratoires européennes concernant les migrations africaines.

Solidarité et engagement

Dans le courant des derniers mois, de nombreux projets de soutien aux réfugié-e-s ont vu le jour ou se sont renforcés en Suisse. La société civile continue à s’engager pour une Suisse humanitaire avec le soutien d’une large partie de la population.

Dans un document nommé «Petit guide solidaire», la coordination asile.ge a répertorié les activités de différentes associations actives dans le domaine de l’asile, basées principalement à Genève, mais aussi ailleurs en Suisse romande. Parmi les actions menées, l’on peut souligner le projet de l’OSAR, «Hébergement de requérants d’asile chez des particuliers». Ou encore la création du collectif Jean Dutoit à Lausanne ou du collectif No Bunker à Genève, qui luttent tous deux pour garantir un logement et des conditions de vie dignes et humaines pour les réfugiées alors que la pénurie de structures amène à faire durer des solutions d’hébergement prévues pour être supportables sur une petite durée seulement (voir notre article sur le sujet).

Enfin, une nouvelle plateforme initiée par l’Observatoire suisse du droit d’asile et des étrangers, Amnesty International ainsi que Solidarité sans frontières, et financée par la SSUP, a vu le jour fin août. Dénommée «Société civile dans les centres fédéraux d’asile», cette plateforme veut permettre à la société civile d’accéder aux centres réservés aux migrant-e-s.