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Initiative correctrice

Débat sur les critères permettant l'exportation de matériel de guerre

14.10.2009

Depuis des années, diverses ONG s'engagent pour que la Suisse cesse d'exporter du matériel de guerre dans des pays qui violent régulièrement les droits humains. Plusieurs motions n'ont pas abouti lors des débats parlementaires. Pendant ce temps, l'exportation de ce matériel, délicat de la perspective du respect des droits humains, continue de croître. Et ceci, en dépit de l'adoption fin 2008 d'une ordonnance fédérale régulant de façon stricte son contrôle (OFMG): elle interdit l’exportation de matériel de guerre dans des pays impliqués 'dans un conflit armé interne ou international' ou dans des Etats qui violent 'systématiquement et gravement les droits de l’homme'.  Dans une lettre ouverte adressée le 11 octobre 2009  à la ministre de l'Economie en charge du dossier, septante professeurs de droit demandent aux autorités que la Suisse cesse de violer sa propre législation.

Redéfinition de la notion du 'conflit armé'

«Pour pouvoir exporter dans plus de pays, le Conseil fédéral a redéfini la notion de conflit armé», explique le professeur de droit international public à l’Université de Genève Marco Sassoli. Cette définition est incompatible avec le droit international humanitaire défini par les Conventions de Genève, dont la Suisse est l'État dépositaire. «C’est très dangereux de contourner la loi en niant qu’il existe un conflit armé en Afghanistan ou en Iraq car ça ouvre la porte à toutes les dérives» ajoute Sassoli.

La Suisse viole sa propre législation

Ainsi, en exportant du matériel de guerre vers les Etats-Unis (pour 19 millions de francs au premier semestre 2009) ou l'Allemagne (pour 62 millions dans la même période), impliqués dans ces conflits armés, les juristes estiment que la Suisse viole sa propre législation. En effet, cette pratique viole les dispositions inscrites dans la nouvelle ordonnance fédérale sur l'exportation de matériel de guerre. L'argumentation de la ministre de l'Economie Doris Leuthard, qui explique que l’exportation de matériel de guerre vers des pays impliqués dans un conflit tel que l'Afghanistan doit être autorisée car les résolutions de l’ONU prévoient une intervention militaire dans ces conflits armés ne tient pas la route, dénoncent les 70 juristes. L'Inde et le Pakistan, qui connaissaient un conflit armé sur leur propre territoire, figurent aussi sur la liste de pays importateurs de matériel de guerre 'made in Switzerland'.

La lettre relève également que le troisième destinataire des exportations suisses au premier semestre 2009 est l’Arabie saoudite (34 millions). Or, l’OFMG interdit les exportations vers des Etats qui violent gravement et systématiquement les droits de l’homme. Dans ce cas, il faut donc examiner si ces exportations ne violent pas les règles légales.

Question de critères

La question de savoir selon quels critères la Suisse va décider d'exporter du matériel de guerre vers d'autres pays reste donc à trancher. La lettre tombe au moment où le peuple suisse doit se prononcer, le 29 novembre 2009, sur l’initiative "pour l’interdiction d’exporter du matériel de guerre", lancée par le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA). Elle demande d’interdire les exportations d’armes et de certains matériels militaires. Les cosignataires de la lettre ouverte ne tirent aucun parallèle avec l'initiative.

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