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La pratique pénitentiaire suisse viole les droits humains

31.03.2021

La pratique pénitentiaire en Suisse viole les Règles Nelson Mandela dans les domaines de la détention préventive, de l'isolement cellulaire, des soins de santé et du traitement des personnes présentant des problèmes psychiques. C'est la conclusion à laquelle parvient le Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH) dans une étude publiée en septembre 2020.

Si les Règles Nelson Mandela (RNM), relevant du soft law, ne sont à ce titre pas juridiquement contraignantes, ce qui signifie que leur non-application n’est pas soumise à des sanctions, elles constituent bien une ligne directrice politiquement significative pour les autorités, le pouvoir judiciaire et le législateur. Le fait que, selon une enquête du CSDH, les conditions de détention violent les RNM sur des points essentiels, représente une grave lacune dans la protection des droits humains en Suisse.

Dans le domaine de la santé, le CSDH critique le manque d'indépendance du personnel soignant. Contrairement à ce que préconise la directive médico-éthique de l'ASSM (chiffre 12), les services de santé sont régulièrement intégrés dans l'organisation et la hiérarchie des établissement pénitentiaires plutôt que dans le système de santé public. En outre, le principe de la gratuité de soins de santé prévu par les RNM (règle 24) n’est pas appliqué. Le CSDH demande ainsi la mise en place d’une assurance maladie obligatoire pour toutes les personnes détenues en Suisse. La Commission nationale de prévention de la torture mentionne également cette demande dans son rapport sur la prise en charge médicale dans les établissements de privation de liberté (paragraphe 122).

Le CSDH critique également le recours à l'isolement cellulaire. Alors que le corps médical s’accorde à dire que l’isolement cellulaire a des effets négatifs sur la santé et le bien-être des personnes détenues, celui-ci est souvent pratiqué en Suisse, tant durant la détention préventive qu’en tant que mesure disciplinaire dans le régime d'exécution des peines et des mesures. De plus, les personnes détenues considérées comme dangereuses sont isolées pendant une période non définie dans des unités spéciales de haute sécurité. L'isolement cellulaire pour une durée indéterminée constitue toujours une violation de l’interdiction de la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains et dégradants (Règle 43 al. 1 let. a RNM), rappelle le CSDH.

Le droit au contact avec le monde extérieur englobe divers aspects réglementés dans plusieurs dispositions des RNM. Il s'agit notamment des règles de visite (Règle 58 et suivantes), de la notification (Règle 68 et suivantes), de l'assistance juridique (Règles 61 et 119 al. 2) et d'éventuelles mesures de restriction (Règles 36 et 43 al. 3). Selon le CSDH, les exigences de la RNM ne sont pas suffisamment prises en compte, notamment en ce qui concerne les télécommunications. La réglementation des contacts avec le monde extérieur en droit suisse «ne semble pas se fonder principalement sur les droits de l'homme ou les droits fondamentaux. Cela s'applique non seulement à l'exécution des peines et des mesures, mais aussi à la détention provisoire. Les appels téléphoniques semblent plutôt être conçus comme des privilèges qui peuvent être accordés aux détenus à la discrétion de la direction de la prison», déplore le CSDH.

L’isolement cellulaire de personnes détenues souffrant d'un handicap mental ou physique doit être interdit s’il risque d'aggraver leur état (Règle 45 al. 2). En vertu de la Règle 109, «les personnes qui ne sont pas tenues pénalement responsables ou lorsqu’un handicap mental ou une autre affection grave est détectée ultérieurement, et que leur état serait aggravé par le séjour en prison, ne doivent pas être détenues dans une prison». Enfin, le CSDH exhorte les autorités à intensifier leurs efforts pour garantir le traitement adéquat des troubles mentaux en détention.

Les mesures thérapeutiques en milieu hospitalier prévues à l'art. 59 du Code pénal suisse (CP) sont au cœur du sujet. Aujourd'hui, près d'un·e délinquant·e condamné·e et incarcéré·e sur cinq se trouve dans cette situation. Seules les personnes atteintes d'un trouble mental grave, c’est-à-dire les personnes gravement malades, sont concernées par ce régime. Selon le CSDH, même avec une définition généreuse, on ne peut qualifier les établissements correctionnels et les services de psychiatrie légale des établissements pénitentiaires suisses d’«institutions psychiatriques», écrit le CSDH. Le traitement inadéquat résultant d'un hébergement inadapté a également été récemment critiqué par le Comité des droits de l'homme (paragraphe 38).

Selon David Mühlemann, responsable de l’antenne détention de humanrights.ch, il est impératif que toutes les personnes détenues bénéficient à l'avenir d'une assurance maladie afin de garantir des soins de santé adéquats sans discrimination, comme l'a déjà demandé la Commission nationale de prévention de la torture. Les différentes formes d'isolement dans le cadre de la privation de liberté, que ce soit en détention provisoire, en tant que mesure disciplinaire dans le système pénal ou dans un cadre de détention particulier, doivent faire l'objet d'une enquête approfondie. Les responsables politiques et les autorités doivent veiller à ce que cette pratique néfaste pour la santé ne soit utilisée qu'en dernier recours et pour la durée la plus courte possible.

Il est nécessaire de repenser radicalement la situation des personnes en détention souffrant de troubles psychiques, notamment en ce qui concerne les mesures thérapeutiques prévues à l'art. 59 CP. La solution ne réside pas dans la création de toujours plus de places dans les institutions, choisie par la Confédération. En premier lieu, le nombre de mesures thérapeutiques doit être réduit. Des alternatives ambulatoires sont par ailleurs nécessaires, telles que davantage de logements protégés. Le nombre élevé de mesures thérapeutiques prononcées – également dans le domaine de la petite criminalité – résulte du manque d'alternatives.

Contact

Livia Schmid
Responsable de la consultation juridique pour les personnes en détention

livia.schmid@humanrights.ch
031 302 01 61
Jours de présence au bureau: Ma/Je/Ve

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