24.04.2013
Comment les autorités doivent-elles réagir lorsque des détenus entament une grève de la faim pour obtenir leur libération? Depuis plusieurs années, l’affaire Bernard Rappaz place les pouvoirs publics face à un dilemme: si l’État remplit son devoir d’assistance, il outrepasse le droit des détenus à l’autodétermination. Mais s’il ne le fait pas, un homme auparavant en bonne santé meurt sous sa surveillance, ce qui va à l’encontre des devoirs de protection de l’État et du droit à la vie.
En 2010, dans le cas de Bernard Rappaz, le canton du Valais avait décidé d’une alimentation forcée. Mais, le décès survenu en avril 2013 dans le canton de Zoug a montré que la pratique pouvait changer d’un canton à l’autre. Face au vide juridique laissé par le Tribunal fédéral, c'est en effet dans les cantons que cette question se décide.
Mort d’un détenu après une grève de la faim
Le 17 avril 2013, les médias ont rendu public le décès d’un détenu de 32 ans à l’hôpital de Zoug. Celui-ci refusait de s’alimenter depuis fin janvier dans le but d’obtenir sa libération. Conscient de ce qu’il faisait, il avait signé un document qui expliquait les conséquences possibles de sa grève de la faim et stipulant qu’il ne souhaitait, en aucun cas, être alimenté par perfusion.
Les autorités zougoises ont agi selon la loi cantonale en vigueur
«De plus en plus de cantons renoncent à l’alimentation forcée», pouvait-on lire le 19 avril 2013 dans les colonnes de la NZZ. Selon les recherches du quotidien zurichois, plusieurs cantons modifient actuellement leurs règlements dans ce sens, que ce soit à travers une loi, une ordonnance ou des directives. Les révisions seraient terminées dans les cantons de Zoug, Saint-Gall et Soleure et en cours dans les cantons d’Appenzell Rhodes-Extérieures et Lucerne.
L’avant-projet mis en consultation à Lucerne éclaire sur les nouveaux règlements cantonaux qui prévoient de laisser mourir les détenus en grève de la faim si tel est leur souhait. Le projet de révision lucernois propose notamment d’introduire un document qui explique aux détenus les conséquences d’une grève de la faim. Ils auraient la possibilité d’indiquer sur ce document s’ils refusent d’être alimentés artificiellement, d’être réanimés ou de se voir administrés des médicaments.
En Suisse romande
Trois cantons en Suisse romande ont légiféré sur la question. La législation neuchâteloise date de 2010. Limitant de façon drastique le recours à l'alimentation forcée, elle a fait figure d'avant gardiste dans le débat autour de Bernard Rappaz. Le canton du Valais a aussi édicté depuis une réglementation, mais seulement sous la forme d’une ordonnance.
Plus récemment, le canton du Jura a quant à lui inséré un article sur la question dans sa la Loi sur les établissements de détention, adoptée par le parlement jurassien le 11 septembre 2013. Ce nouvel article prévoit que l’alimentation forcée d’un détenu pourra être ordonnée, sur préavis et sous la conduite d’un médecin, pour autant que le détenu soit en danger de mort ou coure un danger grave. Toutefois, si le détenu atteste par écrit qu’il refuse toute alimentation, sa volonté sera respectée pour autant que l’on puisse admettre qu’il a agi selon son libre choix et avec discernement.
Sources
- Pour la première fois, un détenu meurt après une grève de la faim en Suisse
Le Courrier, le 19 avril 2013 - La conduite à tenir face à des détenus en grève de la faim en Suisse
Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH), 13 juin 2013 - Neuchâtel cité en exemple dans l'affaire Rappaz
20 Minutes, 14 novembre 2010 - Le Jura modernise ses bases légales en matière de détention et d´exécution des peines et mesures
Communiqué de presse de la République et canton du Jura, 8 mars 2013
Sources en allemand
- Todesfall in Zug: Kantone lassen Häftlinge sich zu Tode hungern
NZZ online, 19 avril 2013