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Restrictions des droits fondamentaux et des droits humains

04.12.2013

Violations graves et systématiques

Les violations des droits humains sont, le plus souvent, associées au règne de l’arbitraire, à la torture, à l’oppression des minorités, à une censure systématique, à la disparition forcée de dissidents, etc. En effet, dans bon nombre de régimes autoritaires ou dictatoriaux, il y a eu et il y a encore des situations de violations graves et systématiques des droits humains. Ces faits sont aujourd’hui, pour la plupart, très bien documentés et tous ceux qui souhaitent s’informer à ce sujet peuvent le faire.

Restrictions légitimes aux droits fondamentaux et aux droits humains

Il ne faudrait toutefois pas conclure, sur la base de ces exemples extrêmes, que les Etats de droit démocratiques, comme la Suisse, n’ont rien à se reprocher en matière de respect des droits fondamentaux et des droits humains. Ces derniers ne constituent pas seulement un rempart contre des brutalités soi-disant légitimes de l’Etat, mais fixent aussi des lignes directrices pour que l’Etat agisse de manière civilisée.

Des atteintes aux droits humains et aux droits fondamentaux des individus soumis à la souveraineté d’un Etat, ne sont autorisées que sous certaines conditions. En aucun cas, ces restrictions ne peuvent annuler l’essence même d’un  droit fondamental ou d’une garantie de droits humains.

Les conditions préalables, pour qu’une restriction à un droit fondamental ou à une garantie des droits humains soit légitime, sont les suivantes:

1) Existence d’une base légale

2) L’atteinte se justifie par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui

3) Elle est proportionnée au but visé

Une grande responsabilité pour le législateur, les autorités et les tribunaux

Les individus issus de groupes en marge de la société ou proscrits socialement, tels que les personnes étrangères tombées dans la délinquance, courent davantage le risque de voir leurs droits fondamentaux et leurs droits humains restreints de manière disproportionnée.

Il revient, en premier lieu, au législateur et aux autorités de ne pas empiéter, sans raison valable, sur les droits humains et les droits fondamentaux des individus et de respecter l’essence de ces droits. Lorsque le législateur et les autorités estiment que l’intérêt public pèse plus lourd que la pleine jouissance des droits humains, cette décision doit pouvoir être modifiée, en fonction des circonstances, par un tribunal indépendant.

Les possibilités de restriction varient

La question de savoir si et comment une garantie de droits humains peut être restreinte ne dépend pas seulement des conditions préalables évoquées ci-dessus, mais aussi du contenu de chacun de ces droits. Certains droits, comme l’interdiction de la torture ou de l’esclavage, ont une valeur absolue et ne peuvent donc être restreints sous aucun prétexte. Pour d’autres, le type et le degré de restriction sont définis après une pesée des intérêts effectuée par le législateur, les autorités et les tribunaux.

Restriction légitime ou violation?

Dans les Etats démocratiques, disposant d’un système de protection des droits humains élaboré, une pesée des intérêts minutieuse est nécessaire pour juger si telle ou telle restriction des droits fondamentaux et des droits humains est légitime ou si elle constitue une violation des droits humains. Lorsque l’on met en balance les droits humains et les droits fondamentaux d’un côté, l’intérêt public et la protection des droits d’une tierce personne de l’autre, le résultat ne peut être réduit à une réponse stéréotypée et générale. Ce sont bien les particularités du cas d’espèce qui vont faire pencher la balance.

Ce type de décisions, prises après une pesée des intérêts, est parfois difficile à comprendre. C’est pour cette raison que, dans les débats publics, les arguments s’appuyant sur les droits humains sont de plus en plus considérés avec suspicion et même parfois tournés en ridicule. Dépasser le sentiment que l’on a, de premier abord, de faire quelque chose de juste et le questionner à la lumière des droits humains et des droits fondamentaux,  n’est pas une attitude très répandue dans notre société, si «éclairée» soit-elle.

Exemple: le droit au respect de la vie familiale

Le droit au respect de la vie familiale est bien ancré notamment dans la Constitution fédérale et dans la Convention européenne des droits de l’homme. Il empêche, en particulier, l’Etat d’enlever des enfants à leurs parents sans une raison suffisante.

En Suisse, l’opération «Enfants de la grand-route» de la Fondation Pro Juventute a constitué une illustration particulièrement choquante de violation du droit au respect de la vie familiale. Entre 1926 à 1973, 586 enfants ont été arrachés à leurs familles yéniches pour être placés. Les autorités tutélaires de l’époque n’ont rien vu d’injuste dans ce projet, bien au contraire: elles ont soutenu ces placements systématiques, convaincues qu’elles serviraient ainsi l’intérêt public et contribueraient au bien-être de ces enfants.

Certains cas donnent actuellement  lieu à des pesées d’intérêts complexes, notamment lorsqu’un ressortissant étranger, en raison d’un crime, doit être expulsé de Suisse après avoir purgé sa peine. S’il vit en Suisse depuis longtemps et y a des membres de sa famille, il peut s’opposer à son renvoi, au nom du respect de sa vie familiale, et obtenir gain de cause sous certaines conditions. Le tribunal chargé de l’affaire doit mettre en balance ce droit fondamental et l’intérêt public à la sécurité. Sont pris en compte, d’une part, la gravité du crime, d’autre part, le degré d’intégration de la personne concernée et des membres de sa famille, ainsi que son titre de séjour. Les juges étudient, en outre, si le retour dans le pays d’origine et la vie là-bas sont envisageables pour toute la famille.

Communiquer sur cette pesée des intérêts ne s’avère pas toujours aisé. Les discours populistes ont beau jeu de dénier aux criminels étrangers le respect de leur vie familiale. L’initiative sur le renvoi (art. 121 al. 3-6 Cst. ) -adoptée par le peuple mais pas encore appliquée- doit nous interpeller: sont-ce les droits humains ou la voix de la majorité qui s’applique dans notre pays?