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Délit de faciès

Délit de faciès - Wa Baile

10.02.2022

Un litige stratégique exemplaire: celui de Mohamed Wa Baile, qui a combattu le délit de faciès devant toutes les instances jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme. Le délit de faciès, aussi qualifié de «profilage racial», fait référence aux contrôles discriminatoires sur les personnes perçues comme étrangères par les policier·ère·s du fait de caractéristiques ethniques ou religieuses.

Mohamed Wa Baile avait déjà souvent fait l'objet de ce genre de contrôles alors qu’il est le seul à se faire contrôler par deux policiers à la gare de Zurich le 5 février 2015 parmi tou·te·s les voyageur·euse·s. Comme les agents reconnaissent qu’aucune personne noire n’est spécifiquement recherchée, Monsieur Wa Baile refuse de leur décliner son identité et de présenter son passeport suisse. Les policiers fouillent alors son sac à dos et trouvent sa carte AVS, après quoi ils le laisse partir.

Le 16 mars 2015, Wa Baile reçoit l'ordre de payer une amende de 100 francs pour non-respect des mesures policières. Mohamed Wa Baile décide de contester cette décision. Il est citoyen suisse depuis dix ans et est fatigué d'être constamment soupçonné en raison de la couleur de sa peau et soumis à des contrôles de police dégradants en public. Par cette procédure judiciaire, il a voulu attirer l'attention sur cette problématique qui touche de nombreuses personnes de couleur en Suisse et sensibiliser la population. 


Le 7 novembre, Mohamed Wa Baile est condamné en première instance par le Tribunal d’arrondissement de Zurich. Le juge unique a souligné que l’ordonnance pénale portait uniquement sur le non-respect d’une mesure policière et non sur la question de savoir si des stéréotypes racistes avaient une assise institutionnalisée dans la police municipale de Zurich. Il en conclut que l'ordonnance pénale avait été rendue légalement, jugeant que le fait de refuser une mesure de police n'est acceptable que dans des cas exceptionnels. Le jugement de Wa Baile a été confirmé par le Tribunal supérieur du canton de Zurich le 25 août 2017, et par le Tribunal fédéral le 7 mars 2018.

Parallèlement à la plainte pénale, M. Wa Baile dépose une demande en constatation au Tribunal administratif du canton de Zurich. Le 1er octobre 2020, le tribunal juge le contrôle de police illégal, invoquant le fait qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs objectifs pour justifier un tel contrôle. Les juges ne précisent toutefois pas qu'il est question de discrimination en raison de la couleur de peau de M. Wa Baile, manquant ainsi l'occasion de nommer le problème du racisme institutionnel.

Le groupe de la société civile «Alliance contre le profilage racial» s'est créé autour de l'affaire Mohamed Wa Baile. Celui-ci regroupe des activistes, scientifiques, acteur·trice·s du milieu culturel et organisations de défense des droits humains militant contre le racisme structurel. Avec le soutien de cette alliance, Mohamed Wa Baile a porté son cas à Strasbourg devant la Cour européenne des droits de l’homme en septembre 2018. L'Alliance engage également une procédure administrative devant le Tribunal fédéral.

En 2021, Amnesty International et l'Open Society Justice Initiative sont intervenues devant la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) en tant que tierces parties dans l'affaire Wa Baile. Bien que les tiers ne puissent pas prendre position sur les faits de l'affaire devant la CrEDH, ils peuvent fournir aux juges compétent·e·s un aperçu du droit applicable. Aussi, les deux organisations ont chacune préparé un résumé de la situation juridique internationale, européenne et nationale concernant le profilage racial et l'ont soumis aux juges de Strasbourg.

Au début de l'année 2022, la CrEDH a designé le cas comme «affaire à impact» (impact case). Les «affaires à impact», qui représentent seulement un petit nombre de cas traités par la CrEDH, soulèvent des questions très importantes pour le requérant et l’État défendeur ou pour le développement du système de la Convention en général, et nécessitent un traitement plus rapide. Le jugement de la CrEDH pourrait de ce fait être rendu dès 2023.

Des informations supplémentaires sur ce cas sont disponibles ici sur notre Plateforme d’information.