22.05.2024
Si une personne estime que la protection de ses droits humains contre une violation n’est pas suffisante, elle peut, après avoir épuisé les voies de recours internes, déposer une plainte contre la Suisse auprès de la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH). Cette possibilité juridique est connue par une part importante de la population suisse, qui a rejeté l’initiative pour l’autodétermination en 2018. Les autres mécanismes internationaux permettant une surveillance de la mise en œuvre des droits humains par la Suisse restent en revanche peu connus, même par les avocat·e·x·s et les organisations non gouvernementales.
En effet, il est également possible d’adresser une communication individuelle fondée sur les droits humains à cinq organes conventionnels des Nations Unies en fonction de la violation invoquée. La Suisse reconnaît les organes conventionnels des Nations Unies suivants:
- Comité des Nations Unies contre la torture (Committee against Torture, «CAT»)
- Comité des Nations Unies des droits des enfants (Committee on the Rights of the Child, «CRC»)
- Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale (Committee on the Elimination of Racial Discrimination, «CERD»)
- Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (Committee on the Elimination of Discrimination against Women, «CEDAW»)
- Comité des Nations Unies des disparitions forcées (Committee on Enforced Disapperance, «CED»)
Le système de protection des droits humains des Nations Unies comprend également l’instrument des procédures spéciales («special procedures») du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies («UN Human Rights Council»). Lorsque ces procédures sont lancées, des spécialistes examinent la protection des droits humains sous différents angles thématiques et géographiques, en endossant leur rôle de rapporteur·trice·x·s spéciaux·les·x («special rapporteur») ou d’expert·e·x·s indépendant·e·x·s («independent expert») ou en constituant des groupes de travail («working group»). Dans le cadre des procédures spéciales, les individus, les groupes, les organisations de la société civile, les organisations intergouvernementales et les institutions nationales des droits humains peuvent fournir des informations sur les violations des droits humains ayant eu lieu, existantes ou risquant de se produire. Ces acteurs peuvent également transmettre leurs inquiétudes vis-à-vis d’instruments législatifs, de politiques ou autres situations de non-respect des droits humains. Dans le cadre d’une procédure spéciale, ces informations peuvent servir de base pour l’envoi d’une communication («communication») à l’État concerné, l’exhortant à prendre des mesures préventives, à mettre un terme à une violation des droits humains ou à sanctionner cette violation.
Pour mener un litige stratégique, le choix du mécanisme international chargé de surveiller le respect des obligations en matière de droits humains joue un rôle déterminant. Dans le présent document, les procédures judiciaires sont dites stratégiques lorsqu’elles visent à combler une véritable lacune dans la protection des droits humains et à décrire une violation structurelle, dépassant ainsi les intérêts des parties impliquées.
Il n’est pas possible de formuler une recommandation générale quant au choix d'une instance internationale de recours appropriée pour une situation particulière ou un objectif précis. Plusieurs critères, dont une partie sera exposée dans les grandes lignes ci-dessous, doivent toutefois être pris en compte dans la réflexion. Il est important de souligner que, selon les cas et le déroulement de la procédure, divers points doivent être pris en considération. Certains manquements à des stades antérieurs de la procédure (tels que l'absence d'expertise médicale ou de dénonciation de certaines violations des droits humains) peuvent avoir des répercussions sur les critères nécessaires et limiter le choix du mécanisme de recours. Enfin, il est primordial d’informer la victime présumée de violations de ses droits humains de manière transparente au sujet des chances et des risques liés à une procédure menée au niveau international, tout particulièrement concernant ses exigences et sa durée.
Afin de sélectionner le mécanisme international approprié pour la surveillance des obligations en matière de droits humains, il convient de prendre en compte divers critères:
Droits humains violés | Quels droits humains sont violés? Quels traités assurent leur protection de ces droits? Ces violations ont-elles déjà été réprimées «au moins en substance» au niveau national? |
Obstacles formels | Les obstacles formels sont plus difficiles à surmonter devant la Cour européenne des droits de l'homme que devant les comités de Nations Unies. Les comités des Nations Unies ont quant à eux des exigences formelles plus élevées que les «procédures spéciales» telles qu’une communication adressée à un·e·x rapporteur·euse·x spécial·e·x des Nations Unies. |
Critères de recevabilité | Quelles sont les conditions de recevabilité pour les différentes instances internationales de recours? Le cas les remplit-il? |
Délais dans un cas particulier | Existe-t-il des délais pour déposer une plainte ou une communication individuelle et sont-ils déjà expirés? |
Durée de la procédure | Combien de temps dure une procédure devant l’instance de recours internationale concernée? Les procédures devant la Cour européenne des droits de l'homme sont en principe plus longues que celles devant les comités des Nations Unies. Il n'est cependant pas possible d’établir une règle générale sur la durée des procédures. |
Coûts du procès / assistance judiciaire gratuite | Quels sont les frais de procédure et comment les couvrir? Une demande d'assistance judiciaire peut seulement être faite devant la Cour européenne des droits de l'homme. |
Jurisprudence | Comment le mécanisme de recours international en question a-t-il statué sur des faits similaires? Actuellement, les comités des Nations Unies sont en principe plus progressistes que la CrEDH dans le domaine de l'asile et de la migration. Il existe toutefois également des différences de traitement entre les comités des Nations Unies pour des cas similaires. |
Effets juridiques des décisions et voies de recours existantes | Quel soutien ou quel effet espère-t-on obtenir de la décision de l’instance de recours internationale en question? |
Les explications pratiques fournies dans nos guides «CrEDH, mode d’emploi», «Organes conventionnels des Nations Unies, mode d’emploi» et «Rapporteur·euse·x·s spéciaux·ale·x·s, mode d’emploi» visent à aider les personnes intéressées à entamer une telle procédure à choisir le mécanisme de recours approprié sur le plan international.
contact
Marianne Aeberhard
Responsable Projet Accès à la justice / Directrice de l'association
marianne.aeberhard@humanrights.ch
031 302 01 61
Jours de présence au bureau: Lu/Ma/Me/Ve