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Premiers rapports de la Commission nationale contre la torture

17.01.2011

Une année après son entrée en fonction, la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) a publié ses premiers rapports de visite en janvier 2011. C’est dans des établissements pénitentiaires du canton de Berne et du Valais que la CNPT a fait ses premières visites au printemps 2010. Bien qu’aucune trace de torture n’ait été décelée, des points noirs restent tout de même à relever.

La Commission nationale de prévention de la torture a pour mandat de visiter les lieux de privation de liberté dans le but de lutter contre toute forme de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en application du Protocole facultatif se rapportant à la Convention des Nations unies contre la torture.

Mesures d’isolation contreproductives à Hindelbank

Lors de sa visite à la prison des femmes d’Hindelbank, la CNPT a noté les conditions d’isolation de deux détenues présentant des problèmes psychiques. Leur niveau d’isolation serait injustifiable du point de vue humain, juridique et médical. Un tel niveau d’isolation serait totalement contreproductif pour tout développement des détenues. La Commission recommande ainsi une meilleure prise en charge de la détention, plus de contacts humains et plus de proportionnalité entre les mesures de sécurité et les risques réels. La sécurité devrait être plus humaine et moins mécanique. 

Reste la question de savoir si un établissement pénitentiaire est bien le lieu adéquat pour le suivi de mesures thérapeutiques (art. 59 et 60 CP). Dans son rapport, la CNPT indique avoir de sérieux doutes sur la question. C’est d’après elle un point qui devrait être repenser sur le territoire suisse au complet.

Autre point critique du site d’Hindelbank : l’impossibilité pour les jeunes détenues d’y suivre un apprentissage, et non seulement une formation élémentaire. 

Fouilles corporelles problématiques à Brigue

Lors de sa visite à la prison préventive et au poste de police de Brigue, la CNPT a relevé que chaque détenu était soumis à un contrôle visuel de l’anus qui s’effectue en s’appuyant contre une paroi, complètement nu. Le fait que cette mesure de recherche anti-drogue soit systématique a conduit la Commission à la qualifier de « disproportionnée et dégradante ». 

Les transferts sur de brefs trajets à l’intérieur du cantons ont également été jugés problématiques, notamment à cause du port indifférencié des menottes : « il est dégradant d’être exposé publiquement au regard insistant des passant·e·s dans les rues de Brigue ou dans les salles d’attente des médecins spécialistes. Il faut éviter de généraliser l’accompagnement de personnes aux mains menottées dans les rues et les places fortement peuplées, de même que leur séjour dans les salles d’attente et autres.

La durée de certaines détentions préventives est également inquiétante. Alors qu’un détenu se trouve en préventive à Brigue depuis deux ans et demi, la CNPT rappelle avec raison que  dans ce contexte que le principe de célérité est un droit fondamental constitutionnel (art. 31 al.1 Cst) .

D’autres points à améliorer furent également soulevés. Particulièrement le manque de division claire entre prison préventive et centre de rétention servant à l’exécution des mesures de contraintes (art.1 LEtr).

Granges: un centre de détention un peu trop carcéral

A nouveau, la distinction, à la fois de traitement et de lieu, entre centre de rétention et prison est problématique. La Commission souligne ainsi que, faute de place au centre de rétention à Granges, les femmes en attente de renvoi sont détenues à Brigue ou Martigny, alors que la loi sur les étrangers (LEtr) prévoit qu’elles devraient être systématiquement séparées d’autres régimes de détention. 

Au centre lui-même, indique la Commission,  le caractère carcéral est particulièrement marqué et les conditions de détention correspondent à un régime plutôt strict.  Or, «à la lumière du fait que les détenus ne sont pas des délinquants, il y a lieu de prendre des mesures visant à assouplir les conditions de détention ». Les détenus sont par ailleurs enfermés pratiquement vingt heures par jour dans leur cellule, ce qui paraît disproportionné à la Commission. Aucune activité d’occupation n’a par ailleurs été crée, ce qui devrait également changer, d’après les recommandations CNPT. 

Enfin, la Commission qualifie de « dégradant » le traitement des détenus lors des visites médicales, et particulièrement le fait qu’ils sont ligotés. Il demande aux autorités qu'elles examinent au cas par cas la nécessité de ligoter les détenus sous l’angle de la proportionnalité et du risque concret de fuite.

Commentaire de humanrights.ch

Les deux cantons visités ont eu la possibilité de répondre aux recommandations de la CNPT, ce qu’ils ont fait. Mais pas de la même manière. Alors que le canton du Valais a accueilli positivement les remarques de la Commission et annoncé de mesures concrètes, le canton de Berne, lui, a réagit tout autrement. Désireux de prendre plus de distance, il a critiqué en particulier les conclusions de la CNPT concernant les mesures d’isolation.

Cela soulève un élément essentiel : pour que le travail de CNPT fonctionne et amène les améliorations espérées, encore faut-il que les responsables au niveau cantonal parviennent à prendre les recommandations de la Commission comme des critiques constructives et ne les écarte pas dans une vision future de leur travail. Car les indications de la Commission ne sont pas là pour stigmatiser les établissements pénitentiaires, ni celles et ceux qui y travaillent ou les dirigent. Au contraire, ces indications font partie d’un processus d’amélioration de la situation des droits humains dans les lieux de privation de liberté. Il s’agit bien sûr d’améliorer les conditions de détention qui y règnent, mais pas seulement.

Comme tout à chacun, les dirigeant·e·s de ce genre d’établissement ont besoin de partenaire de dialogue afin de faire valoir devant les politiques les besoins qu’ils/elles rencontrent pour effectuer la tâche qui leur est demandée par la société. Le manque de ressource en personnel, en espace, en formation est bien le point commun à tous les établissements visités. La CNPT peut être ce partenaire pour demander et obtenir plus de ressources pour de meilleures conditions de travail aussi. Car au final, ce sont bien des décisions politiques qu’il faudrait pour amener des réelles améliorations de la situation des établissements de privation de liberté. 

Sources

Informations supplémentaires