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Le Conseil suisse de la presse: entre liberté d’expression et protection de la personnalité

03.10.2011

La liberté d’expression fait partie des conditions nécessaires aux journalistes pour assurer une information de qualité et constitue un droit fondamental de tout être humain. Cependant, les médias regorgent d’articles nuisant à la personnalité ou discriminant envers des minorités. Créé en 1977 mais très actif depuis le début des années 2000, le Conseil suisse de la presse est un organe indépendant d’autorégulation des médias. Il se livre à la difficile tâche de protéger la liberté d’expression tout en garantissant la protection de la personnalité.

La fonction du Conseil suisse de la presse

Le Conseil suisse de la presse se tient à disposition du public et des journalistes en tant qu'instance de plainte pour des questions relevant de l'éthique des médias. Sur plainte ou de sa propre initiative, le comité de 21 personnes (qui regroupent des journalistes, des éditeurs et des représentants du public) prend position au cas par cas et peut proposer des recommandations aux médias. Il publie ses prises de positions sur son site internet et dans sa revue annuelle. Cependant, il n’a pas la possibilité de sanctionner les médias.

Sur quelle base fonctionne le Conseil suisse de la presse ?

Les décisions du comité du Conseil suisse de la presse se fondent sur la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste». Elle contient d’une part les «droits» des journalistes, tel que la garantie de l’accès aux sources d’information. Et d’autre part, les «devoirs» des journalistes qui leur imposent des règles générales et concrètes, par exemple en matière de protection de la dignité humaine et de la sphère privée. La directive 8.1 demande au journaliste de respecter la dignité humaine mais ce respect doit constamment être «en balance avec le droit du public à l’information.» A nouveau, la directive 8.2 indique que «la désignation de l’appartenance ethnique ou nationale, de l’origine, de la religion, de l’orientation sexuelle et/ou de la couleur de peau peut avoir un effet discriminatoire (…). C’est pourquoi les journalistes font une pesée des intérêts entre la valeur informative et le danger d’une discrimination».

Quand la liberté d'expression prime

Dans sa prise de position du 26 avril 2002, le Conseil suisse de la presse a rejeté la plainte contre le quotidien Le Matin concernant un article intitulé «Gilles édité par des scientologues!». En donnant la parole aux intéressés, cet article rend compte de l’appartenance à la scientologie des éditeurs et des liens possibles entre leur statut de membres de la scientologie et leur activité d’éditeur. La maison d'édition reproche au journaliste de n'avoir pas fait la distinction entre la sphère privée des administrateurs de la société et l'ouvrage. Dans ce cas, le Conseil suisse de la presse a conclu que le devoir d’information des journalistes prévalait sur une dénomination de la religion, jugée par ailleurs «non discriminatoire». Pour le Conseil suisse de la presse, il peut être d’intérêt public de signaler l’appartenance à un mouvement religieux, en particulier si plusieurs dirigeants de l’entreprise y adhèrent. De même, il est légitime pour le public de connaître l'affectation possible des marges bénéficiaires réalisées par le biais de ses achats.

Condamnation pour propos discriminatoires

Dans sa prise de position du 21 mai 2005, le Conseil suisse de la presse a admis une plainte contre Migros Magazine concernant une lettre de lecteur à caractère raciste. Celle-ci violait le chiffre 8 de la «Déclaration des devoirs et des droits du/de la journaliste» en laissant libre court à des sentiments islamophobes. Le Conseil suisse de la presse rappelle que les rédactions doivent se montrer vigilantes face aux lettres de lecteurs au contenu discriminatoire. Il précise que les principes déontologiques s’appliquent aux lettres de lecteurs destinées à publication. Des propos à caractère raciste, même latent, doivent être écartés.

Les limites du Conseil suisse de la presse

Le Conseil suisse de la presse et les autorités judiciaires travaillent indépendamment et peuvent statuer sur un même cas. Contrairement à la justice, le Conseil suisse de la presse ne possède pas le pouvoir de sanctionner et forcer les médias à suivre ses directives. Son seul pouvoir réside dans le fait de rendre ses décisions publiques. Si cela inquiète effectivement certaines publications, cela semble sans effet sur beaucoup d’autres. De plus, il reste très méconnu du public. Son autorité relève donc de l’autorégulation du milieu. Il permet néanmoins une sensibilisation des journalistes ainsi qu’une réflexion sur les problèmes fondamentaux liés à l’éthique des médias et essaie de stimuler la discussion sur l'éthique des médias au sein des rédactions. A noter aussi l’apparition de cours d’éthique de l’information dans le processus de formation des jeunes journalistes.

Sources

Informations supplémentaires