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Les réseaux sociaux ne protègent pas assez les mineurs

25.06.2010

Pour la très grande majorité des enfants et des adolescents, internet est un moyen de sociabilisation qui s'utilise au quotidien. Ils sont pourtant encore trop peu à connaître les dangers que peuvent représenter les nouveaux outils  de communication pour le respect de leur sphère privée. Facebook, MSN, MySpace et d’autres sont des instruments fascinants, mais également dangereux si l’on s’en sert avec trop de légèreté. Vrai pour les adultes, ceci l’est encore plus pour les mineurs. Entre consentement de l’internaute, respect de la sphère privée et du droit à l’image, la question est délicate. Conscientes toutefois de la vulnérabilité des mineurs sur la toile, les autorités suisses et européennes ont décidé de se mêler au débat. Le 14 juin 2010, la Confédération a ainsi lancé son «Programme national de protection de la jeunesse face aux médias et compétences médiatiques», qui débutera dès janvier 2011.

Les risques d’internet

Dans une enquête sur les usages et mésusages des nouvelles technologies par des élèves genevois, la fondation Action innocence a déterminé que 98.2% des élèves consultés se rendent sur internet. Parmi les élèves du cycle d’orientation (14-16 ans), il sont 42% à donner leur nom à des internautes inconnus et 78% à avoir des inconnus dans leur liste de contact de messagerie instantanée. Ces deux comportements «à risque»  peuvent être liés au fait que plus de la moitié d’entre eux se sont déjà retrouvés confrontés à des représentations pornographiques ou à des demandes intimes de type sexuel. Ils sont plus de 65% à s’être déjà fait insultés sur le web. Contacts indésirables, disponibilité et mauvais usage des données personnelles (cyber-harcèlement par exemple) sont donc les principaux risques du net pour les mineurs.

Protection de la sphère privée

Comme l’indique le rapport de la Confédération du 20 mai 2009 sur les jeunes et la violence, «il n’existe aucune mesure de réglementation en matière d’internet». Cette lacune découle  notamment du caractère universel et dynamique de ce média. De plus une grande partie des contenus ou fournisseurs de prestations problématiques proviennent de l’étranger et, de ce fait, ne sont pas soumis à la réglementation nationale et ne peuvent pas faire l’objet de poursuite pénale. C’est le cas notamment de facebook, prestataire de service américain soumis au droit étasunien et non pas suisse.

L’article 16 de la  Convention des droits de l’enfant (CDE) est pourtant claire : «Nul enfant ne fera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation». De plus, «l’enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes». La constitution fédérale (art. 13)  garantit également le droit au respect de la vie privée et celui d’être protégé contre l’emploi abusif des données. Le droit à l’image découle de ce droit. Considéré comme droit de la personnalité, il est également inscrit en tant que tel dans le code civil (art.28).

Sociétés prestataires responsables

Difficulté toutefois en terme de protection des données : ce sont les mineurs eux-mêmes qui placent les photos, donnent volontairement des informations personnelles et offrent l’accès à des données qui devraient parfois rester du domaine privé. Savent-ils cependant réellement ce que cela implique? Sait-on par exemple qu’aucun profil Facebook (FB) ne disparait jamais complètement et que les données personnelles des usagers sont conservées par le prestataire de service, même après que l’internaute ait décidé de se retirer du monde FB? Sait-on également que lorsque l’on clique pour accepter un nouvel «ami», nos données personnelles deviennent par défaut visibles, non seulement par lui, mais également par tous ses contacts?

Ce n’est ainsi pas par hasard que l’Allemagne est en 2010 entrée en campagne contre Facebook du fait de sa gestion discutable des données personnelles des usagers. Pas par hasard non plus que l’Union européenne à lancé un appel très clair en février 2009 pour que les réseaux sociaux sur internet accentuent leurs efforts pour protéger la vie privée des mineurs. Entre février et juin 2009, 20 sociétés gérant 25 réseaux sociaux se sont engagées  à rendre les consignes de sécurité faciles à comprendre et à appliquer. Ces mêmes sociétés se sont également engagées à simplifier le contrôle et l’accès aux informations (Voir article Tribune de Genève). Un contrôle effectué en 2009 a cependant démontré qu’une moitié seulement de ces sites proposent que le profil des mineurs soient inaccessibles par un moteur de recherche et moins encore prévoient par défaut que les informations concernant les mineurs ne soient visibles que de leurs amis. Pour la commissaire européenne à la société de l’information et des médias, Viviane Reding, «les profils de mineurs doivent être privés par défaut, et les questions ou signalements d’abus doivent recevoir des réponses appropriées». «J’attends de toutes les sociétés qu’elles en fassent davantage pour préserver la vie privée des mineurs  qui publient du contenu», a-t-elle également déclaré en février 2009 à l’occasion de la «journée pour un internet plus sûr».

Prévention et autorégulation

En Suisse, des interpellations parlementaires avaient attiré l’attention du CF sur cette question dès 2005. C’est en réponse à ceux-ci que la Confédération a lancé son «Programme national de protection de la jeunesse face aux médias et compétences médiatiques». Dans la mesure où des pans entiers d’internet échappent à la réglementation suisse, la Confédération avait annoncé dès 2009 que ce programme national de protection de la jeunesse en matière de médias serait de nature essentiellement préventive. Le programme est ainsi centré sur la sensibilisation et sur la promotion des compétences médiatiques des enfants, des adolescents, des parents et des adultes de référence. Parallélement, le CF a fait le choix d’accorder la préférence aux mesures d’autorégulation de la branche, demandant au sociétés responsables de mettre d’elles-mêmes les limites nécessaires . Cette confiance forcée n’est toutefois pas aveugle. Le CF a en effet d’ores et déjà annoncé que «si les cantons et les associations professionnelles ne jouent pas suffisamment leur rôle, ou les mesures prises n’ont pas l’effet escompté, [il] prendra au niveau fédéral les mesures de régulation nécessaires et proposera au besoin une base constitutionnelle pour la protection des enfants et des jeunes face aux médias ».

Le SCOCI : un organe de protection

Un Service de coordination de la lutte contre la criminalité sur internet (SCOCI) est opérationnel depuis 2002. Mis en place par la Confédération et les cantons, il constitue le point de contact pour les personnes qui souhaient signaler l’existence de site suspect.  Ce service s’occupe principalement des cas de représentation de la violence, de pornographie et de pédophilie. Bien qu’il s’occupe de cybercriminalité, il n’est toutefois pas responsable pour les questions de protection des données. Le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) s’occupe également des dangers des réseaux internet pour les mineurs et proposent des informations utiles pour les parents et les enseignants.

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