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Droits culturels des minorités

15.01.2010

Dans le contexte des Nations-Unies, les droits culturels des minorités sont généralement garantis (voir notamment l'Art. 27 du Pacte II de l'ONU sur les droits civils et politiques). Toutefois, à l'exemple de la discussion autour de l'interdiction du foulard en France, ces droits culturels font l'objet d'un vif débat politique. Dans la plupart des cas, ces débats ont lieu sur la scène politique nationale. Ils prennent souvent la forme d'une discussion enflammée sur les droits fondamentaux.

Est-ce qu'un Juif pratiquant réalisant son service militaire en Suisse a le droit de demander une diète particulière, qui correspond aux prescriptions religieuses qu'il souhaite respecter ? Un enseignant a-t-il le droit de porter des symboles religieux durant son enseignement ? Les Musulmans vivant en Suisse devraient-ils avoir accès à un cimetière respectant les normes propres à l'Islam ? Un travailleur sikh pourrait-il échanger son casque de chantier contre son turban ? Un immigré devrait-il avoir le droit de contracter un mariage polygame, comme l'autorise sa tradition ?

Dans une monographie stimulante intitulée "Les droits fondamentaux dans un conflit culturel", le Prof. Walter Kälin appelle de ses voeux une discussion de fond sur ces questions de permière importance pour une société pluraliste. 

Kälin différencie entre les sphères étatique, publique et privée, qui préstructurent de manière différente la discussion autour des droits culturels. Dans la sphère étatique, où les individus sont soumis à l'influence directe de l'autorité de l'Etat, il en va en première ligne de l'égalité de droit. Concrètement, cela signifie l'interdiction stricte de la discrimination des membres d'une minorité culturelle et une jouissance égale des droits culturels telle qu'accordée aux membres de la majorité.

Dans la sphère privée, les interventions de l'Etat sont normalement proscrites. Toutefois, même dans une société libérale, la tolérance doit être limitée. D'après Kälin, ces limites trouvent premièrement leur source dans un ensemble de critères précis pour les interventions étatiques. Certaines normes du droit international, à l'exemple de l'interdiction des mariages forcés, de la protection de l'enfant ou du maintien de l'ordre public, font notamment partie de ces critères délimitant les interventions légitimes de l'Etat dans une pratique culturelle.

C'est la question de la sphère publique qui pose le plus de difficultés, une sphère où sont notamment évoquées les problématiques liées à l'école ou au monde du travail. La pesée d'intérêts entre une intégration structurelle réussie et le respect de l'autonomie des différentes cultures représente le coeur d'un difficile débat. Règle d'exception, dérogation et dispense forment le premier pôle des réponses possibles à cette pesée d'intérêts. Interdiction et limitation des pratiques culturelles en forment le second.

Comment peut-on protéger le savoir traditionnel des peuples autochtones ? Après plusieurs cas de vols de recettes traditionnelles de guérison - au centre des intérêts financiers et commerciaux de certains groupes ou institutions - la question du lien entre savoir traditionnel et protection de la propriété est devenue d'une actualité brûlante. Le concept classique de propriété intellectuelle ne permet en effet pas de protéger de manière suffisante le savoir traditionnel, caractérisé par sa nature communautaire. Le défi principal est donc le suivant: protéger efficacemment les recettes et méthodes traditionnelles, tout en permettant leur utilisation dans la communauté et leur transmission aux générations futures. La réponse à ce défi ne saurait être simple, mais des esquisses de solution existent déjà.