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Personnes concernées et expert-e-s opposés au délit de faciès

14.09.2016

Au cours de ces dernières années, de nombreuses organisations et associations ont essayé d’attirer l’attention sur le problème du délit de faciès de différentes manières tout en essayant de lancer, principalement dans les villes de Zurich et de Berne, des initiatives pratiques pour lutter contre ce phénomène. Les associations de personnes concernées ainsi que certains politiciens/ennes demandent depuis des années l’élaboration de mesures préventives pour lutter contre le délit de faciès, qui d’après eux constitue une forme de discrimination institutionnalisée. Récemment, suite au cas de Mohamed Wa Baile, une coopération étroite a commencé à se mettre en place au sein de la société civile.

Alliance contre le profilage racial

Une association informelle s’est créée récemment dans la foulée de l’affaire Mohamed Wa Baile (voir notre article sur ce cas). Elle regroupe à travers toute la Suisse des activistes, des scientifiques et des artistes de couleur ainsi que des organisations des droits de l’homme et des personnes que rassemble l’objectif de se défendre contre le racisme institutionnel dans les corps de police suisses.

L’Alliance contre le profilage racial dispose d’un site internet où l’on peut trouver une prise de position politique ainsi qu’une vidéo regroupant les témoignages de nombreuses personnes ayant été victime de profilage racial. On peut également y suivre les récentes avancées académiques sur le sujet.

Prise de position de neuf expert-e-s contre le racisme institutionnel

En mars 2016, un groupe d’expert-e-s s’est adressé au grand public en formulant une prise de position commune sur le cas «Wa Baile». Dans cette prise de position, ils attirent l’attention sur le fait que le dialogue et des mesures isolées ne sont pas suffisants pour mener une lutte efficace contre le délit de faciès: «Nous encourageons les actuels „procès exemplaires“ et exigeons que le profilage ethnique/racial soit reconnu comme un problème touchant l’ensemble de la société et reçoive l’attention nécessaire». Par conséquent, il est important que l’accent ne soit pas mis sur des cas particuliers, sur des agent-e-s de police isolé-e-s ou encore sur leur attitude individuelle, mais que l’attention se focalise sur les problèmes structurels ainsi que sur l’élaboration de solutions appropriées au sein de l’institution policière.

Pas des cas isolés

Les experts et expertes précisent que le cas «Wa Baile» est représentatif de l’expérience que vivent régulièrement les personnes de couleur ainsi que celles qui sont perçues comme «étrangères» ou qui présentent des caractéristiques ethniques ou religieuses «étrangères»: «Ils subissent souvent des contrôles ou des perquisitions sans raison objective, alors que les individus qui sont perçus comme étant originaires de l’Europe occidentale ou qui peuvent être catégorisés sans difficulté apparente (même s’ils ne disposent pas d’un document d’identité suisse) ne sont pas, ou ne sont que très rarement, confrontés à de telles situations».

D’après les expert-e-s, ces contrôles fréquents sont humiliants pour les personnes concernées, minent le sentiment de sécurité des individus soumis au contrôle et sont cause de frustration. En outre, dans des cas particuliers, de tels contrôles peuvent s’avérer traumatisants et provoquer des atteintes à la santé. De surcroit,  cette méthode est inefficace et inutile du point de vue de la stratégie policière: «Le profilage ethnique et racial est source de méfiance envers la police et mine l’esprit de coopération». Le délit de faciès renforce également le racisme social, en exposant publiquement une suspicion générale à l’égard des minorités concernées.

Le délit de faciès en tant que problème institutionnel

Selon les expert-e-s, le délit de faciès n’est pas en premier lieu un problème lié à l’attitude et au comportement d’un groupe de policiers/ères isolé-e-s, mais il doit être vu principalement comme un problème de responsabilité institutionnelle: «Au premier plan figure ainsi les obligations des politiques et des chefs des opérations de police de s’engager, par le biais de réformes structurelles au sein des corps de police, dans la lutte contre le racisme institutionnel». Cela ne concerne pas seulement des questions relatives à la formation de base et à la formation continue des agent-e-s de police, mais porte aussi sur la nécessité d’apporter des changements dans la politique de recrutement de la police.

Un ensemble de mesures contre le délit de faciès

Les auteur-e-s demandent que les chefs politiques et les chefs des opérations de police reconnaissent dans le délit de faciès un problème à résoudre: «Le profilage ethnique et racial doit être abordé de manière énergique à tous les niveaux hiérarchiques, dans l’ensemble des champs de l’action policière et avec tous les moyens institutionnels disponibles». Les mesures concrètes à prendre sont mentionnées dans la prise de position officielle.

Sources