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Délit de faciès: où en est le débat?

08.08.2019

La thématique du profilage racial a fait l'objet d'une attention croissante ces dernières années auprès du public suisse. Les rapports d'ONG, les articles de presse, les débats politiques ainsi que les premières publications académiques en sont la preuve.

Premiers rapports

C’est grâce à une initiative d’Amnesty International que la discussion a été ouverte. Dans son rapport de 2007 sur l’activité policière en Suisse, Amnesty a introduit la notion de «profilage racial» et a examiné les pratiques policières sous un angle critique. Le Bureau de l’Ombudsman de la ville de Zurich a également apporté une contribution de grande importance en soulevant ce problème au sein des forces de police communales et en illustrant le profilage racial dans ses rapports annuels de 2010 et 2014 à l’aide de nombreux exemples concrets.

Des organes internationaux des droits humains, tels que la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) et le Comité des droits de l’homme de l’ONU, ont aussi à maintes reprises attiré l’attention sur le problème du délit de faciès en Suisse (voir notre article: «Recommandations et exigences relatives au délit de faciès»).

Intérêt croissant

Au cours des dernières années, l’intérêt de l’opinion publique pour ce phénomène n’a cessé de s’accroître en Suisse. Les rapports publiés par de nombreuses organisations non gouvernementales, par les Bureaux des Ombudsmans ainsi que par des personnes concernées, relèvent que les individus à la peau noire, ou perçus comme étrangers à cause de leur apparence physique, sont régulièrement soumis à des contrôles d’identité ou fouillés sans raison objective.

En novembre 2017, le Centre de compétence suisse pour les droits humains (CSDH) a mené une étude sur les critères juridiques régissant les contrôles de personne, sur mandat du Département de la sécurité de la ville de Zurich, y incluant les mesures possibles pour éviter le profilage racial ou ethnique. Les mesures proposées par le CSDH comprennent des instructions concrètes pour le personnel, une formation spécifique et continue ainsi que l’introduction d’un système de récépissés - toute personne contrôlée reçoit un formulaire qui indique la date, l’heure, le lieu et le motif du contrôle.

Dans leur mémoire de licence intitulé «Polizeiliche Routinekontrollen westafrikanischer Migranten in Zürich: Minoritätsperspektiven, 2012», Gfeller et Pfiffner démontrent que, pour les personnes originaires de l’Afrique de l’Ouest résidantes en Suisse, les contrôles de police représentent une expérience pénible, voire humiliante, qui tend à se répéter. Le travail de master rédigé par Kim Wysshaar en 2017 est probablement la première étude juridique complète qui traite du profilage racial à la lumière de la situation juridique en Suisse. La revue spécialisée en ligne Jusletter a consacré un numéro entier à cette thématique en septembre 2017 avec des contributions abordant le sujet du «point de vue dogmatique, de la sociologie du droit et au sens de la théorie du droit».

Dans le cadre de la série « Postcolonial Studies », la maison d’édition Transcript Verlag a publié début 2019 le volume «Racial Profiling. Struktureller Rassismus und antirassistischer Wiederstand» (traduction libre: Profilage racial. Racisme structurel et résistance antiraciste). La publication réunit des contributions scientifiques, artistiques et militantes sur les facteurs sociaux du profilage racial ainsi que ses effets et les possibilités d'une résistance antiraciste.

En mai 2019, la Fondation Rosa Luxembourg a également publié une étude réalisée par un groupe de recherche collaboratif. L’étude «Racial Profiling. Erfahrungen Wirkung Wiederstand» (traduction libre: Profilage racial. Expériences effet opposition) se base sur des entretiens participatifs et analyse les expériences de personnes soumises à des contrôles de police discriminatoires.

Alliance contre le profilage racial

L'«Alliance contre le profilage racial» est un regroupement d’activistes, de personnes issues du milieu de la culture, des universités, et de la société civile qui combattent le racisme institutionnel au sein des corps de police suisses. L'Alliance s'est adressée au public pour la première fois en 2016 et contribue de façon essentielle à ce que la thématique demeure actuelle dans la vie publique suisse. Elle a par ailleurs créé une vidéo avec des témoignages de personnes concernées par cette problématique. Les résultats d'enquêtes en cours au sujet du délit de faciès en Suisse y sont également présentés. L'Alliance a aussi suivi de près le procès «Wa Baile».

Cas concrets tirés de la pratique

Le rapport d’évaluation annuel publié par le Réseau de centres de conseil pour les victimes du racisme contient une rubrique sur le profilage racial. A titre d'exemple, 16 incidents liés à des formes de délit de faciès ont été recensés en 2015. Ceci ne constitue sans doute que la pointe de l’iceberg.