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La Commission contre la torture assurera le contrôle des renvois forcés

26.03.2012

Dès juin 2012, ce sera la Commission nationale de prévention contre la torture (CNPT) qui assurera le contrôle des renvois forcés. Des observateurs indépendants choisis par la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) participent aux vols depuis septembre 2011 déjà. Mais la phase pilote gérée pas la FEPS est désormais terminée. Un rapport et l’annonce de la reprise du mandat par la CNPT en ont marqué la fin.

La CNPT va mettre en place dans les mois qui suivent les étapes nécessaires à la création d’un mécanisme de monitoring. Objectif: que chaque vol soit accompagné par des observateurs indépendants. Le budget de la CNPT a été doublé pour lui permettre d’assumer cette nouvelle tâche.

Pour rappel, c’est en application de la Directive retour de l’UE que la Suisse doit mettre en place un système d’observateurs indépendants pour les vols spéciaux (voir plus bas). Depuis 1999, trois personnes sont mortes au cours de leur expulsion.

Un forum élargi

Le contrôle des renvois sera mis en œuvre par la CNPT sur la base de son mandat légal. La CNPT envisage de maintenir le Comité d’experts choisis par la FEPS en tant que forum élargi. La FEPS sera désormais membre de ce futur forum, tout comme la Conférence des Commandants  des Polices Cantonales de Suisse (CCPCS), l’Association des services cantonaux de migration (ASM) et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR).
De par son mandat légal, la CNPT peut inspecter tous les lieux de privation de liberté, donc aussi les vols spéciaux. Comme le souligne dans Le Courrier son président, Jean-Pierre Restellini, la CNPT est en mesure d’«obtenir tous les documents nécessaires, y compris médicaux, ce qui n’était pas forcément le cas de la FEPS». «Nous disposons des meilleurs outils pour faire cette tâche le moins mal possible», a-t-il également souligné.

Rapport d’activité de la FEPS

Le 22 mars 2012, la FEPS avait remis son rapport d’activité à l’Office des migrations (ODM). Les cinq observatrices et observateurs mis en place par la FEPS ont accompagné et documenté dix vols spéciaux en tout. Ils attestent du professionnalisme des autorités d’exécution, mais soulignent certains points noirs. Ils recommandent notamment d’améliorer l’information des personnes renvoyées sur le déroulement du vol spécial et la mise à disposition d’informations médicales. L’utilisation de dormicum, un puissant sédatif, a été faite, parfois sur demande des personnes rapatriées, parfois sur décision du médecin. Or, la loi interdit formellement la médication forcée  destinée à faciliter le renvoi. La FEPS recommande également que les autorités helvétiques s’assurent qu’un suivi médical adapté soit certifié à l’arrivée dans le pays de destination.

Le rapport d’activités de la FEPS n’est pas seul à mettre le doigt sur les points faibles de ce système. La CNPT s’était elle-même penchée sur la question en 2011 et avait émis plusieurs critiques (voir article dans les liens internes).

Personnalités pour le projet-pilote

L' ancienne directrice de la police et des affaires militaires du canton de Berne Dora Andres; Mario Annoni, ancien directeur de la justice, des affaires communales et des affaires ecclésiastiques et directeur de l'instruction publique du canton de Berne, Martina Caroni, professeur de droit public et de droit international à l'Université de Lucerne et membre de la Commission fédérale pour les questions de migration (CFM); Laurent Krügel, ancien commandant de la police cantonale de Neuchâtel et  Hans Studer, ancien directeur de l'établissement pénitentiaire Wauwilermoos ont ainsi accepté de participer au projet. Issues de différents envrionnements professionnels, ces personnes devraient  permettre une évaluation reconnue par toutes les parties afin de déterminer les adaptations nécessaires pour un contrôle efficace de l’exécution des renvois.

Selon Amnesty International, la présence d’observateurs contribue à la désescalade de la violence avant et pendant le vol. Elle permet également d’éviter la mise en danger de personnes renvoyées et de protéger policiers et déboutés contre de potentielles fausses allégations. En novembre 2010, lorsque l’ODM avait annoncé qu’elle ne pourrait pas garantir la présence d’observateurs indépendants avant mars 2011, l’association  avait exigé une solution temporaire pour les renvois de Suisse, en particulier ceux comprenant le ligotage des personnes renvoyées, et cela dès janvier 2011.

Monitoring dans l’espace Schengen

La directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (directive retour) a été transposée en janvier 2011 dans le droit national suisse. Elle prévoit notamment le contrôle indépendant (monitoring) des renvois et des expulsions par voie aérienne. La Suisse s’étant engagée à suivre les directives ultérieures relatives à son appartenance à l’espace Schengen, elle doit dès lors assurer un contrôle efficace des renvois par vols spéciaux.

Sources