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Lutte contre le hooliganisme et droits fondamentaux

10.02.2014

Le 7 janvier 2014, le Tribunal fédéral a rendu son arrêt sur le concordat sur les hooligans. Appelé à tranché par des personnes individuelles des cantons de Lucerne et d'Argovie, le TF a jugé que la majorité des nouvelles normes sont compatibles avec les droits fondamentaux. Il a assouplit deux point uniquement: la durée minimale de l'interdiction de périmètre et les conséquences en cas de violation de l'obligation de s'annoncer sans motif excusable, jugées disproportionnées.

De nombreux cantons, dont Fribourg, Valais, Vaud, le Jura et le Tessin, ont d'ores-et-déjà adhéré au concordat renforcé. Seuls les cantons de Bâle-Ville et de Bâle-Campagne l'ont refusé à ce jour. Berne a voté pour le 9 février 2014.

Ce que prévoit le concordat

La Conférence des directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) a adopté le 2 février 2012 à l’unanimité la révision du concordat intercantonal instituant des mesures contre la violence lors de manifestations sportives. Les dispositions inscrites dans le concordat prévoient entre autres d’autoriser la fouille des supporters par la police, y compris sous les vêtements et dans les parties intimes en cas de soupçon, ainsi qu’un durcissement d’autres règles déjà existantes comme l’interdiction de périmètre, l’interdiction de stade et l’obligation de se présenter à la police.

Le concordat permet aussi aux autorités de consulter la controversée base de données HOOGAN, introduite par la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI). Elle recense les données relatives aux personnes qui ont affiché un comportement violent lors de manifestations sportives organisées en Suisse ou à l’étranger.

Contre un soupçon généralisé de violence chez les supporters

Certaines mesures vont trop loin selon l’organisation fancoaching Suisse ainsi que plusieurs associations de supporters, qui s’opposent à ce que les fans soient traités comme de dangereux criminels. Ils considèrent que ces dispositions sont incompatibles avec les droits fondamentaux, comme les libertés de mouvement et de réunion (art. 10 et 22 Cst), ainsi que le principe de proportionnalité (art. 5 Cst). Fancoaching Suisse rejette en particulier les mesures qui soumettent les supporters à un soupçon généralisé de violence et préconise plutôt des mesures qui se concentreraient sur les auteurs de violence.

Adopté le 15 novembre 2007, ce concordat instituant des mesures contre la violence lors de manifestations sportives est entré en vigueur le 1er janvier 2010 et a finalement été ratifié par l’ensemble des 26 cantons le 1er septembre 2010. Il a été mis en place par le CCDJP pour permettre de prolonger l’interdiction de périmètre, l’obligation de se présenter à la police et la garde à vue, qui avaient été temporairement introduites par le Parlement pour l’Euro 2008 et les championnats du monde de hockey en 2009.

Mesures compatibles avec la CEDH selon le TF

Certaines mesures inscrites dans le concordat (garde à vue préventive, interdiction de périmètre, obligation de se présenter à la police) avaient déjà fait l’objet d’une plainte devant le Tribunal fédéral lors de son entrée en vigueur. Le TF les avait toutefois approuvées le 13 octobre 2010. La plainte avait été déposée par plusieurs organisations. Selon elles, ces mesures ne respectent pas la liberté de mouvement (art. 10 Cst), la liberté de réunion (art. 22 Cst), les garanties en cas de privation de liberté (art. 31 Cst), les garanties d’un traitement équitable dans les procédures judiciaires et administratives (art. 29, 29a, 30 et 32 Cst), le principe de proportionnalité (art. 5 Cst) ainsi que les droits similaires garantis dans la CEDH (art. 5 paragraphe 1 et art. 6 paragraphe 2) et le Pacte II de l’ONU. A l’inverse, le Tribunal fédéral a considéré que toutes les mesures sont compatibles avec la CEDH.

Un concordat intercantonal plutôt qu’une loi fédérale

Le choix entre un concordat intercantonal ou une nouvelle loi fédérale pour régler la question de la lutte contre la violence lors des manifestations sportives avait été fait à la session d’automne 2008. Les Chambres fédérales avaient décidé par 174 voix contre 0 (17 abstentions) et 41 voix contre 0 (1 abstention) d’opter pour le concordat. Ceci en vue de prolonger les mesures introduites pour l’Euro 2008 et les championnats du monde de hockey en 2009. Celles-ci avaient été temporairement introduites le 1er janvier 2007 dans la loi fédérale instituant des mesures visant au maintien de la sûreté intérieure (LMSI). La limite de leur validité dans le temps venu du fait que le Parlement avait mis en doute leur constitutionnalité.

Les milieux concernés, qui avaient échoué dans leur tentative de référendum de la LMSI, s’étaient alors déjà opposés à ces nouvelles dispositions et notamment à la création et à l’utilisation de la base de donnée HOOGAN. Celle-ci va à l’encontre des directives sur la protection des données. Selon Markus Schefer, professeur à l’Université de Bâle, la Constitution ne permet son utilisation que dans les cas qui touchent à la sécurité de l’Etat ou aux intérêts de la politique étrangère. La base de données introduite par la LMSI sort de ce cadre. Les organisations pour la protection des données espéraient que l’application de cette mesure s’opère de manière proportionnée.

Sources