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Tourisme au Sri Lanka: une campagne appelle à la diligence

29.04.2015

La Société pour les peuples menacés (SPM) a lancé en février 2015 une campagne pour un tourisme respectueux des droits humains au Sri Lanka. Dans son rapport «Zones d’ombre au paradis du soleil: droits humains et tourisme au Sri Lanka», SPM souligne des violations systématiques des droits humains en raison du développement touristique dans ce pays où le gouvernement, après plusieurs années de guerre civile, s’applique à diffuser l’image d’un retour complet à la normalité. Dans ce contexte, la SPM engage instamment les tour-opérateurs suisses à remplir leur obligation de diligence en matière de droits humains dans le cadre de cette destination très prisée des Suisses.

Situation au Sri Lanka

Comme le relève le rapport de SPM, le Sri Lanka est actuellement en plein essor touristique. En 2014, pas moins de 1,5 million de personnes se sont rendues sur l’île de vacances dans l’océan Indien. Avec 20'097 visiteurs en 2014, la Suisse pourvoit au Sri Lanka le cinquième plus important groupe touristique d’Europe occidentale.

L’île n’est toutefois pas uniquement une destination idyllique pour amoureux du soleil. Dans un contexte politique en pleine mutation, les standards minimaux des droits humains y sont sacrifiés sur l’autel du développement touristique. Dans son rapport, la SPM se concentre sur trois régions à fort potentiel touristique que sont Kuchchaveli, Passikudah et Kalpitiya, faisant état d’une situation alarmante. Les hôtels et complexes hôteliers bloquent l’accès à la mer aux pêcheurs, ce qui compromet sévèrement l’existence économique de familles entières, plus de 1200 personnes d’après SPM. En outre, certain-e-s habitant-e-s voient leurs terres confisquées et seule une petite partie de la population locale arrive à gagner sa vie grâce au tourisme. 

Tourisme aux mains des militaires

À l’inverse, l’influence de l’armée sur le secteur touristique est démesurée. Bien que la guerre soit finie depuis plusieurs années, les dépenses pour l’armée n’ont cessé d’augmenter depuis et représentent à ce jour, toujours d’après le rapport de SPM, 16,6% du budget national, dont une grande partie est investie dans le tourisme. De fait, l’armée, la marine nationale et les forces de l’air ont ouvert des hôtels dans tout le pays et proposent de plus en plus d’activités aux touristes. Comme le relève également un article du Courrier paru le 9 avril 2015, certaines exploitations touristiques gérées par des militaires sont basées sur des terres confisquées durant la guerre et que l’armée est désormais censée rétrocéder aux propriétaires originaux. Plusieurs centaines de familles tamoules attendent aujourd’hui de pouvoir rentrer chez elles en vivotant dans des camps, mais aucun retour des terres ne semble se profiler désormais que ces lieux engendrent de gros revenus liés au tourisme. 

Responsabilité des organisateurs de voyages

«Bien que la situation globale sur le plan des droits humains soit préoccupante, au moins 21 tour-opérateurs suisses proposent des hôtels dans chacune des régions touristiques étudiées», relève SPM dans son étude. L’organisation demande ainsi à ce que les tour-opérateurs renoncent à proposer des hôtels qui ont été construits sur des terres ayant fait l’objet d’expropriations, limitent l’accès à la mer aux familles de pêcheurs locales, utilisent des pratiquent discriminantes envers les femmes et les minorités, ou interdisent aux employé-e-s de se syndiquer. Elle exige également qu’ils n’aient pas le droit de proposer des hôtels gérés par l’armée ou toute activité touristique organisée par celle-ci, tant qu’aucune preuve n’a été apportée que ces hôtels n’ont pas été construits sur des terres expropriées et que leur construction et les activités proposées ne portent pas atteinte aux droits humains.

Pour SPM, ces conditions sont minimes afin de garantir que des entreprises suisses de tourisme ne sont pas complices de violations systématiques des droits humains au Sri Lanka. Rappelant les «Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme», la campagne souligne que le respect des droits humains de la part des entreprises s’inscrit dans leur responsabilité sociale et que «les organisateurs de voyages sont tenus par l’obligation de diligence de l’exiger de façon systématique de la part de leurs partenaires locaux et de le contrôler régulièrement.»

Nouveau gouvernement à l'épreuve

La campagne a également une revendication à l’attention du nouveau gouvernement sri lankais, à qui elle demande de modifier sa stratégie touristique, d’appliquer les lois et les règlementations en vigueur, et de protéger la population ainsi que toutes les minorités contre toute violation des droits humains. Pour rappel, le gouvernement sri lankais a connu un important changement de cap au mois de janvier 2015 avec l’élection d’un nouveau président en la personne de Maithripala Sirisena. Élu sur la base d’un manifeste très prometteur en matière de droits humains, le nouveau gouvernement doit encore montrer par des actions concrètes son intention d’améliorer vraiment la situation des droits humains sur l’île.

Sources