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Droits sociaux: des droits humains - dossier

Les buts sociaux dans la Constitution fédérale

30.07.2014

Lors de la dernière révision de la Constitution fédérale, les chambres fédérales n'ont pas souhaité ancrer les droits économiques, sociaux et culturels (ESD) comme des droits individuels et justiciables dans la nouvelle mouture de 1999.

Des buts plutôt que des droits sociaux

Certains aspects précis des buts sociaux furent discutés par le Parlement, notamment l'accent mis sur la responsabilité individuelle ou sur la non justiciabilité des droits ESD. La question fondamentale — buts ou droits sociaux ? - ne fut évoquée qu'en marge des débats officiels.

Ainsi, la clause engageant la Suisse à ne garantir les droits sociaux que dans la limite de ses moyens et ressources fut ancrée dans la Constitution fédérale (art. 41, al. 3), confirmant du même coup l'interprétation des droits sociaux comme buts sociaux à valeur programmatique. L'art. 41, al. 4 ne laisse en effet guère planer d'incertitudes: «Aucun droit subjectif à des prestations de l'État ne peut être déduit directement des buts sociaux». En conséquence, les effets de ces droits sociaux sont modestes. Tout au plus se laissent-ils employer comme de bons arguments dans le débat politique.

Les droits sociaux reconnus

Néanmoins, certains droits fondamentaux apparentés à des droits sociaux sont reconnus par la Constitution fédérale, notamment:

Le droit à l’aide d’urgence

L'art. 12 de la Constitution fédérale — l'un des seuls à traiter directement des droits sociaux aurait dû garantir un «droit à des conditions minimales d'existence». Mais les parlementaires décidèrent de n'en garder qu'une version élaguée, l'actuel art. 12 s'intitulant «droit d'obtenir de l'aide dans des situations de détresse».

Le rôle joué par l'art. 12 dans la question de la suppression de l'aide d'urgence pour les requérants d'asile déboutés qui refusaient de collaborer a montré à quel point un droit social reconnu pouvait représenter un contrepoids important dans le débat politicojuridique. En 2005 de nombreuses discussions eurent lieu pour légaliser la pratique liant l’octroi de l’aide d’urgence aux requérant-e-s d’asile débouté-e-s à l’obligation pour ces derniers de coopérer en se procurant par exemple des papiers d'identité en prévision d'un retour dans le pays d’origine. C’est alors en se basant sur l’article 12 de la Constitution que le Tribunal fédéral a, dans une décision du 18 mars 2005, constaté que l'aide d'urgence est obligatoire et n'est pas liée à une quelconque condition.
Arrêt du TF sur le droit à l’aide d’urgence pour les requérant-e-s d’asile débouté-e-s non-coopérant-e-s

Jurisprudence restrictive du TF

Ceci dit, la jurisprudence du TF est pour moins fluctuante concernant la justiciabilité des droits sociaux compris à l’article 12 Cst. Dans des cas relevant une importance pour tout le système social, tel par exemple la reconnaissance du droit à l’aide sociale, cette jurisprudence est au clair désavantage des individus. Et en dehors de l’article 12 Cst, le TF concerne une ligne strictement restrictive, ne reconnaissant pas les garanties du Pacte I sur les droits sociaux et culturels comme des droits directement applicables. Il s’appuie sur la vieille doctrine politique reléguant les droits sociaux à de simples visées programmatiques non justiciables.