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Prises de position des corps de police face au délit de faciès

14.09.2016

Dans le cadre du travail de recherche relatif au dossier thématique sur le «Délit de faciès», humanrights.ch a mené une enquête auprès de certains corps de police cantonaux au sujet de la pratique des contrôles d’identité. Dans les chapitres suivants, les témoignages les plus importants seront présentés.

Police cantonale de Zurich

La police cantonale de Zurich déclare à humanrights.ch que la police est tenue, en cas de soupçon d’infraction pénale, de mener une enquête de sa propre initiative et, le cas échéant, d’ouvrir une procédure. Il en va de même pour les infractions pénales à la Loi sur les étrangers: «L’appréciation personnelle des différent-e-s fonctionnaires de police n’est pas nécessaire, ni ne nécessite un ordre spécifique pour mener des contrôles d’identité, dès lors qu’il existe un soupçon d’irrégularité de séjour». Par rapport aux infractions aux dispositions en matière d’entrée et de séjour, il n’est pas possible de définir, ni en de manière générale ni en particulier, de quelle manière un soupçon spontané peut amener à un contrôle d’identité: «Il faut prendre en considération l’ensemble des circonstances. Une opération de police efficace se base en bonne partie également sur l’intuition et sur l’expérience».

Il n’est pas étonnant que la police cantonale de Zurich justifie l’absence de prescriptions de service en matière de contrôles d’identité par le fait qu’elles pourraient entraver le bon fonctionnement d’un «travail intuitif». Lorsqu’il n’y a pas de lignes directrices, il s’avère possible de légitimer, avec un peu d’imagination, toute sorte de contrôles arbitraires ou sélectifs par rapport à l’origine ethnique. Ainsi, des lignes directrices concrètes en matière d’action policière aident, d’un côté, à empêcher des contrôles arbitraires et, de l’autre, servent de boussole et de référence aux officiers/ères de police pour régler leur activité.

Lors d'une interview accordée à la SRF, Wolfgang Moos, psychologue et chef d'instruction à la police municipale de Zurich, revient sur les objectifs et les difficultés du travail quotidien de la police:

Police cantonale de Berne

La police cantonale de Berne ne dispose pas non plus de lignes directrices spécifiques, définissant exactement de quelle manière un soupçon peut justifier un contrôle d’identité. La police fait remarquer qu’en Suisse il y a une population très hétérogène et qu’un contrôle pour soupçon de séjour illégal ne peut par conséquent pas être effectué simplement sur la base de quelques caractéristiques physiques. Des contrôles spécifiques pour illégalité de séjour sont donc effectués principalement dans le cadre d’actions policières ciblées, menées dans des espaces et des localités souvent associés à ce problème (par exemple, les maisons closes). Lorsque des étrangers, conformément à l’art. 215 CPP, sont soumis à un contrôle pour une éventuelle infraction pénale (par exemple, vente de drogue, vol avec effraction, mendicité agressive), des clarifications sur leur statut de séjour peuvent être simultanément effectuées.

Le commandant de la police cantonale de Berne, Stefan Blättler, s’est exprimé sur la thématique du délit de faciès lors de plusieurs entretiens avec les juristes démocrates de la section Berne et des partisan-e-s de l'Alliance contre le Racial Profiling. Dans l'une des trois interventions, il a de surcroît parlé en sa qualité de Président de la Conférence des commandants des polices cantonales de Suisse (CCPCS). Étaient également présents le Secrétaire général de la CCPCS Vladimir Novotny et le Directeur de l'Institut suisse de police (ISP) Pius Valier, laquelle fait partie de la CCPCS. Le juriste Tarek Naguib, qui a prit part à toutes les discussions, tire une conclusion désenchantée: «M. Blättler est d’avis que la police ne pratique aucun contrôle de police raciste. Il fait référence aux conventions internationales des droits humains auxquelles il doit se tenir» (traduction libre de l’allemand). Contrairement aux résultats des recherches existantes et des témoignages des personnes touchées faisant valoir que des Noirs, des personnes d'origine nord-africaine ou arabe mais également des Roms, Sintés et Yéniches sont régulièrement exposés à des contrôles de police discriminatoires, Monsieur Blättler estime quant à lui que le problème n’existe pas, tout au plus lors d’incidents se produisant de manière sporadique.

Lorsqu'il a été demandé à M. Blättler quelles mesures concrètes prendrait la police afin de mettre en œuvre les bases de droit international et constitutionnelles citées auparavant par ses soins - exception faite des précisions générales relatives aux cours sur les droits humains dans la formation de base et continue de la police - il n’a pas donné de réponse.

M. Blättler a de surcroît réagi de manière négative à la proposition d'instaurer des reçus de contrôles de police qui contiendraient des données sur la personne contrôlée ainsi que sur l’officier-ère de police effectuant le contrôle, des informations générales sur le contrôle (date, heure, lieu), le motif du contrôle ainsi que les résultats de ce dernier. Lors d’une réunion effectuée avec les partisan-e-s de l’Alliance en été 2016, M. Blättler avait déclaré: «Tant que je serai le Commandant à Berne, il n'y aura pas de reçus» avait-il déclaré lors d'une réunion à l'été 2016. Même d'autres mesures en matière de législation, de recrutement, de développement du personnel, de mesures dans le domaine de l’intervision et de la supervision à la suite de contrôles de police, d’instances de recours indépendantes ou encore un examen systématique sur les effets discriminatoires des instructions de service, ont été contestées par lui à plusieurs reprises.

Police communale de Lausanne

La police communale est le seul corps de police qui dispose d’une directive en matière de délit de faciès. Dans cette directive, cinq instructions concrètes concernant le comportement à tenir par rapport aux profilages criminels sont énumérées, ceci afin d’empêcher des contrôles abusifs et d’éviter que de telles pratiques inspirent des sentiments négatifs chez les personnes concernées. Outre les prescriptions concrètes concernant l’exercice des contrôles policiers, l’accent est mis aussi sur l’importance d’une communication claire et respectueuse avec les personnes intéressées. Ainsi, les individus concernés doivent pouvoir comprendre, dans la mesure du possible, que le contrôle qu’ils subissent n’est pas arbitraire et que son objectif est, a priori, de démontrer leur innocence (et non pas leur culpabilité).

Patrice Boillat, délégué à l’éthique de la police communale de Lausanne, rappelle qu’en principe des éclaircissements relatifs au statut de séjour ne sont effectués que dans le contexte d’autres infractions. «Une recherche systématique des personnes séjournant illégalement en Suisse serait complètement inefficace car, dans la plupart des cas, les individus intéressés ne peuvent pas être expulsés à cause d’obstacles à l’exécution du renvoi». Patrice Boillat parle aussi de situations particulières, lors des contrôles pour irrégularité de séjour effectués dans le cadre d’actions spécifiques auprès de lieux souvent touchés par ce problème, tels que les maisons closes. Dans une telle situation, le policier/ère se trouve devant un dilemme car, d’un côté, se présente un cas de violation de la loi sur les étrangers, alors que d’un autre côté, les personnes soumises au contrôle sont souvent victimes du trafic d’êtres humains. «Nous avons dans ce cas des directives claires visant à ce que la priorité soit donnée à la protection des personnes concernées et non à la violation de la loi sur les étrangers».

Par rapport aux contrôles effectués à l’égard de trafiquants de drogue présumés, Patrice Boillat précise que les caractéristiques physiques peuvent certes servir comme points de repère, mais ne peuvent jamais être déterminants. Même à proximité d’un centre important de diffusion de drogue, l’agent-e-s de police se doit toujours d’observer la situation pendant une longue période avant d’agir: «C’est le comportement de l’individu qui doit toujours être décisif».

L’interview avec Monsieur Boillat a été effectuée par téléphone et n’est pas documentée par écrit.

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