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Recommandations et exigences relatives au délit de faciès

14.09.2016

Ce dossier thématique met l’accent sur les exigences suivantes. Leur réalisation exige en partie des amendements législatifs ou des réformes institutionnelles au sein des différents corps de police.

Mesures relatives aux contrôles d'identité

  • Les contrôles d’identité effectués sans raison objective doivent être interdits par la loi.
  • Les contrôles d’identité effectués pour présomption de séjour irrégulier doivent être toujours motivés par des raisons objectives; l’apparence physique ne constitue en aucun cas un soupçon motivé.
  • Les contrôles d’identité effectués pour présomption de trafic de stupéfiants doivent toujours être motivés sur la base du comportement observé. Dans des situations particulières, l’apparence physique peut représenter un élément d’évaluation secondaire, mais ne peut jamais être déterminante.
  • Les contrôles d’identité doivent toujours être documentés par les fonctionnaires de police à l’aide d’un formulaire standardisé au niveau national. Ce formulaire doit aussi servir à la rédaction d’un rapport d’évaluation visant à déterminer les motivations et les effets des contrôles d’identité effectués.

Mesures institutionnelles supplémentaires

  • La problématique du «délit de faciès» doit être explicitement incluse dans le matériel didactique de la formation policière de base.
  • Au niveau de la formation continue, la problématique du «délit de faciès» doit être traitée à l’aide d’exemples concrets.
  • S’appuyant sur l’exemple de la ville de Lausanne (voir notre article: «Évolution positive dans certains cantons»), les différents corps de police devraient adopter des mesures organisationnelles visant à promouvoir le dialogue et la réflexion au sein de l’institution et à influencer positivement la culture policière.
  • La confiance entre la police et les minorités doit être renforcée par le dialogue ainsi que par des mesures de confiance (Community Policing).
  • Tous les cantons devraient mettre en place des organes de médiation chargés d’évaluer les cas de mauvaise conduite présumée de la part de la police.
  • Pour garantir un accès non discriminatoire à la justice, il convient d’appliquer le renversement de la charge de la preuve dans les affaires de discrimination (voir l’explication ci-après).
  • Les formulaires standardisés pour les contrôles d’identité doivent servir de base pour établir une statistique au niveau national.
  • Le recrutement de ressortissant-e-s étranger-e-s dans les rangs de la police doit être facilité. Le recrutement des individus de la deuxième génération (secondos et secondas) doit être particulièrement encouragé.

Renversement de la charge de la preuve

La justification du délit de faciès pose régulièrement des problèmes de procédure, car les motivations personnlles des agent-e-s de police sont très difficiles à prouver. C’est pourquoi il faut réduire le degré de la preuve à la simple vraisemblance et, de plus, renverser la charge de la preuve. Lorsque l’on peut légitimement soupçonner que le contrôle a été mené en raison de la couleur de la peau, il est donc nécessaire que les officiers/ères de police soient amené-e-s à prouver qu’ils/elles n’ont pas agi de manière discriminatoire. Cela découle de l’art. 8 al. 2 Cst. en relation avec l’obligation définie à l’art. 35 Cst. de rendre effective la protection contre la discrimination et d’assurer son efficacité. Le renversement de la charge de la preuve découle en grande partie de l’ATF 129 I 217, ainsi que de la doctrine juridique de ces dernières années.

Dans son «Étude sur l’accès à la justice en cas de discrimination», le Centre suisse de compétence pour les droits humains s’est également exprimé en faveur de l’allègement du fardeau de la preuve et du renversement de la charge de la preuve. Aussi, une étude de l’Union Européenne intitulée «Comparative study on access to justice in gender equality and anti-discrimination law» définit le renversement de la charge de la preuve comme «un acquis considérable en matière d’assistance aux victimes de discrimination [et comme] la caractéristique essentielle qui distingue les affaires de discrimination de toutes les autres». Au niveau international, la CrEDH s’est exprimée à ce sujet dans l’arrêt D.H. ainsi que dans d’autres arrêt concernant la République tchèque, en soulignant que, dans les cas de discrimination, la vraisemblance de la discrimination mène à un renversement de la charge de la preuve pour la personne concernée (voir notre article: «Le délit de faciès dans le droit international»).

Au vu de de la jurisprudence internationale et de la jurisprudence suisse de ces dernières années, il est incompréhensible que le Conseil fédéral ait affirmé, dans son rapport du mois de juin 2016 sur le postulat Naef, que l’allègement du fardeau de la preuve est irréaliste.