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D.B. et autres (2022)

07.12.2022

Requêtes nos 58817/15 et 58252/15

Violation de l’art. 8 CEDH (droit au respect de la vie privée d’un enfant né d’une gestation pour autrui)
Non-violation de l’art. 8 CEDH (droit au respect de la vie familiale du père d’intention et du père génétique)  

Dans son arrêt du 22 novembre 2022, la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) estime que la Suisse a violé l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) pour l’impossibilité générale et absolue d’obtenir la reconnaissance du lien entre l’enfant et le père d’intention (D.B.) pendant un laps de temps significatif (plus de 7 ans). Ce dernier, membre d’un couple de même sexe uni par un partenariat enregistré, ne pouvait pas être reconnu comme père de l’enfant né d’une gestation pour autrui aux États-Unis car avant 2018, l’adoption n’était ouverte qu’aux couples mariés en Suisse. Le lien entre l’enfant et le père génétique est reconnu, tandis que le lien entre l’enfant et le père d’intention ne l’est pas. L’enfant a ainsi été privé pendant 7 ans d’une reconnaissance juridique du lien de filiation avec son père d’intention. La Cour a considéré qu’il s’agit d’une ingérence disproportionnée dans le droit de l’enfant au respect de sa vie privée protégée par l’art. 8 CEDH.

La Cour a aussi admis dans le même arrêt une non-violation de l’article 8 CEDH pour ce qui concerne le droit au respect de la vie familiale du père d’intention et du père génétique. La Cour considère que l’arrêt du Tribunal fédéral attaqué, selon lequel le recours à une gestation pour autrui en Californie afin de contourner l’interdiction prévalant en Suisse constituait une fraude à la loi, n’est ni arbitraire ni déraisonnable. Les deux pères n’allèguent pas avoir ignoré que le droit suisse prohibait la gestation pour autrui et ont néanmoins poursuivi la procédure. La CrEDH estime par ailleurs que la non-reconnaissance par les autorités suisses de l’acte de naissance n’a, en pratique, pas affecté la jouissance de leur vie familiale de manière significative et que les difficultés engendrées n’ont pas dépassé les limites qu’impose le respect de l’article 8 CEDH.