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Haas contre la Suisse: il n’y a pas de droit au suicide

14.02.2012

Arrêt du 20 janvier 2011 (Requête No 31322/07)

Pas de violation de l’article 8 CEDH (le refus de l’aide au suicide ne contrevient pas au droit au respect à la vie privée et familiale). 

  • Arrêt
    Sur le site internet du Tribunal fédéral

La Suisse n’a pas l’obligation de faciliter l’accès aux prescriptions létales pour les personnes voulant mettre fin à leurs jours. La Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) a débouté le 20 janvier 2011 la plainte d’un requérant malade psychiquement. L’homme, souffrant d’un grave trouble affectif bipolaire, avait sollicité l’assistance au suicide de l’organisation «Dignitas» après plusieurs tentatives de suicide en 2004. Aucun médecin n’a toutefois accepté de lui délivrer une ordonnance pour les 15 grammes de pentobarbital sodique, substance soumise à prescription médicale.

Pas de violation de la vie privée

Le requérant s'est adressé aux autorités du canton de Zürich et de la Confédération afin d'obtenir l'autorisation de se procurer ladite substance dans une pharmacie, sans ordonnance, par l'intermédiaire de l'association Dignitas. Ses requêtes ont été refusées, ce qui a été confirmé par un arrêt du Tribunal fédéral en 2006. L’affaire a ensuite été déposée devant la CrEDH, qui est arrivée à la conclusion que la Suisse n’a pas violé le droit au respect à la vie privée et familiale (art. 8 CEDH) en refusant la remise sans ordonnance de la substance.

Selon les juges de Strasbourg, le droit au respect à la vie privée garantit notamment à un individu de décider de quelle manière et à quel moment sa vie doit prendre fin. L’exigence d’une ordonnance médicale, délivrée sur le fondement d’une expertise psychiatrique complète, est cependant une restriction légale et nécessaire pour la prescription de substances létales. La restriction d'accès au pentobarbital sodique sert la protection de la santé, la sûreté publique et la prévention d'infractions pénales. De plus, la Cour a souligné que le requérant se trouvait dans un pays dont la législation et la pratique permettent assez facilement l'assistance au suicide.

Commentaire de humanrights.ch:

La décision de la CrEDH ne devrait pas avoir de grosses répercussions sur la pratique de l’euthanasie en Suisse. Elle confirme seulement qu’il n’y a pas de droit au suicide. Selon la Constitution, l’Etat a en premier lieu le devoir de protéger la vie de ses citoyens. Ce n’est que sous certaines conditions clairement définies que ce devoir peut être exceptionnellement limité. Le droit ne protège un individu que s’il est entravé illicitement dans son projet de suicide. Cela veut dire qu’il existe un droit qui protège la libre décision des personnes capables de discernement (y compris le suicide), mais il n’y a pas de droit explicite au suicide.

Pour des organisations qui traitent le sujet de l’euthanasie depuis plusieurs années, l’arrêt de la CrEDH est une confirmation. Ainsi, la Fédération des églises protestantes de Suisse (FEPS) part depuis longtemps du principe qu’il n’y a pas un tel droit au suicide. Selon elle, un jugement du Tribunal de Boudry (NE) rendu à la fin de l’année 2010 a en revanche une plus grande importance. Il avait acquitté une ancienne médecin cantonale et accompagnatrice au suicide, qui avait exaucé de manière active la volonté suicidaire d’une personne inapte à prendre elle-même la prescription létale en raison de sa maladie incurable. Selon les juges, la médecin n’avait pas d’autre possibilité pour mettre fin aux souffrances de la malade désireuse de mourir et, d’après le droit suisse, l’aide active au suicide est légale dans des «situations critiques».

Sources