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Le cas Wilson A. – la chronique

07.03.2024

En octobre 2009, le contrôle d’identité de Wilson A. se solde par une hospitalisation. Avec l’aide de son avocat, il porte plainte la même année contre les trois fonctionnaires de police qui en sont à l’origine: il affirme avoir été victime de violences policières racistes ce jour-là. Commence alors un combat qui durera plusieurs années et qui se heurtera à une forte résistance: tentatives de classer la procédure, refus de réquisitionner des preuves, demandes de récusation et dénonciations pénales visant des personnes impliquées dans la procédure, révocation de l’avocat, acquittement des trois fonctionnaires de police, saisie de toutes les autorités judiciaires nationales compétentes, puis dépôt d’un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH). Le procès en appel de l’acquittement des trois fonctionnaires de police décidé par le tribunal d’arrondissement de Zurich, faisant suite au recours introduit par Wilson A., a eu lieu le 15 février 2024 devant la première chambre pénale du tribunal cantonal de Zurich. La procédure ne concerne plus que l’un des trois fonctionnaires de police, les poursuites à l’encontre des deux autres ayant été abandonnées.

source de l’image: Ennio Leanza, Keystone

1. Faits (19.10.2009)

Le 19 octobre 2009, au milieu de la nuit, Wilson A. et son ami B. rentrent chez eux en tram après un repas dans un restaurant en ville de Zurich. À l’un des arrêts, deux fonctionnaires de police montent dans le wagon, se dirigent directement vers les deux hommes et leur annoncent un contrôle d’identité, qui implique de descendre au prochain arrêt. Wilson A. et son ami n’obtiennent aucune réponse quand ils demandent pourquoi ils sont les seuls à faire l’objet d’un contrôle parmi toutes les personnes présentes dans le tram.

En lieu et place d’une explication, un·e des policier·ère·s attrape Wilson A. par le bras, qui avertit alors les fonctionnaires qu’il vient de subir une opération du cœur et ne devrait donc pas être touché. Wilson A. et B. acceptent à ce moment-là de descendre au prochain arrêt et de se faire contrôler.

À l’arrêt suivant, un troisième policier les attend. Lorsque Wilson A. descend du tram, l’agente de police l’asperge de spray au poivre dans les yeux, tandis que son collègue le pousse en avant, lui décoche un coup de poing dans l’abdomen et lui assène un coup de genou au niveau de la poitrine, où se trouve le défibrillateur implanté lors de la récente opération que Wilson A. venait de mentionner. Les trois fonctionnaires enchaînent ensuite les coups de matraque, jusqu’à ce que Wilson A. se retrouve au sol. Complètement terrorisé, Wilson A. tente de se redresser et de se soustraire aux fonctionnaires en criant. En récompense, il reçoit à nouveau un jet de spray au poivre dans le visage et est injurié: «Sale Africain, rentre en Afrique!». S’ensuivent de nouveaux coups de genoux, au niveau de l’abdomen et de la poitrine, l’un des policiers enfonçant même son pouce dans l’œil gauche de Wilson A. À peine terminé, un autre agent lui inflige une clé d’étranglement par-derrière; il s’écroule au sol, à moitié inconscient, et tente de protéger sa poitrine avec ses mains. Celles-ci seront alors violemment placées dans son dos, afin de lui passer les menottes.

À quelques mètres de là, B. est menotté et en incapacité de voir la scène. Paniqué à l’idée que le cœur affaibli de son ami soit endommagé, il crie à plusieurs reprises en anglais «Wilson, they will kill you!». La policière qui lui bloque la vue l’oblige à se taire par des coups de matraque. Lorsqu’arrivent les renforts, Wilson A. ainsi que B. sont emmenés au poste de police.

2. Conséquences directes

Wilson A. souffre de contusions au cou, à la nuque et à la mâchoire, d’une fracture au niveau de la deuxième vertèbre lombaire, d’une élongation du muscle ischio-jambier, d’une déchirure du ménisque (qui nécessitera une opération), d’écorchures et de contusions sur les genoux (sur les rotules) et sur les poignets, d’une inflammation des yeux causées par le spray au poivre, d’une hémorragie sous-conjonctivale à l’œil gauche, de tuméfactions et de douleurs au niveau du bas-ventre, des reins, de la colonne vertébrale, des deux flancs, de l’arrière du péritoine postérieur et en dessous du diaphragme, de graves tuméfactions et hématomes au niveau du sternum et du défibrillateur. Rapport médical à l’appui, les coups, l’étranglement et l’emploi de spray au poivre auraient pu lui être fatals en raison de sa fragilité cardiaque.

Les photos des blessures des agent·e·s sont la preuve de leur propre violence: l’un des policier s’en sort avec une griffure à peine visible sur le bras gauche (avec lequel il a étranglé Wilson A.) ainsi qu’une légère écorchure sur le genou droit, l’autre fonctionnaire avec quelques petites écorchures sur les deux genoux.

Les fonctionnaires de police déposent la nuit même une dénonciation pénale à l’encontre de Wilson A. et de B. pour violence et menace contre des fonctionnaires. Leurs rapports de police, rédigés au poste, font en outre état d’une raison nouvelle pour justifier le contrôle: au vu de sa ressemblance avec un suspect figurant sur un avis de recherche, ils·elle ont cru que Wilson A. pouvait être la personne suspecte. Cette version peut toutefois être remise en question: ledit avis de recherche, qui sera ajouté plus tard au dossier, ne prouve pas de véritable ressemblance entre le suspect et Wilson A. De plus, les policier·ère·s n’ont pas pu démontrer qu’ils et elle avaient eu connaissance de l’avis de recherche avant de procéder au contrôle d’identité.

3. Dépôt de la première plainte (23.12.2009)

Me Bruno Steiner porte plainte au nom de Wilson A. pour abus d’autorité, lésions corporelles, mise en danger de la vie d’autrui et omission de prêter secours. 

4. Le tribunal cantonal ordonne l’ouverture d’une procédure pénale (23.02.2010)

La division «affaires spéciales» du ministère public zurichois est en charge du dossier – comme souvent lorsqu’une procédure concerne des membres des forces de l’ordre. Elle a pour mission de livrer au tribunal tous les éléments essentiels pour établir la responsabilité et, le cas échéant, de prononcer une peine. Quatre mois après les faits, le tribunal cantonal de Zurich demande à la procureure d’ouvrir une instruction contre les trois fonctionnaires de police et de conduire la procédure préliminaire. Dans le cadre de la plainte déposée par Wilson A. et Me Steiner, les chefs d’accusation suivants doivent être examinés: tentative de lésions corporelles graves et mise en danger de la vie d’autrui, abus d’autorité et violation de l’interdiction de la discrimination (profilage raciste lors de contrôle d’identité), dénonciation calomnieuse (dénonciation pénale contre Wilson A. pour violence et menace).

5. Les agent·e·s de police sont auditionné·e·s (mai 2010)

Les fonctionnaires de police sont interrogé·e·s en mai 2010, soit huit mois après les faits. Wilson A. et Me Steiner ne sont pas prévenus et ne peuvent donc pas faire valoir leur droit de participer à la procédure, ce qui n’est pas conforme au droit procédurier. Wilson A. et B. sont auditionnés postérieurement aux trois policier·ère·s, treize mois après les faits.

6. Première tentative de classement de l’affaire (06.12.2010)

Près de quatorze mois après les faits, la procureure tente une première fois de classer la procédure contre les trois agent·e·s, qui seront automatiquement acquitté·e·s et ne devront pas se présenter devant un tribunal, en violation de deux dispositions légales: elle n’informe ni Wilson A. ni son avocat de son intention de classer l’affaire et ne fixe aucun délai pour soumettre des demandes de preuves.

7. Un recours contre la tentative de classement est déposé (11.01.2011)

Le 11 janvier 2011, Wilson A. attaque la tentative de classement de la procédure et fustige le non-respect de son droit fondamental de participer à la procédure.

8. Le recours est admis (12.04.2011)

En avril 2011, le tribunal cantonal de Zurich juge le recours recevable. La procureure ne poursuit toutefois pas la procédure et se contente de garantir à Wilson A. et à son avocat leur droit de poser des questions au moyen de trois auditions individuelles. Lors de celles-ci, qui ont lieu entre fin septembre et début décembre, les trois fonctionnaires de police refusent de répondre aux questions qui leur sont posées.

9. Deuxième tentative de classement de l’affaire (13.12.2011)

Non seulement la procureure ne prend aucune mesure après le refus affichés par les agent·e·s de répondre aux questions, mais elle ordonne également un nouveau classement de la procédure, le 13 décembre 2011. Elle fixe néanmoins un délai pour présenter des preuves. Me Steiner exige alors, entre autres, une expertise médico-légale, l’audition de nouveaux témoins ainsi que l’audition du médecin traitant et de la médecin de famille.

10. Les demandes de preuves sont rejetées (06.02.2012)

La procureure rejette l’ensemble des réquisitions de preuve, sans justification claire et détaillée.

11. Troisième tentative de classement de l’affaire (08.02.2012)

Deux jours après avoir rejeté les demandes de preuves, la procureure ordonne une nouvelle fois le classement de la procédure à l’encontre des trois fonctionnaires de police. Wilson A. et Me Steiner se saisissent, une fois encore, des voies de recours.

12. Non-obtention de l’assistance judiciaire gratuite (15.05.2012)

Alors que le recours est en cours d’examen, Wilson A., soutenu par son avocat, doit se présenter devant le Tribunal fédéral pour obtenir une assistance judiciaire gratuite. Le tribunal cantonal de Zurich avait en effet rejeté cette demande le 15 mai 2012, au motif que Wilson A. n’avait pas besoin d’assistance puisqu’il était en mesure de formuler ses requêtes pour indemnisation et réparation du tort moral lui-même. Le tribunal cantonal considérait par ailleurs que la procureure avait mené l’instruction de manière professionnelle et consciencieuse. Le recours de Wilson A. est déposé devant le Tribunal fédéral le 12 juin 2012.

13.L’assistance juridique gratuite est octroyée (12.10.2012)

Le recours de Wilson A. et de Me Steiner visant l’obtention de l’assistance juridique gratuite est accepté par le Tribunal fédéral le 12 octobre 2012.

14. Le recours contre l’ordonnance de classement est rejeté (05.06.2013)

Le 5 juin 2013, le tribunal cantonal déboute Wilson A. et son avocat, rejetant leur recours contre la troisième tentative de classement de la procédure visant les trois fonctionnaires de police. Les plaignants déposent alors en août un nouveau recours devant le Tribunal fédéral.

15. L’ordonnance de classement est annulée (24.06.2014)

Une année plus tard, le Tribunal fédéral conclut que Wilson A. doit avoir la possibilité de porter plainte. L’ordonnance de classement qui avait été confirmée en appel est donc annulée. Les juges estiment que la plainte devrait même contenir un chef d’accusation supplémentaire, à savoir la mise en danger de la vie d’autrui.

16. Demande de récusation auprès de la chambre des recours pénale (29.08.2014)

Après le dépôt d’une plainte, le rôle du ministère public est de présenter l’accusation devant les tribunaux. Or, en raison du comportement de la procureure tout au long de la procédure, Wilson A. et son avocat doutent de sa capacité à mener la procédure d’instruction relative à l’accusation des trois fonctionnaires de police. Ils demandent alors à la procureure de se récuser de son propre chef, requête qui restera lettre morte. Le 29 août 2014, Me Steiner introduit donc une demande de récusation de la procureure devant la chambre des recours pénale.

17. Le tribunal cantonal rejette la demande de récusation (29.10.2014)

Le tribunal cantonal rejette la demande de récusation, deux mois jour pour jour après son dépôt, au motif du non-respect du délai. Me Steiner ne se laisse pas décourager et présente sa requête devant le Tribunal fédéral.

18. Le Tribunal fédéral confirme le rejet de la demande de récusation (12.05.2015)

Le Tribunal fédéral déboute Me Steiner et exprime sa confiance quant au bon déroulement de la procédure et à la clôture rapide de l’instruction par la procureure.

19. Un recours est introduit devant la CrEDH (09.12.2015)

En parallèle de la procédure lancée en Suisse, Wilson A. fait recours devant la Cour européenne des droits de l’homme contre l’arrêt du Tribunal fédéral rendu le 12 mai. La Cour doit s’assurer que son droit à un procès équitable, indépendant et impartial a été respecté (art. 6 CEDH), et doit déterminer le degré de partialité supposée à partir duquel un organe d’instruction devrait se récuser – ici, le ministère public du canton de Zurich, en raison de sa proximité avec la police dans ses activités.

20. L’affaire est enfin portée devant un tribunal (05.02.2016)

En février de l’année suivante – près de six ans et demi après les faits –, la procureure demande enfin à un tribunal de juger l’affaire. Elle requiert une peine pécuniaire de 100 jours-amende avec sursis pour abus d’autorité non spécifié et lésions corporelles simples. Contre la décision du Tribunal fédéral, elle ne retient ni les accusations de profilage raciste, ni celles d’usage excessif de la force et de mise en danger de la vie d’autrui. La prescription d’une action pénale pour lésions corporelles simples est de sept ans à compter de la commission des faits; la procureure était donc consciente que même si le juge constatait que les fonctionnaires de police étaient coupables de lésions corporelles simples, l’infraction serait d’ores et déjà prescrite.

21. Le recours devant la CrEDH est jugé irrecevable (26.05.2016-02.06.2016)

La CrEDH juge irrecevable le recours qui lui avait été soumis près de six mois plus tôt, au motif que les conditions présentées aux articles 34 (requêtes individuelles) et 35 (conditions de recevabilité) de la CEDH ne sont pas remplies.

22. Audience à juge unique devant le tribunal d’arrondissement (21.11.2016)

Tenue par un juge unique, l’audience au tribunal d’arrondissement de Zurich a lieu le 21 novembre 2016, sans toutefois que l’accusation soit soutenue par la procureure, qui reste en retrait. Le juge décide de suspendre le procès après la première phase d’interrogatoires, arguant que la mise en danger de la vie d’autrui était plausible au vu du rapport médical établi après les faits. Il ajoute que ce cas doit faire l’objet d’un jugement complet et détaillé au nom de l’intérêt collectif, puisqu’on trouve des agent·e·s de police sur le banc des accusé·e·x·s et que la victime est une personne Noire. Selon lui, il en va de la crédibilité de la justice et de la garantie du droit à un procès équitable. Il renvoie l’acte d’accusation à la procureure en lui ordonnant de le compléter avec le chef d’accusation de mise en danger de la vie d’autrui.

23. Un chef d’accusation est ajouté à l’acte d’accusation (29.11.2016)

La procureure s’exécute et rédige un nouvel acte d’accusation, une semaine après l’audience devant le tribunal d’arrondissement. Elle renonce toutefois toujours aux demandes d’éléments de preuve, ne remet pas en cause le caractère licite du contrôle et requiert de nouveau une peine de 100 jours-amende.Le juge d’arrondissement ne partage pas cet avis. En tant que juge unique, les peines privatives de liberté qu’il peut prononcer sont limitées à un an. Or, la peine maximale pour mise en danger de la vie d’autrui s’élève à cinq ans. Le juge se déclare incompétent et renvoie l’affaire devant un tribunal collégial.

24. La date des débats est fixée (20.01.2017)

Le procès est fixé au 13 juin 2017 (avec un jour supplémentaire le 17 juin). Les chefs d’accusation portés devant le tribunal sont l’abus d’autorité et les lésions corporelles, l’accusation pour mise en danger de la vie d’autrui n’étant de nouveau pas retenue.

25. Deuxième demande de récusation (27.01.2017)

La confiance de Wilson A. et Me Steiner en la procureure est fragilisée; ils craignent que la plainte se solde par un acquittement sous l’œil bienveillant de la procureure, dont le comportement récent est loin d’apaiser leurs doutes. Ils déposent donc une deuxième demande de récusation pour partialité. La procureure refuse une deuxième fois de se retirer et transmet la requête au juge en charge de la procédure au sein du tribunal collégial, et non à la chambre des recours pénale, qui est pourtant la juridiction compétente. Aucune prise de position n’est rédigée par la procureure à la suite de la demande de récusation, l’argument invoqué étant que cette dernière ne contenait aucun motif de récusation (art. 56 CPP).

26. Me Steiner envoie sa note d’honoraires (08.02.2017)

À la Saint-Sylvestre, Me Steiner détaille ses honoraires à l’assistance judiciaire afin d’obtenir une avance de frais pour tout le travail effectué depuis le début de la procédure. Bien que l’affaire soit en cours depuis près de huit ans, l’avocat n’a reçu qu’un seul acompte, dont le montant ne permettrait en aucun cas de couvrir l’ensemble des coûts, selon Me Steiner. Le tribunal d’arrondissement de Zurich verse à l’avocat une avance, qui ne correspond pas tout à fait à sa note d’honoraires: la différence s’élève à une modeste somme de cinq chiffres.

27. Demande d’une expertise médicale comme moyen de preuve supplémentaire (16.02.2017)

À la suite du prolongement du délai imparti pour présenter la demande de preuves, Me Steiner requiert, avant échéance, l’audition d’un·e expert·e·x médical·e·x ainsi que la publication de son rapport afin de pouvoir verser une nouvelle preuve au dossier en vue des débats. Les quatre questions suivantes doivent être posées lors de l’audition: quelles conséquences des coups assénés sur un défibrillateur –de manière similaire à ceux infligés à Wilson A. en 2009 –peuvent-ils entraîner? Quel degré de dangerosité – ou de létalité – un tel acte revêt-il? Quelles conséquences la combinaison d’un traitement à base d’anticoagulants (tel que celui prescrit à Wilson A.) et d’hémorragies internes aurait-elle pu entraîner? Quels dangers, notamment pour sa vie, Wilson A. encourait-il ou aurait-il pu encourir lorsqu’il a été étranglé?

28. La demande de preuves visant une expertise médicale est rejetée (16.03.2017)

La demande d’administrer des preuves impliquant l’audition d’un·e expert·e·x médical·e·x est rejetée un mois après avoir été présentée, au motif que cette personne pourrait seulement livrer des considérations d’ordre général; si elle est compétente pour énumérer les conséquences possibles des coups, elle ne peut évaluer la probabilité qu’elles se réalisent. Une telle audition ne permettrait pas la collecte d’éléments nouveaux selon le tribunal, qui précise toutefois que la réquisition de preuve pourra être renouvelée lors du procès.

29. La deuxième demande de récusation est rejetée (17.05.2017)

Le juge chargé de la procédure devant le tribunal d’arrondissement rejette en mai 2017 la seconde demande de récusation à l’encontre de la procureure. Il avance que l’idée défendue selon laquelle la procureure plaiderait en faveur de l’acquittement des trois fonctionnaires de police lors de l’audience de jugement n’est qu’une hypothèse et ne constitue pas un motif de récusation. Il considère que la question de la partialité pourra être débattue pendant le procès.

30. Les allégations de partialité à l’encontre du juge d’arrondissement sont rejetées (16.08.2017)

Le juge en charge de la procédure rejette toutes les nouvelles demandes de preuves présentées par Me Steiner au motif qu’elles n’apporteraient aucun élément nouveau. Les plaignants déposent alors une accusation de partialité à l’encontre du juge devant le tribunal cantonal, qui les déboute le 16 août 2017.

31. Procès en première instance (16-17.04.2018)

Le procès en première instance débute huit ans et demi après les faits. Au lieu de soutenir l’accusation, comme le requiert sa fonction, la procureure prend le parti de la défense et plaide en faveur d’un acquittement total des trois prévenu·e·s. Le tribunal rejette toutes les demandes de preuves sans pour autant en avancer le motif et ne prête aucune attention aux lacunes et aux négligences qui ont émaillé toute la procédure préliminaire. De plus, tant les déclarations des fonctionnaires de police que celles des plaignants ne font l’objet d’aucun examen permettant d’établir leur crédibilité, leur exhaustivité et leur caractère réaliste. Le procès se solde par l’acquittement total des trois fonctionnaires de police.

32. Publication d’un communiqué de presse (18.04.2018)

Contrairement à l’usage, le tribunal d’arrondissement publie un communiqué de presse le jour suivant, précisant que le jour des faits, Wilson A. avait eu un comportement agressif, refusait de se soumettre au contrôle d’identité, et n’avait pas averti les forces de l’ordre de son état de santé, mais aussi que tout le monde avait été blessé, Wilson A. comme les agent·e·s de police. Le tribunal accorde ainsi peu de crédibilité aux déclarations de Wilson A., privilégiant celles des fonctionnaires de police.

33. Motivation de la décision et appel (01.10.2018)

La motivation de la décision n’est envoyée que cinq mois et demi après le procès. En règle générale, la motivation de la décision devrait être accessible dans les trois mois. Me Steiner fait appel de la décision.34. Me Walder reprend l’affaire (23.10.2018)Pour des raisons de santé, Me Steiner ne peut continuer de porter l’affaire devant les tribunaux. Aussi Me Walder reprend-il le flambeau pour le jugement en deuxième instance. Me Steiner l’assiste pro bono en tant que conseiller et second avocat. La décision du tribunal cantonal du 29 octobre octroie à Wilson A. l’assistance juridique gratuite garantie par Me Walder pour défendre son cas. Me Steiner reste impliqué dans la procédure en tant qu’avocat privé.

35. Convocation pour le procès en appel (28.08.2019)

Les prévenu·e·s et les plaignants reçoivent en août de l’année suivante une citation à comparaître à l’audience d’appel, fixée au 2 décembre 2019.

36. L’appel contre deux des fonctionnaires de police est retiré (11.11.2019)

En novembre 2019, Me Walder opère un changement tactique: dorénavant, l’appel se concentre uniquement sur le chef de l’équipe parmi les trois fonctionnaires de police, qui doit endosser la responsabilité des actions de ses collègues. Ce policier est par ailleurs l’auteur de l’étranglement subi par Wilson A., mettant la vie de celui-ci en danger. Ce changement permet à l’accusation de demander l’audition des deux autres fonctionnaires de police en tant que témoins. Dans le cadre de ce dispositif, les deux agent·e·s n’ont ni le droit de se taire ni celui de mentir.

37. La demande d’audition des deux fonctionnaires acquitté·e·s est rejetée (21.11.2019)

L’audition des deux agent·e·s de police subalternes devant le tribunal cantonal est refusée au motif que l’état des moyens de preuve est clair et qu’un interrogatoire n’apporterait aucun élément nouveau. De plus, le classement de la plainte contre les deux fonctionnaires adviendra seulement lors de l’audience d’appel; les deux agent·e·s sont encore sous le coup de la procédure et ne peuvent donc pas être contraint·e·s à dire la vérité sur les faits.

38. Demande de récusation à l’encontre du président de la procédure au tribunal cantonal (25.11.2019)

Quatre jours après le rejet de la demande d’audition, Me Walder dépose une demande de récusation à l’encontre du juge chargé du dossier au tribunal cantonal. Selon l’accusation, il ne fait aucun doute que le juge est partial et biaisé. Les deux fonctionnaires de police acquitté·e·s, encore officiellement inclus·e·s dans la procédure, continuent d’être informé·e·s et ont toujours accès aux nouveaux documents produits. Pour Me Walder, le fait que le juge ait répondu par la négative à la demande d’audition des deux fonctionnaires constitue une violation du secret de fonction.

39. Rejet de la demande de récusation à l’encontre du juge en charge de la procédure (03.03.2020)

Trois mois plus tard, une autre chambre du tribunal cantonal refuse la demande de récusation du juge déposée par l’avocat de Wilson A. au motif qu’il n’existe absolument aucune raison démontrant sa partialité. La décision indique que le rejet de l’ensemble des demandes de preuves et la décision de ne pas exclure de la procédure les deux fonctionnaires de police subalternes sont conformes au droit.

40. Questions à l’intention du juge (14.04.2021)

En vue du procès en appel reporté en novembre 2021, Me Steiner formule deux questions auprès du juge chargé de la procédure au tribunal cantonal concernant une éventuelle limite du temps de parole et la possibilité d’auditionner les deux fonctionnaires de police acquitté·e·s. Le juge laisse les deux questions sans réponse et ordonne aux avocats de décider lequel d’entre eux représentera Wilson A. (Me Walder est commis d’office, tandis que Me Steiner s’est retiré pour des raisons de santé et intervient pro bono), ce qui constitue une atteinte au droit de toute personne d’être représentée par plusieurs avocat·e·x·s.

41. Clarifications concernant l’avocat d’office (01.06.2021)

Me Steiner réexplique la situation devant le juge siégeant au tribunal cantonal, présentant son incapacité à poursuivre seul la défense de Wilson A. en raison de sa santé (chimiothérapie et perte auditive). Il précise que Me Walder est donc bien l’avocat d’office, que lui-même le soutient pro bono et se chargera d’une partie du plaidoyer lors du procès. Me Walder confirme l’intégralité des propos de son confrère.

42. Révocation de Me Walder sur décision du juge (13.07.2021)

Un mois et demi plus tard, le juge ordonne la révocation de Me Walder et désigne Me Steiner comme avocat d’office, chargé de représenter Wilson A. En vertu de son devoir de diligence et par respect pour son client, Me Steiner se voit contraint de renoncer à son mandat, laissant Wilson A. sans aucunereprésentation juridique.

43. Décision concernant la représentation de Wilson A. (03.09.2021)

Le président au tribunal cantonal ordonne à Wilson A. de désigner son nouvel avocat commis d’office dans un délai inextensible de cinq jours – dont un week-end. Passé ce délai, le président conviendrait que Wilson A. renonce à l’assistance judiciaire gratuite. Bien que Wilson A. confirme sa volonté de voir Me Walder être son avocat d’office et Me Steiner soutenir pro bono ce dernier, le président réitère son injonction le 14 et le 28 septembre.

44. Le président du tribunal décide que l’assistance judiciaire ne sera pas octroyée (19.10.2021)

Après plus d’un mois d’échange de courriers, le juge décide la suspension de l’assistance judiciaire pour Wilson A, arguant que celui-ci n’a désigné personne pour reprendre le mandat. Le juge accompagne son courrier d’une citation à comparaître pour l’audience d’appel, le 22 novembre.

45. Deuxième demande de récusation adressée au juge cantonal chargé du dossier (13.11.2021)

Les récents événements et l’attitude du juge cantonal poussent Me Steiner à lui demander de se récuser, requête qu’il justifie par l’hostilité et la partialité dont le juge a fait preuve. Pour l’avocat, ce comportement relève de l’abus d’autorité et de la contrainte. Dans le même temps, l’avocat sollicite le report de l’audience d’appel prévue quelques jours plus tard seulement.

46. La demande de récusation est rejetée (16.11.2021)

Trois jours plus tard, le juge cantonal, dont la récusation a été requise à plusieurs reprises par Me Steiner, notifie l’accusation de son refus de reporter l’audience, au motif que la requête en date du 13 novembre ne demande pas la récusation du juge en charge de l’affaire et qu’aucune raison ne justifie le report du procès en appel. Le juge déclare en outre que Me Steiner est le représentant juridique de Wilson A., allant ainsi à l’encontre de la volonté de l’avocat, qui ne se sent plus en mesure d’assumer ce rôle en raison de son état de santé. Enfin, le plaidoyer de Me Steiner est limité à deux heures.

47. Troisième demande de récusation à l’encontre du juge cantonal (17.11.2021)

Dans un courrier adressé au juge en charge du dossier, Me Steiner lui adresse une nouvelle demande de récusation, assortie d’une justification tout aussi complète que la première.

48. L’audience d’appel est annulée (22.11.2021)

Au vu des circonstances et de la persistance du juge cantonal à refuser l’annulation du procès en appel, Me Steiner joint à la demande de récusation datée du 17 novembre un certificat médical attestant de son incapacité de travail de 100% entre le 15 novembre et le 8 décembre, pour cause de chimiothérapie. Après avoir eu connaissance de ces informations extrêmement personnelles, le juge se voit enfin contraint d’annuler l’audience du 22 novembre.

49. Dénonciation pénale contre le juge cantonal (16.11.2021-28.01.2022)

Wilson A. et Me Steiner portent plainte auprès du ministère public du canton de Zurich contre le juge chargé de l’affaire pour abus d’autorité, et à titre subsidiaire pour contrainte et entrave à l’action pénale. Me Steiner représente officiellement Wilson A. pour cette procédure – mais pas pour la procédure principale –, car le parlement zurichois doit d’abord retirer au juge son immunité avant qu’une procédure pénale puisse être lancée à son encontre.

50. Recours de Me Walder concernant ses honoraires (09.12.2021)

Après avoir décidé, le 13 juillet, de démettre Me Walder de ses fonctions en tant que commis d’office de Wilson A., le tribunal cantonal exige de l’avocat qu’il justifie sa note d’honoraires par l’envoi d’un exemplaire de sa plaidoirie pour l’audience d’appel. Le délai fixé – inextensible – est de trois jours, sans quoi la rémunération serait forfaitaire. Me Walder envoie sans attendre une copie caviardée de sa plaidoirie, pour respecter le secret professionnel. Le tribunal cantonal conclut que Me Walder n’a présenté aucun document justifiant les dépenses liées à la préparation de sa plaidoirie et qu’il doit par conséquent être dédommagé par une somme fixe. La différence entre le forfait et les honoraires envoyés est un montant à cinq chiffres.Me Walder demande plusieurs prolongations du délai, toutes admises, et dépose en février de l’année suivante une demande de suspension de la procédure jusqu’à ce qu’une décision soit prise concernant la récusation du juge cantonal ayant pris la décision relative à la rémunération de l’avocat. La requête est acceptée.

51. La demande de récusation du juge est rejetée (15.06.2022)

Sept mois plus tard, la deuxième chambre pénale du tribunal cantonal rejette l’accusation pour partialité du juge cantonal qu’avait déposée Me Steiner au nom de son client, au motif qu’aucun indice ne permet de conclure à la partialité du juge, et que tout porte à croire qu’il est en pleine capacité de juger de manière indépendante et neutre l’affaire en appel. Les coûts de la procédure sont à la charge de Wilson A. Me Walder porte l’affaire devant le Tribunal fédéral le 23 août 2022.

52. La procédure de recours concernant les honoraires de Me Walder est de nouveau suspendue (25.07.2022)

La décision rendue par le tribunal cantonal relative à l’accusation de partialité du juge en charge de l’affaire conduit à la reprise de la procédure de recours qui oppose Me Walder et le tribunal cantonal sur la question de la rétribution de l’avocat. Le Tribunal pénal fédéral ordonne à l’avocat de lui soumettre une copie de son recours, mais ce dernier demande une nouvelle fois la suspension de la procédure, puisqu’il veut d’abord se pourvoir devant le Tribunal fédéral. Sa requête est acceptée.

53. Le Grand Conseil zurichois rend sa décision sur la levée de l’immunité du juge (05.10.2022)

Le Grand Conseil zurichois refuse de lever l’immunité du juge en charge de la procédure, aucun des faits relatés dans la plainte pénale ne permettant de conclure que le juge avait une intention de nuire qui soit punissable. Selon les parlementaires, le plaignant pouvait contester les décisions en matière formelle et demander l’examen de leur conformité au droit tout au long de la procédure. De plus, une grande partie des questions liées à une éventuelle partialité du juge ont déjà été examinées et déclarées infondées lors d’une demande de récusation qui remonte à près de trois ans. Dans de telles circonstances, le Grand Conseil considère qu’il est étonnant que le ministère public continue de formuler des doutes à l’égard du juge; aucune enquête pénale n’est donc ouverte contre ce dernier. La décision est rendue le 5 octobre 2022 et les frais de procédure sont à la charge de Wilson A.

54. Décès de Me Steiner (13.03.2023)

Me Bruno Steiner décède en mars de l’année suivante.

55. Le Tribunal fédéral rend un arrêt relatif à la procédure à l’encontre du juge cantonal (26.06.2023)

Le Tribunal fédéral rejette le recours attaquant la décision du tribunal cantonal concernant la récusation du juge cantonal dix mois après son dépôt, et impute les coûts de la procédure au recourant. Les juges de Monrepos considèrent que l’examen objectif de l’ensemble des allégations de la partie plaignante ne fournit aucun indice permettant de conclure à l’existence de la partialité du juge en charge de l’affaire, et que rien ne permet d’établir une hostilité du juge à l’égard de Wilson A. ou de son avocat. La décision est notifiée le 24 août 2023.

56. Une décision concernant l’assistance judiciaire de Wilson A. est rendue (29.08.2023)

À peine la décision du Tribunal fédéral a-t-elle été communiquée que le juge cantonal ordonne à Wilson A., par voie de courrier, d’indiquer s’il désire à nouveau une assistance judiciaire, et le cas échéant de désigner un·e avocat·e·x pour le représenter, dans un délai de dix jours. Le juge précise que Wilson A. ne peut désigner qu’une seule personne, sans quoi cela signifie renoncer à l’assistance judiciaire. En outre, le juge signale que lors du procès en appel, le temps de parole de l’accusation sera limité à deux heures.

57. Me Walder est désigné avocat d’office de Wilson A. (12.09.2023)

Le 12 septembre, le juge cantonal désigne Me Walder comme commis d’office auprès de Wilson A., un jour après que l’avocat lui a signifié par courrier que son client souhaitait qu’il le représente.

58. Le Tribunal pénal fédéral rend sa décision concernant les honoraires de Me Walder (26.10.2023)

Puisque Me Walder est à nouveau commis d’office de Wilson A., la procédure pendante devant le Tribunal fédéral au sujet des honoraires de l’avocat se retrouve privée d’objet. En effet, la rémunération de l’avocat fera l’objet d’un nouvel examen portant sur l’ensemble de la durée où il aura été commis d’office de Wilson A. Le Tribunal pénal fédéral est du même avis que Me Walder et classe le recours. Aucun émolument judiciaire n’est demandé.

59. Convocation pour le procès en appel (31.10.2023)

La représentation juridique de Wilson A. étant réglée, le tribunal cantonal fixe finalement la date de l’audience d’appel concernant l’acquittement des trois fonctionnaires de police prononcé par le tribunal d’arrondissement de Zurich le 17 avril 2018. Le procès se tiendra le 15 février 2014, devant la première chambre pénale d’appel du tribunal cantonal de Zurich.

60. Le tribunal cantonal de Zurich confirme l’acquittement du policier responsable (15.02.2024)

Le 15 février 2024, lors de l'audience d'appel, les juges de la première chambre pénale du tribunal cantonal de Zurich concluent en acquittant le chef de groupe et en lui octroyant un montant de 5000 CHF de réparation morale. Le juge considère que Me Walder a totalement écarté des éléments du dossier, notamment qu’il n'y aurait pas eu de profilage raciste lorsque les fonctionnaires de police ont décidé de contrôler Wilson A. et son compagnon B.; les forces de l’ordre recherchaient une personne Noire cette nuit-là, aussi ont-elles contrôlé une personne Noire – Wilson A. Le juge estime par ailleurs que c’est le comportement de ce dernier qui aurait fait dégénérer la situation. Enfin, le juge ne constate aucune trace d’«étranglement» qui aurait duré dix minutes, comme l'a décrit Me Walder. Wilson A. et son avocat avaient déjà annoncé avant l'audience qu'en cas d'acquittement, ils déposeraient un recours devant le Tribunal fédéral.Dans notre podcast «Artikel Sieben», le cinquième épisode aborde le thème du profilage raciste en lien avec le cas de Wilson A.

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Gina Vega
Responsable de l'antenne discrimination & racisme

gina.vega@humanrights.ch
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