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Imprescribilité lors de délits sexuels envers les enfants

01.01.2013

Les crimes sexuels à l'encontre d'enfants âgés de moins de douze ans sont désormais imprescriptibles. Le Conseil fédéral a modifié le 1er janvier 2013 le code pénal, le code pénal militaire et le droit pénal des mineurs et a ainsi concrétisé les dispositions de l'article 123b de la Constitution fédérale, adopté par le peuple lors de la votation du 30 novembre 2008 sur l'imprescriptibilité.

Adoptée à 51.9% en 2008, l'initiative demandait la création d’un nouvel article constitutionnel (123 b) stipulant «l’imprescriptibilité de l’action pénale et de la peine pour les auteurs d’actes d’ordre sexuel ou pornographique sur des enfants impubères». Il était alors revenu au Conseil fédéral de proposer un projet permettant l’application de cet article jugé problématique par nombre de juristes et membres de la classe politique. Le Parlement s'était exprimé favorablement sur le message du CF lors de sa session d'été 2012.

Les conditions de l’imprescriptibilité

Suivant le projet du CF, il a été décidé que l’imprescriptibilité serait effective pour les crimes sexuels commis sur les enfants de moins de 12 ans. D’abord fixé à 10 ans, cet âge plafond avait été revu à la hausse après avoir été critiqué dans le cadre de la consultation. Plusieurs représentants du corps médical avait fait valoir que, souvent, les pédophiles étaient attirés par des enfants entre cinq et six ans et entre onze et douze ans.

Les chambres fédérales ont également suivi le CF concernant la rétroactivité. Ainsi, la nouvelle règle s'appliquera non seulement aux cas survenus à partir du jour du scrutin, mais également à toutes les infractions qui n'étaient pas prescrites le 30 novembre 2008, jour où elle a été acceptée par le peuple. Il a par contre été plus loin sur la définition de ce que doit recouvrir la notion «d’actes d’ordre sexuel ou pornographique sur des enfants impubères». Elle concernera donc non seulement les actes d'ordre sexuel avec des enfants, contrainte sexuelle, viol, ainsi que les actes commis sur des personnes incapables de discernement ou de résistance s'ils sont commis sur des moins de 12 ans. Mais aussi les actes d'ordre sexuel avec des personnes hospitalisées, détenues ou prévenues et l'abus de la détresse, toujours sur les moins de 12 ans.

Enfin, l’imprescriptibilité ne sera valable que pour les personnes majeures. Conformément à ce qu’avait également demandé plusieurs organisations de défense des droits de l’enfant, le National n’a pas suivi l’UDC et une partie du PDC dans leur idée de l’appliquer aussi aux mineurs.

Vote populaire

Le Oui du peuple à 51.9% à l’initiative de la Marche blanche avait été une surprise en novembre 2008. Jugée comme «émotionnelle», cette décision allait à l’encontre du contre-projet proposé à l’époque par le CF et validé par les Chambres fédérales lors de la session d’été 2008. D’après ce contre-projet, les victimes mineures de violences sexuelles auraient eu jusqu'à l'âge de 33 ans pour porter plainte. L’idée était que le délai de prescription de l'action pénale (de 15 ans) pour les infractions graves contre l'intégrité sexuelles des enfants de moins de 16 ans ne commence à courir qu'à partir du jour où les victimes atteignent leur majorité (soit 33 ans) et non plus qu'elle ne se termine le jour de leur 25e anniversaire.

Concepts problématiques

Le Parlement avait alors voulu faire un pas vers plus de protection des victimes, sans pour autant aller aussi loin que l’initiative de la Marche blanche. La présence dans le texte d’initiative de termes controversés, tels «puberté» ou «actes pornographiques répréhensibles» était considérée comme particulièrement problématique, comme l’avait expliqué Werner Lüginbühl (BE/UDC) au nom de la Commission des affaires juridiques.

Mais des organisations de défense des droits de l’enfant avaient également émis d’autres critiques. La Section suisse de Droits de l’enfant international (DEI) avait souligné notamment que «l’imprescriptibilité augmenterait considérablement les risques d’erreurs judiciaires et de non-lieux prononcés dans les affaires particulièrement graves, ce qui serait préjudiciable à la reconstruction des victimes qui pourraient percevoir ces décisions comme la négation de leurs souffrances». Elle rappelait également qu’il existe une présomption d’innocence sur laquelle repose toute procédure pénale.