humanrights.ch Logo Icon

Toujours pas d’égalité de fait pour les personnes handicapées

14.03.2017

En 2017, treize ans après l’introduction de la Loi fédérale sur l'élimination des inégalités frappant les personnes handicapées (LHand), les personnes concernées ne peuvent toujours pas participer pleinement et également à plusieurs domaines de la vie. Selon de récents rapports, elles restent particulièrement désavantagées sur le marché du travail et dans les domaines de la formation et du logement. La Confédération a pris connaissance de ces lacunes et présenté les points centraux de la future politique d’égalité qu’elle compte poursuivre. Celle-ci n’est cependant pas entièrement convaincante.  

Evaluation externe en 2015

En Suisse, 1.6 millions de personnes bénéficient d’une protection juridique spécifique au travers de la Loi relative aux personnes handicapées (LHand), entrée en vigueur en 2004. Une évaluation commandée par le Conseil fédéral montrait en 2015 que des progrès avaient été atteints dans les domaines où la loi édictait des directives et compétences précises.

Cependant, l’évaluation, menée par le bureau BASS et la haute école zurichoise pour les sciences appliquées (ZHAW) avait mis en lumière «le manque de possibilités d’intégration et d’égalité en faveur des personnes handicapées dans le contexte politique global». La loi n’a contribué que de manière limitée à appliquer le mandat constitutionnel visant à promouvoir l’égalité des personnes handicapées.
En outre, l’évaluation externe contenait de nombreuses propositions concrètes visant des améliorations telles qu’une meilleure accessibilité des lieux de vie, la création de centres d’accueil, et une facilitation d’accès aux outils légaux.

Focus sur le domaine du travail

A la suite de cette évaluation en 2015, le Conseil fédéral a décidé que le Département fédéral de l’intérieur (DFI) avait une année pour lister les mesures à prendre par la Confédération pour améliorer la situation à l’avenir. L’objectif est de faire progresser l’égalité des personnes handicapées en englobant notamment des aspects largement négligés jusqu’à présent. Le rapport du DFI a été validé début 2017 par le Conseil fédéral, qui en a également profité pour publier les points centraux de sa future politique en faveur des personnes handicapées.

Le rapport définit des objectifs et des mesures visant à améliorer l’égalité, la mise en réseau, le pilotage et la transparence dans la politique en faveur des personnes handicapées. Le but principal fixé est d’augmenter l’intégration professionnelle. Un programme national devrait soutenir les projets participant à éliminer la discrimination dans le monde du travail. Le Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées (BFEH) va se concentrer à l’avenir sur la réalisation et le soutien de ce type de projets ainsi que sur le partage d’informations concernant les pratiques exemplaires à adopter dans le domaine.
Grâce à des mesures additionnelles, la Confédération souhaite que l’égalité pour les personnes en situation de handicap soit un exercice transversal, touchant les différents échelons de l’Etat. Le travail collectif entre et avec les cantons doit être renforcé et la mise en réseau des différents acteurs dans le domaine du handicap amélioré. Après discussion avec les cantons et les associations, la Confédération présentera un nouveau rapport d’ici fin 2017.

Le rapport de la Confédération mentionne d’autres thèmes importants pour plus d’égalité, tels que la formation et l’autonomie. Pourtant, le Conseil fédéral ne compte pas traiter ces questions en premier plan.

Priorités de la société civile

Le rapport du Conseil fédéral fait suite à un postulat datant de 2013 et déposé par le conseiller national Christian Lohr. Celui-ci demandait à la Confédération de mener une politique du handicap cohérente. Selon les personnes concernées et les associations, il existe une nécessité d’agir car les inégalités sont encore largement répandues. L’accès au marché du travail est difficile, nombre de bâtiments et d’appartements ne sont pas complètement accessibles aux personnes à mobilité réduite et la situation financière des personnes touchées par un handicap ne leur permet souvent pas de vivre de manière réellement autonome, comme le déplore l’association faîtière Inclusion Handicap en réaction au rapport du Conseil fédéral. L’association ne se dit par ailleurs pas convaincues par les pistes proposées, qui se concentrent majoritairement sur le monde du travail. D’après elle, « une véritable politique du handicap nécessite plus d'engagement de la part du Conseil fédéral dans son ensemble ainsi que des cantons. Il faut à présent des objectifs contraignants et des mesures palpables, et ce dans tous les domaines de la vie». L’association rappelle que la convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) a été ratifiée en 2014 et que le manque d’action dans certains domaines avait déjà été relevé par l’évaluation du bureau BASS en décembre 2015.

D’ailleurs, l’association a de son côté aussi évalué l’état de la politique d’égalité en faveur des personnes handicapées en Suisse en 2016. Son rapport s’est basé sur des enquêtes auprès de juristes ainsi que d’autres spécialistes et portait les demandes collectives de personnes handicapées. Inclusion Handicap a récolté leurs opinions par le biais d’une plateforme internet. Celles-ci soulignent diverses facettes de l’égalité, notamment l’autodétermination. En se basant sur ses propres sondages et les exigences de la CDPH, l’association  demande un réel changement du système et que plus de possibilités soient développées, de façon à ce que ce ne soient à l’avenir plus les structures représentant les personnes handicapées qui soient financées, mais les personnes handicapées elles-mêmes.

Suivi des recommandations de l’ONU

La politique concernant les personnes handicapées a pris un nouvel élan depuis la ratification de la convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, il y a de cela trois ans. Dans ce contexte, le milieu des droits humains ainsi que les personnes concernées par cette convention ont investis de forts espoirs et d’ambitieux objectifs pour le futur proche. Il existe des exemples de bonnes pratiques dans certains domaines et cantons.  C’est le cas du canton de Fribourg, qui a validé cette année la création de 50 places de travail et d’hébergement supplémentaires d’ici 2018. Il s’agit de places en home ou en atelier, pour des adultes majeurs finissant leur enseignement spécialisé ainsi que de nouveaux postes pour leur encadrement.

Ailleurs en Suisse romande, l’on peut compter de nombreuses initiatives de plus ou moins grande envergure, telles que la création d’une carte numérique d’accessibilité par la ville de Payerne, la «promotion de la bientraitance» aux HUG de Genève ou la mise à disposition d’applications d’audiodescription pour les personnes sourdes et aveugles par l’association lausannoise Regards neufs.

En tant qu’Etat partie à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, la Suisse va vraisemblablement être examinée par l’ONU en 2018. L’Etat a remis son rapport initial au comité de l’ONU en 2016. Sur la base de ses sondages, l’association Inclusion Handicap va présenter un rapport alternatif rassemblant les abus et solutions mentionnés par les personnes concernées.

Sources