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La Commission contre la torture revient sur sa deuxième année d'activité

20.10.2012

La Commission nationale de prévention contre la torture (CNPT) a identifié deux problèmes majeurs dans son rapport d’activité publié en octobre 2012: la détention administrative trop restrictive des étranger-e-s et le manque de soins pour les détenu-e-s souffrant de troubles psychiques. Hormis ces deux éléments, la CNPT tire un bilan globalement positif des visites qu'elle a réalisées dans les prisons en 2011.

Un régime de détention trop stricte pour les étranger-e-s en détention administrative

La CNPT s’est rendue en 2011 dans 15 établissements pénitentiaires et deux centres d’enregistrement et de procédure (CEP) dans le domaine de l’asile. Dans la plupart des cas, la commission a constaté que «les conditions matérielles de détention étaient en règle générale bonnes et le personnel pénitentiaire très qualifié». Dans de nombreux lieux de détention, des lacunes en matières d’informations aux détenu-e-s ont cependant été observées; qu’il s’agisse de détails sur la vie du centre ou du règlement intérieur en vigueur.

Les prisons doivent déployer des efforts considérables pour appliquer des régimes de détention distincts, constate la CNPT dans son rapport, c’est-à-dire pour héberger différentes catégories de détenu-e-s dont les droits et les besoins divergent grandement. Les mineur-e-s et les femmes sont concernés, mais aussi les prisonnier-e-s en attente de jugement ou encore les étranger-e-s en détention administrative. Ces derniers sont souvent traités, dans la pratique, comme des détenus exécutant des peines ou des mesures ordinaires de longue durée. Leur liberté de mouvement est beaucoup trop restreinte. Alors que, contrairement au régime carcéral ordinaire, ces personnes en détention n’ont commis aucun acte réprimé par le droit pénal. La détention administrative vise seulement à faire appliquer la décision rendue par une autorité publique, à savoir garantir l’exécution du renvoi d’une personne sans titre de séjour valable. Les conditions de détention des étranger-e-s dans cette situation devraient donc être allégées significativement.

La CNPT préconise un accès élargi à des programmes d’occupation et à des activités sportives pour les personnes en détention administrative en application du droit des étrangers. La commission a constaté que même dans les centres spécialement prévus pour ce type de détention, comme la prison de l’aéroport de Zurich ou le centre de détention de Bässlergut, les possibilités de sorties, avec notamment la présence de grandes cours de promenade, ne sont pas du tout assurées. La Commission conseille aussi aux établissements pénitentiaires normaux de recourir à des mesures architecturales, pour permettre de séparer les différentes catégories de détenus. Elle rappelle également que les contacts sociaux avec le monde extérieur, comme le téléphone ou le courrier, doivent être garantis.

Suivi insuffisant pour les personnes souffrant de troubles psychiques

Autre problème urgent, la situation des détenus souffrant de troubles psychiques inquiète le président de la CNPT Jean-Pierre Restellini. Trop souvent le «traitement» se résume à une simple mise à l’isolement sans réel programme thérapeutique, déplore le responsable de la commission. La CNPT a déjà thématisé cette problématique dans ses rapports sur les prisons (cf. article ci-dessous publié sur humanrights.ch).

Le président ajoute dans la préface du rapport 2012: «D’autres modes de prise en charge pénale, notamment de cette population carcérale difficile constituée par des personnes souffrant de troubles psychiques existent à l’étranger. Charge à la CNPT de contribuer à proposer des alternatives au modèle suisse à travers des échanges avec ses homologues européens, les autres mécanismes nationaux de prévention de la torture.»

Retour sur le travail de la CNPT

Outre ces échanges en Europe, la CNPT a approfondi sa collaboration avec la société civile et les autorités au niveau national. La commission semble, après trois ans d’activité -elle est entrée en fonction le 1er janvier 2010-, être devenue «un organisme national indépendant, chargé du contrôle de la privation de liberté», comme l’écrit son président Jean-Pierre Restellini. Ainsi par exemple, la CNPT a accepté de prendre en charge le monitoring de l’ensemble de la procédure relative aux rapatriements aériens sous contrainte. Depuis 2011, des membres de la commission ont participé à cinq reprises à de tels renvois.

Un renouveau aura lieu prochainement par la forces des choses: en décembre 2013, l‘ensemble des membres arriveront à la fin de leur mandat. «À cette occasion il nous semble indispensable de revoir la structure même de la CNPT, dénomination comprise», estime Jean-Pierre Restellini. Il s’agirait notamment de revoir le statut de la CNPT, qui effectue de nombreuses tâches de contrôle dépassant largement celles d’une commission administrative.