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Le comité de l’ONU contre la torture fait ses recommandations à la Suisse

19.08.2015

Lors de sa 55e séance en août 2015, le comité contre la torture de l’ONU s’est penché pour la quatrième fois sur les efforts entrepris par la Suisse pour mettre en œuvre la Convention de l’ONU contre la torture et autres traitements inhumains ou dégradants. Ses observations finales ont par ailleurs peu varié par rapport à 2007 et à 2010, à l’exception d’un point: la protection des personnes intersexes et notamment des enfants.   

Recommandations majeures

Le comité contre la torture des Nations unies recommande à la Suisse d’inscrire explicitement l’interdiction de la torture et tout autre traitement inhumain ou dégradant dans son code pénal (voir notre article sur le sujet). Il recommande également la création d’une instance de recours indépendante pour les cas de violences policières ainsi que plus de respect du principe de non refoulement (principalement aussi pour les cas Dublin concernant des sans-papiers). La Suisse pourrait pour ce faire mettre en place une assistance juridique en cas de décision de renvoi. Les conditions de détention des personnes souffrant de maladies psychiques ont également été pointées du doigt et la Suisse a été appelée à mieux respecter la Convention des droits de l’enfant dans le cadre de la détention administrative et de son approche des requérant-e-s d’asile mineur-e-s non accompagné-e-s (voir notre article sur le sujet). 

Enfin, le comité se dit inquiet de voir que 70% des poursuites liées à la violence domestique sont classées sans suite et incite la Suisse à mettre en œuvre les améliorations prévues dans ce domaine. Il a aussi rappelé à la Suisse son devoir de protéger les personnes étrangères victimes de violence domestique et l’encourage à ne pas soumettre sa protection à un seuil trop élevé d’intensité de violence.

Protéger les personnes intersexes

Lors de ce quatrième examen de la Suisse, le comité s’est aussi emparé d’un nouveau cheval de bataille. Il appelle la Confédération à garantir le respect de l’intégrité physique et l’autonomie des personnes intersexes, autrement dit des personnes connaissant des variations du développement sexuel. Il a demandé à la Suisse de cesser de soumettre ces personnes à des actes médicaux ou chirurgicaux inutiles sans leur consentement. Cela concerne particulièrement les enfants, à qui l’on a tendance à attribuer chirurgicalement un sexe avant qu’ils soient en âge de s’exprimer pour donner leur avis alors même que ne réside aucune urgence médicale (voir notre article sur le sujet). Le comité a indiqué clairement qu’il revient aux autorités d’assurer un accompagnement et un conseil adéquats aux personnes concernées et à leurs parents. Elles doivent par ailleurs enquêter sur les cas de traitements médicaux ou chirurgicaux que des personnes intersexes auraient subis sans avoir donné leur consentement effectif et accorder réparation aux victimes.

Quelques améliorations

En plus de mettre le doigt sur les lacunes, le comité contre la torture a également salué certains progrès. La création de «l’avocat de la première heure» dans le nouveau code pénal en est un, tout comme la création de la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT), mise sur pied en 2010. Dans les deux cas, le comité a cependant aussi relevé quelques faiblesses. Pour le premier, il a ainsi regretté que le droit à l’avocat de la première heure ne s’applique que dès le début de «l’arrestation provisoire» et non pas dès la procédure d’appréhension. Dans certains cas connus, les personnes appréhendées n’ont pas été autorisées à contacter leurs proches, ont été privées de soutien médical et n’ont pas été informées de leurs droits dès le début de la privation de liberté. Pour la CNPT, le comité a souligné le manque de moyens financiers mis à sa disposition et a recommandé à la Suisse de se dépêcher de mettre en place une Institution nationale des droits humains. 

Participation active de la société civile

Avant les négociations, nombre d’ONG ont transmis leurs doléances au comité par le biais de rapports alternatifs. L’association humanrights.ch s’est exprimée dans une prise de position commune avec l’ACAT (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), Amnesty International, l’Association pour la prévention de la torture (apt), le Réseau suisse des droits de l’enfant et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT). La CNPT avait également transmis un rapport au comité contre la torture. 

Et maintenant?

La Suisse a désormais jusqu’au 14 août 2016 pour rédiger un rapport intermédiaire. Elle devra y informer sur les efforts qu’elle aura entrepris pour lutter contre la violence policière et en réprimer les manifestations concrètes, pour garantir le respect du principe de non-refoulement concernant les requérant-e-s d’asile mineur-e-s non-accompagné-e-s et enfin pour améliorer les conditions de détention et enquêter sur les cas de violence survenant les établissements destinés à la privation de liberté.  

La Suisse devra déposer son huitième rapport sur l’application de la Convention contre la torture auprès du comité le 14 août 2019.

Sources