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La Suisse présente de graves déficits dans la lutte contre la violence liée au genre

13.12.2022

Le premier rapport sur la mise en œuvre de la Convention d'Istanbul en Suisse a été publié le 15 novembre 2022. Les expert·e·x·s sur la lutte contre la violence du Conseil de l’Europe concluent que la Suisse ne remplit pas de nombreuses exigences de la Convention, entrée en vigueur en 2018, en ce qui concerne la violence liée au genre, la violence sexualisée et la violence domestique.

Commentaire de BRAVA (anciennement TERRE DES FEMMES Suisse)

Après presque deux ans d'enquête, le groupe d’expert·e·x·s indépendant·e·x·s du Conseil de l’Europe (GREVIO) a publié son premier rapport sur la mise en œuvre des mesures contre la violence liée au genre, sexualisée et domestique que la Suisse s'est engagée à prendre avec la Convention d'Istanbul (CI).

Les conclusions du GREVIO recoupent celles que la société civile avait communiquées dans un rapport alternatif publié en juin 2022. Il manque toujours tant de dispositions juridiques que de mesures pratiques pour garantir une véritable protection de toutes les personnes concernées, une prévention durable ainsi que des mécanismes de poursuite pénale équitables.

Définir et mesurer la violence en Suisse 

Le GREVIO critique le fait que la Suisse manque souvent d'une perspective de genre dans ses politiques et ses mesures pratiques contre les violences. La violence liée au genre doit être reconnue comme telle et nommée. Aussi, le GREVIO considère qu’il est urgent d’améliorer substantiellement la collecte systématique de données sur toutes les formes de violence selon la Convention d’Istanbul en termes de contenu, de pertinence et de précision. L'introduction d’évaluations de la pratique pénale et juridique et d'éventuelles adaptations des lois et de la pratique des autorités de poursuite pénale est à ce titre également nécessaire.

Un manque de ressources

Le GREVIO dénonce le manque de ressources financières et humaines à disposition pour lutter contre la violence à tous les niveaux. Les autorités doivent assurer durablement le financement de mesures de prévention et de lutte contre la violence ainsi que d'organisations et d'offres spécialisées dans la lutte contre la violence, mais aussi garantir un financement adéquat et stable de centres d'hébergement spécialisés disposant de suffisamment de places pour garantir une protection à toutes les personnes victimes de violence et à leurs enfants.

Le GREVIO demande d’introduire au niveau national une procédure standardisée et sensible au genre pour évaluer les risques et la gestion de la sécurité, qui soit appliquée systématiquement dans tous les cas de violence, y compris les mariages forcés, les mutilations génitales féminines et la violence sexualisée - et de supprimer les obstacles à la collaboration supracantonale.

Une protection lacunaire

La Suisse continue de discriminer et de ne pas offrir de protection suffisante à certaines personnes touchées par la violence de manière intersectionnelle, à savoir les personnes en situation de handicap, LGBTIQA+, en fuite et les aîné·e·x·s notamment. Le GREVIO appelle les autorités à réviser la Loi sur l'aide aux victimes et à rendre les offres accessibles aux migrant·e·x·s et aux réfugié·e·x·s, également en cas d'actes de violence commis à l'étranger comme le demande également Brava. Il est urgent de permettre aux personnes migrantes victimes de violence dont le statut de séjour dépend du mariage d'avoir accès à un permis de séjour indépendant, afin qu'elles ne soient pas contraintes de rester dans un mariage violent (art. 50 LEI). Le GREVIO demande également à la Suisse d’adapter son droit pénal sexuel basé sur un consentement explicite («seul un oui est un oui»). Les autorités doivent par ailleurs prendre des mesures pour que la sécurité des personnes concernées par la violence et de leurs enfants soit prise en compte et traitée en priorité lors de la fixation et de l'exercice du droit de garde et de visite.

«Le GREVIO confirme ce que nous vivons dans la pratique: que la Suisse a de grands déficits dans la lutte contre la violence et dans la protection des personnes touchées par la violence», déclare Simone Eggler du Réseau de la Convention d'Istanbul et Brava, «il faut maintenant que des fonds substantiels et durables soient enfin alloués et que toutes les personnes touchées par la violence soient réellement soutenues et protégées».

Le GREVIO confirme les demandes de la société civile et demande à la Confédération, aux cantons et aux communes de mettre en œuvre immédiatement leurs recommandations afin de garantir à tous les groupes vulnérables une protection contre la violence.