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«Thérapies de conversion», en finir avec ces pratiques d’un autre temps

18.11.2021

Contrairement aux pays voisins qui ont pour la plupart agi contre ces pratiques, les «thérapies de conversion» sont encore légales et tolérées en Suisse. Une pratique qui viole gravement les droits fondamentaux et les droits humains des personnes LGBTIQ+ et doit ainsi cesser au plus vite.

Muriel Waeger, Co-directrice de l’Organisation Suisse des Lesbiennes et directrice romande de Pink Cross

Le terme «thérapie de conversion» désigne des pratiques de natures très diverses se fondant toutes sur la croyance selon laquelle l’orientation sexuelle et l’identité de genre d’une personne peuvent et doivent être modifiées. Ces pratiques visent (ou le prétendent) à transformer une personne gay, lesbienne ou bisexuelle en une personne hétérosexuelle, et une personne trans ou de genre variant en une personne cisgenre.

Les «thérapies de conversion» reposent sur le principe médical erroné que les personnes LGBTIQ+ sont malades et nécessiteraient des soins. Or ces pratiques sont profondément nuisibles et à l’origine de graves souffrances comme le rappellent des professionnel·le·s de la santé depuis des années. Selon l’Expert indépendant sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, elles peuvent être assimilées à des actes de torture: son rapport 2020 montre qu’elles provoquent des traumatismes psychologiques et physiques qui laissent de graves séquelles et violent les droits humains. Parmi les ravages que produisent ces pseudo-traitements figurent une perte considérable d’estime de soi, l’anxiété, un état dépressif, un isolement social, des problèmes relationnels, une haine de soi, de la honte, de la culpabilité, un dysfonctionnement sexuel, des idées suicidaires, des tentatives de suicide et des symptômes de trouble post-traumatique.

La France a récemment interdit ces pratiques déjà proscrites en Allemagne, en Autriche et à Malte, et de nombreux pays empruntent aujourd’hui cette voie. Alors pourquoi ne pas agir en Suisse? Au niveau national, les demandes d’interdiction ont été nombreuses et sont venues de tous bords politiques, avec une première interpellation déposée il y a plus de 5 ans. Toutes ont jusqu’à présent été refusées par le Conseil fédéral qui répond ne pas avoir connaissance de telles pratiques en Suisse, et qu’il est inutile de les interdire. Pourtant, des praticien·ne·s exercent aujourd’hui, et ces pseudo-thérapies ont même été prises en charge par la LAMal sous couvert d’autres diagnostics. Outre les nombreux cas médiatisés ces dernières années, les estimations des organisations Pink Cross & LOS (faîtières Lesbienne, bisexuelle, queer et gay de Suisse) indiquent qu’environ 14'000 personnes vivant en Suisse ont été victimes de telles méthodes traumatisantes.

L’interdiction de ces pratiques entrera pourtant bien en vigueur tôt ou tard: le canton de Genève est le premier à légiférer et sera bientôt suivi de près d’une dizaine d’autres cantons qui statueront prochainement sur une possible interdiction. La Confédération, quant à elle, toujours à la traîne, sera bien obligée de suivre à force d’être constamment relancée par une nouvelle initiative parlementaire mais aussi par la pression internationale, car la Suisse se transforme déjà en lieu de refuge pour les organisations allemandes et autrichiennes pratiquant les thérapies de conversion qui se sont vu interdire de telles pratiques dans leurs pays respectifs.

Ce n’est qu’une question de temps pour que les «thérapies de conversion» soient interdites en Suisse. Mais en attendant, ce sont surtout les jeunes, vulnérables, en période de questionnement ou de coming out, qui restent exposées au risque de ces «thérapies». Tant que le Conseil fédéral ne prendra pas cette problématique au sérieux, une partie de la communauté LGBTIQ+ continuera de subir ces pratiques contraires aux droits humains et à devoir en assumer les ravages tout au long de leur vie.