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L’accès à la justice est réservé aux riches

05.04.2018

Le droit d’accès à la justice est caractéristique essentielle de l'Etat de droit, qui garantit, à toute personne, de pouvoir recourir à une autorité judiciaire pour l’examen d’un litige la concernant. En Suisse, dans le domaine du droit privé, une large partie de la population se voit dépossédée de ce droit.

Plusieurs obstacles rendent l'accès à un tribunal civil difficile, voire impossible, pour la plupart des gens. Le risque financier lié aux frais de justice, dépens à la partie adverse, avances de frais et risques de recouvrement sont pour beaucoup prohibitifs. Plusieurs études sur ce sujet montrent que seules les personnes aisées peuvent se permettre une procédure civile. La situation actuelle demeure précaire pour les personnes dépourvues de moyens financiers et pour la classe moyenne. C'est pourtant une exigence, inscrite à la fois dans la Constitution fédérale (désignée comme «garantie de l’accès au juge», art. 29a Cst.) et dans la Convention européenne des droits de l'homme (art. 6 CEDH).

Frais de justice: grandes disparités cantonales

Nombreux sont les frais judiciaires et de procédure qui apparaissent lors d’une procédure civile et dont la partie plaignante doit assumer une part déterminée par la valeur de litige. Les taux de participation sont fixés par les réglementations tarifaires cantonales, qui varient fortement d’un canton à l’autre, comme le démontre l’exemple suivant.

Monsieur X a travaillé pendant dix ans au sein de l'entreprise Y dans le canton de Thurgovie. Suite à une violente altercation avec son employeur, M. X reçoit son congé. Les exigences salariales, dépenses et commissions comprises, s'élèvent à environ CHF 100 000. L’entreprise Y refuse le payement des prestations contractuelles, mais au contraire, elle fait elle-même valoir des prétentions à hauteur de CHF 30 000. Dans le cas présent, la valeur litigeuses s’élève à CHF 100 000 (selon art. 94 du Code de procédure civile CPC). Afin d'obtenir les créances qui lui sont dues, M. X engage une procédure de conciliation conformément à l'art. 197 CPC. La procédure de conciliation est en principe obligatoire, il ne s’agit donc pas d’une tentative d’arrangement volontaire.

M. X. a de la chance puisque son for de juridiction est la Thurgovie, qui prévoit une somme maximale de CHF 400 pour la procédure de conciliation. Pour le même cas jugé par un tribunal de Bâle-Ville, M. X. aurait dû assumer des frais allant jusqu’à CHF 30 000.

Lorsqu’aucun accord n'est trouvé au cours de la procédure de conciliation, la partie plaignante peut ouvrir une action devant un tribnual de première instance. En cas de procédure de recours, les frais judiciaires varient fortement selon les cantons. Dans le canton de Thurgovie, Monsieur X doit prévoir un montant maximal de CHF 4 000 pour une procédure de première instance. Le canton de Fribourg caracole en tête puisqu’il prévoit un plafond de CHF 500'000 pour toutes les procédures de recours (première et deuxième instance). La différence théorique de participation aux frais judiciaires peut atteindre les CHF 496'000 suivant les cantons.

Pour la procédure de deuxième instance, les variations cantonales des cadres tarifaires sont comparables. Alors que le canton de Vaud fixe un montant maximal de CHF 1'000.- pour une valeur de litige de CHF 100'000, ces frais peuvent atteindre CHF 30'000 dans le canton des Grisons. Dans le cas de Monsieur X, pour une procédure de deuxième instance dans le canton de Thurgovie, les frais s’élèvent à hauteur maximale de CHF 4'500.

La juriste Linda Weber a compilé, dans le cadre de son travail de master, les grilles tarifaires des tribunaux cantonaux établies pour l’exemple susmentionné, pour différentes valeurs de litige. Weber décrit des différences «percutantes» entre les cantons et conclut «que les coûts d'une procédure civil en Suisse donnent parfois le vertige et qu’ils privent effectivement de larges couches de la population d’un accès au tribunal et donc de l'exercice de leurs droits» (traduction libre de l’allemand).

Le paiement des dépens est discutable

S’ajoutent aux frais de procédure les dépens alloués à la partie adverse lorsque celle-ci obtient gain de cause. Ceux-ci sont réglés par l'art. 95, al. 1, let. b et al. 3 CPC et comprennent principalement les frais d'avocat-e de la partie adverse. Les différences cantonales sont moins marquées dans ce domaine. Dans la procédure de première instance, l’indemnisation pour une valeur de litige de CHF 100'000 s'élève à CHF 4'000 dans les Grisons et à CHF 23'700 dans le canton de Berne. Pour Monsieur X, dans le canton de Thurgovie, les dépens alloués à la partie adverse s’élèveraient à CHF 9'000.- (s'il succombe). Certains cantons ne tarifent pas les dépens, auquel cas le juge fixe la rémunération à sa discrétion et en fonction des honoraires soumis.

Ce qui pose problème en cas de petits montants litigieux est que, même en cas de succès, les dépens ne suffisent souvent pas à couvrir les frais d’avocat-e. Cela signifie que la partie gagnante doit elle-même supporter les coûts qui dépassent le tarif convenu.

Des avances de frais élevées

Les tribunaux peuvent en outre exiger de la partie demanderesse une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés. Là aussi, les écarts entre les cantons sont importants. Dans le cadre de son travail de master, Weber mentionne l’exemple d’un livreur de pizza à Meilen (ZH), qui pour divorcer de sa femme, devait prévoir une avance de frais de CHF 6 000. Pour un cas de divorce similaire à Winterthur, le couple n'aurait probablement pas dû assumer l’avance de frais, puisque ce tribunal d’arrondissement y renonce généralement dans les affaires relevant du droit de la famille (voir Weber, p. 67).

Voici ci-dessous les montants moyens d’avance de frais pour les cantons d'Argovie, de Berne, de Saint-Gall et de Zurich d’après l’étude de Weber (p. 22) :

  • Pour un montant litigieux de CHF 20'000: CHF 2'490 en Argovie; CHF 3'600.- à Berne ; CHF 3'150 à Zurich.
  • Pour un montant litigieux de CHF 50'000: CHF 4'290 en Argovie; CHF 6'660 à Berne; CHF 8'000 à Saint-Gall et CHF 5'550 à Zurich.
  • Pour un montant litigieux de CHF 100'000: CHF 7'700.- en Argovie; CHF 12'000.- à Berne; CHF 8'750 à Zurich.

La disposition pertinente (art. 98 CPC) s’applique depuis l'introduction du Code de procédure civile unifié en 2011. L’avant-projet de la disposition, qui prévoyait une avance à concurrence de la moitié des frais judiciaires présumés, était moins restrictif pour la partie plaignante. Cet avant-projet n'a cependant pas été approuvé lors de la procédure de consultation. Les cantons avaient alors notamment critiqué les risques de recouvrement à leur charge. D’ailleurs, l'art. 98 CPC avait déjà suscité de nombreuses discussions au moment de sa création. La critique portait sur l’effet dissuasif des coûts sur les parties, même lorsque celles-ci sont en droit. Ainsi, seules les personnes aisées, ou alors très pauvres, pouvaient assumer le coût d’un procès.

L’avance de frais est, selon Weber, le principal obstacle à l'accès à la justice, «puisqu’il rend impossible de soumettre au tribunal les faits du litige et, le cas échéant, de le régler par une procédure de conciliation». Cet effet dissuasif (voir prohibitif) se reflète dans les statistiques. Ainsi, dans le canton de Zurich, où aucune avance de frais n’était en principe perçue avant l'entrée en vigueur du CPC en 2011, l’on a constaté après l’entrée en vigueur une baisse sensible du nombre de dépôts de plaintes. Weber attire toutefois l'attention sur certains manquements des avocat-e-s qui omettent notamment de déposer une demande d'exemption de frais. Pourtant, la formule potestative de l'art. 98 CPC – «Le tribunal peut exiger du demandeur une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés» – fait clairement apparaître que le tribunal dispose d’une large marge d’appréciation en la matière. Il conviendrait donc de recommander aux avocat-e-s «de fournir une demande d’exemption de l’avance de frais dès l’introduction de l’action en justice, en indiquant les raisons pour lesquelles il sera impossible de s’acquitter de la totalité de l’avance» (traduction libre de Weber, p.85).

La poursuite partielle, une astuce pour réduire les coûts

Selon Martin Hablützel de schadenanwälte.ch, l’astuce peut résider dans la subdivision en une action partielle prévue par l'art. 86 CPC. Toute prétention ayant entrainé une demande d'indemnisation beaucoup plus élevée serait divisible, même un accident de voiture ou une erreur médicale, ce qui permettrait une procédure simplifiée - et nettement moins chère - prévue par le droit patrimonial pour des montants litigieux inférieurs à CHF 30'000. Lors du dépôt de la plainte, on pourrait formuler une réserve pour le reste de la réclamation, du moment que le besoin même de cette réclamation fait l'objet de controverses. En revendiquant une partie du montant, par ex. CHF 25'000, le demandeur peut ainsi évaluer la position du tribunal.

Les cantons transfèrent le risque de recouvrement sur la partie plaignante

Par analogie, l'art. 111 CPC exige qu’à l’issue de la procédure les frais judiciaires soient compensés par les avances de frais des parties. La partie qui succombe recouvre l’avance de la partie adverse. Dans le pire des cas, si la partie à qui incombe la charge des frais est confrontée à des difficultés financières, la partie gagnante doit prendre en charge l’ensemble des frais judiciaires.

Il est évident que ce transfert du risque sur les parties plaignantes, y compris la partie gagnante,  peut conduire le demandeur à renoncer à la poursuite de son action, et cela malgré ses bonnes probabilités de gain de cause, en particulier lorsque la solvabilité de la contrepartie ne peut être garantie. De ce fait, Weber recommande d’abroger cette réglementation.

Un exemple pour illustrer ce cas de figure: M. Y a une entreprise dans le canton d'Uri qui vend des voitures d'occasion. Estimant que la voiture ne satisfait pas aux exigences contractuelles, un client insatisfait (M. X) engage une procédure de poursuite à hauteur de CHF 100'000. En réalité, la réclamation est juridiquement infondée. Le droit en matière de procédure d'exécution forcée permet cependant à chacun et à chacune d’engager une procédure de poursuite, sans justification préalable. Lorsqu’un créancier refuse de retirer une procédure de poursuite injustifiée, le débiteur ne pourra que présenter une demande d’annulation de la poursuite. En l’espèce, pour cette valeur de litige dans le canton d'Uri, M. Y devra prévoir une avance de frais de CHF 12 000. Puisque M. X est sans ressources financières, il ne dispose pas des prétentions récursoires et les frais de justice resteraient à sa charge même s’il gagne. Face à cette réalité, M. Y doit évaluer s’il est disposé à assumer ces sommes pour se garantir à nouveau un registre des poursuites vierge. Dans une enquête auprès des tribunaux cantonaux de première instance, le Tagesanzeiger a calculé les avances de frais perçues pour une valeur litigieuse de CHF 100 000.

Assistance judiciaire gratuite mais à condition

Certes, il existe en Suisse un droit à l’assistance judiciaire gratuite (voir notre article sur le sujet) pour les personnes qui vivent à la limite du seuil de pauvreté. De ce fait, elles sont exonérées des frais de justice, ou alors, ces derniers sont pris en charge par le canton. Par conséquent, en tant que partie plaignante, elles sont exemptées de l’avance de frais.

Toutefois, pour le cas où elle succomberait, elle aurait à verser les dépens alloués à la partie adverse qui quant à eux ne sont pas pris ne charge par l’assistance judiciaire gratuite (voir art. 118 CPC / art. 122, al. 1, let. d). Étant donné les frais d’avocat-e potentiellement élevés, cette disposition peut avoir un fort effet dissuasif. En effet, si la partie dépourvue de ressources financières ne parvient pas à couvrir les honoraires de l’avocat-e de la partie adverse et qu’elle dispose d’objets saisissables, elle peut être mise en poursuite et ses objets de valeur saisis. Elle est également tenue au remboursement des dépens et d'autres frais éventuels, dès qu’elle est en mesure de le faire (art. 123 CPC). Une partie plaignante qui ne dispose pas de moyens financiers appropriés doit bien étudier le point avant d’engager une procédure judiciaire pouvant la mener à la ruine financière (ou à subsister à la limite du seuil de pauvreté).

Inversement – en raison du risque de recouvrement décrit ci-dessus – la contrepartie ne sera pas en mesure de réclamer directement les dépens puisque la partie qui succombe est (manifestement) démunie. Par conséquent, dans une telle procédure, les deux parties apparaissent comme «perdantes».

En outre, la limite de revenu donnant droit à l’assistance judiciaire gratuite est très basse en Suisse. Ainsi, toutes les personnes qui disposent d’un revenu moyen (salaire net de CHF 5'317.-) en sont exclues.

Une société à trois vitesses

Dans le domaine de l’accès à la justice, Isaak Meier parle d'une société à trois vitesses. D'une part, il y a des personnes riches qui pourraient facilement engager une action en justice et accepter le risque financier qu’elle implique. En outre, elles auraient un pouvoir de négociation incontestable, lors des transactions extrajudiciaires par exemple. Souvent la partie plus démunie n'aura pas d'autre solution que de transiger, étant donné son impossibilité de se payer un procès.

Les personnes qui vivent à la limite du seuil de pauvreté constituent selon Meier une deuxième catégorie. Bien qu’elles soient en droit d’exiger une exonération des frais de justice, elles risquent, pour le cas où elle succomberait, de devoir supporter les dépens de la partie adverse – dans certaines circonstances de plusieurs dizaines de milliers de francs – qui ne sont pas pris ne charge par l’assistance judiciaire gratuite.

La troisième catégorie comprend la classe moyenne et les PME pour qui la possibilité d’engager une action en justice est fortement limitée en raison des conséquences financières.

Pratique prudente du Tribunal fédéral

Dans le cadre de son travail de master, Weber a étudié la transposition de la garantie des voies de droit sur la base de décisions concrètes du Tribunal fédéral sur l'adéquation des frais de justice (voir à ce propos BGE 139 III 334), le caractère approprié de l’avance de frais et de la caution (voir à ce propos TF 4A_680 / 2011), ainsi que sur la pertinence des dépens alloués à la partie adverse (voir à ce propos TF 8C_727 / 2014). Selon Weber, le Tribunal fédéral ne vérifie le droit d’accès à la justice en vertu de l'art. 6 de la CEDH et l'art. 29a Cst. que lorsque cela est explicitement demandé.

Weber critique la retenue du Tribunal fédéral. Celui-ci aurait en effet la compétence pour examiner si les frais de justices sont adaptés au cas par cas et, si ce n’est pas le cas, les déclarer comme étant arbitraires. Une telle pratique du Tribunal fédéral serait réaliste et mènerait à une normalisation, ce qui entrainerait une réduction des coûts et à une certaine réserve en matière de demande d’avances de frais.

Décision historique quant aux frais judiciaires excessifs

Le Tribunal fédéral a surmonté ses réticences dans un récent arrêt. En tant que partie, le cabinet d'avocats «schadenanwaelte.ch» a demandé un examen judiciaire d'une ordonnance émise par le Conseil d’Etat de Zurich. Cet instrument dit de contrôle abstrait des normes est une voie de droit fondamentale dans un système juridique démocratique et devrait permettre l’examen de la légalité des ordonnances avant leur entrée en vigueur. Après avoir examiné la conformité légale de l’ordonnance et rejeté la plainte, le Tribunal administratif a imposé aux plaignant-e-s des frais judiciaire à hauteur de CHF 12 000.

«Schadenanwaelte.ch» a fait recours au Tribunal fédérale contre le montant des frais judiciaires et a obtenu gain de cause dans un arrêt du 12 mai 2016. Reste que le Tribunal fédéral conserve au Tribunal cantonal une grande marge de manœuvre pour déterminer la somme des frais judiciaire et n’intervient que lorsqu’une disparité évidente existe entre les frais demandés et la «prestation» de la cour (Erw. 3.2).

Dans sa décision, le Tribunal fédéral a reconnu que le montant élevé lié au fonctionnement du Tribunal résultait du fait que celui-ci statue à cinq juges au lieu de trois. Ce fait ne peut cependant justifier une augmentation des frais judiciaires que dans la mesure où cela entraîne des coûts supplémentaires. De plus, il n’existe aucune raison objective qui permette de justifier une augmentation des frais judiciaires forfaitaire dans le cadre du contrôle abstrait des normes, en raison d'une importance politique présumée majeure ou de répercussions supposées de ce processus (E 3.5). Le Tribunal fédéral a ainsi estimé la perception de frais à hauteur de CHF 12 000 clairement excessive et donc arbitraire (Erw. 3.5).

Mesures pour une meilleure protection juridique

Afin soulager la charge financière et donc d'améliorer la protection juridique dans les procédures civiles suisses, une normalisation du cadre des frais et une réduction significative des frais judiciaires sont exigés. Selon Haberbeck, les frais judiciaires ne devraient pas être abolis complètement (comme par exemple en France et au Luxembourg), «ils devraient cependant permettre, au besoin, à une famille de la classe moyenne de prétendre auprès des trois instances un droit à une valeur litigieuse supérieure» (traduction libre). Haberbeck préconise une valeur maximale de quelques milliers de francs pour une procédure pouvant requérir plusieurs étapes.

La deuxième mesure appelle à l’abolition, ou du moins à une réduction massive, de l'avance de frais judiciaires. La perception d'une sorte de frais d'inscription, à hauteur de quelques centaines de francs, est généralement considérée comme non problématique. Selon Meier/Schindler, l'avance de frais devrait être abrogée. Néanmoins, ils pourraient également concevoir un système dans lequel seraient à couvrir, en premier lieu, seuls les coûts exigés dans un cas de référence.

Troisièmement, doit être abrogé le transfert du risque de recouvrement à la partie gagnante prévu à l'art. 111 CPC. Il est indéfendable que, dans un État de droit, un créancier ait à couvrir les frais judiciaires bien qu’il ait obtenu gain de cause.

Quatrièmement, les dépens alloués à la partie adverse devrait être levés dans le cadre de l’assistance judiciaire gratuite (art. 118 CPC). En outre, la limite du seuil de pauvreté, et donc du droit à l’accès à l’assistance judiciaire gratuite, devrait être abaissée.

Changement en vue

Pour répondre à plusieurs interventions parlementaires, le Conseil fédéral a mis en consultation, le 2 mars 2018, une révision du code de procédure civile (CPC). Des propositions qui visent surtout à rendre les tribunaux plus accessibles aux citoyen-ne-s modestes et de la classe moyenne et à étendre le principe de l’action collective dans le droit suisse.

Devant la charge financières qu’entraîne une action en justice et les risques encourus, les citoyen-ne-s renoncent trop souvent à faire valoir leur droit. Le Conseil fédéral entend atténuer cet obstacle et propose de réduire les avances de frais de moitié ,ce qui faciliterait l’accès à la justice aux personnes qui ne jouissent pas d’une exonération des frais judiciaires. Conjointement, il prévoit une adaptation des règles liées à la répartition des frais, avec pour effet que, contrairement au droit en vigueur, la partie qui aura obtenu gain de cause ne devra plus supporter le risque de recouvrement lorsque la partie qui succombe est insolvable.

Finalement, pour faciliter l'accès aux tribunaux et l'exercice des droits civils, le Conseil fédéral propose d’autres adaptations ponctuelles du CPC. Notamment, la simplification de la coordination de procédures – qui devrait aussi faciliter l’exercice collectif des droits, l’élargissement des dispositions d’application de la procédure de conciliation et une règlementation plus favorable au justiciable lorsque des actes sont remis à un tribunal ou une autorité qui n’a pas la compétence.

Ces réformes du code de procédure civile ont été mises en consultation jusqu'au 11 juin 2018.

Commentaire

La situation juridique actuelle pour la mise en œuvre du droit privé en Suisse va totalement à l’encontre du droit d’accès au tribunal garanti par la Constitution (art. 29a Cst.) ainsi que du droit à un procès équitable en vertu de l'art. 6 CEDH. Il ne peut pas être question de protection juridictionnelle effective lorsque l'application du droit est prohibitive pour une grande partie de la population.

Il n'existe pas de recette miracle pour éliminer les obstacles procéduraux décrits. Plusieurs auteur-e-s ont toutefois signalé quelles mesures concrètes devaient être prises pour que l'accès à la justice ne soit plus garanti uniquement sur papier. Les autorités et les politicien-ne-s sont invité-e-s à apporter ces ajustements juridiques nécessaires.

La question des coûts a déjà été sujette à controverse lors des travaux consacrés au CPC. Les cantons ont clairement statué qu’il ne fallait pas subventionner davantage l’appareil judiciaire et qu’il n’appartient pas en premier lieu à l'État de financer le règlement des différends entre privés. Il convient de rappeler que la mise en œuvre d’une protection juridictionnelle effective représente un pilier de l’État de droit, dont le but est, entre autres, d'empêcher les citoyen-ne-s d’exercer l'application de leurs droits au moyen d'une justice vigilante. Si pour des raisons financières l'Etat sape ce service public il va menacer tôt ou tard la paix juridique.