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Efficacité de la Cour européenne des droits de l'homme: la Confédération favorable au Protocole 15

09.10.2015

«La Cour européenne des droits de l’homme doit rester efficace», titrait la Confédération dans son communiqué de presse du 13 août 2014, au moment de l'ouverture de la consultation en vue de la ratification par la Suisse du Protocole no 15 portant amendement à la Convention européenne des droits de l’homme.  C'est donc sans surprise qu'il a approuvé le 6 mars 2015 le message sur la ratification. et transmis l'objet au Parlement. Durant sa session d'automne 2015, le Conseil national a adopté la ratification du protocole. Le Conseil des Etats doit encore s'exprimer.

Le protocole 15, établi en 2010 lors de la présidence suisse du Conseil de l’Europe, prévoit plusieurs changements. Notamment une réduction du délai de recours de six à quatre mois (art. 35 al.1), un durcissement des conditions de recevabilité des recours (art. 35 al. 3 let. b) et l’inscription en toute lettre des principes de subsidiarité et de marge d'appréciation dans le préambule de la Convention (voir les détails dans notre article sur le Protocole n° 15). Sans être une révolution, le protocole 15 montre toutefois que les instances politiques prennent au sérieux leur fonction régulatrice vis-à-vis de la Cour européenne des droits de l’homme. 

Objectifs du protocole

Pas de révolution donc, puisque en vérité le principe de subsidiarité qui garantit aux États qu’ils restent bien maître chez eux, est depuis toujours l’un des piliers de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CrEDH). Alors que les autres amendements prévus par le Protocole n°15 visent une amélioration de l’efficacité de la CrEDH et un frein à la multiplication des «cas bagatelles», la modification du préambule de la CEDH a pour sa part une autre fonction. Il s’agit de rassurer les États parties à la Convention en renforçant dans la CEDH le principe de marge d'appréciation. 

Étant donné que ce protocole implique des amendements du texte de la CEDH, il n’entrera en vigueur que lorsque tous les 47 États membres du Conseil de l’Europe l’auront ratifié (voir l'état actuel des ratifications).

Plus de marge de manœuvre pour les États

Derrière le principe de marge d'appréciation se trouve l’idée selon laquelle ce sont avant tout les États qui sont responsables de l’application des garanties de la Convention européenne des droits de l’homme dans leur territoire, et non pas la CrEDH, qui n’agit que de façon subsidiaire. Autrement dit, la CrEdH n’intervient que pour vérifier en dernier ressort que l’État partie a bien appliqué la Convention dans sa jurisprudence, ceci en tenant compte du fait que les autorités des États parties sont les plus à même de juger un cas puisqu’elles sont les mieux informées des mentalités et sensibilités locales. 

Quels effets réels?

Traditionnellement, la CrEDH accorde une large marge d’appréciation aux États sur toutes les questions délicates de société, pour lesquelles les sensibilités locales sont fortes et il n’y a pas de consensus européen. Plusieurs exemples le démontrent, tel l’arrêt de la Cour sur les crucifix en Italie ou plus récemment sur la question de l'interdiction de la burqa en France. 

Il est de ce fait difficile d’anticiper les effets réels de l’inscription du principe de subsidiarité dans le préambule de la CEDH. Il est possible qu’à l’avenir, la CrEDH, dans sa jurisprudence, prenne toujours plus en compte les spécificités locales des différents États membres. Il n’est cependant pas souhaitable que la marge d’appréciation forte dont bénéficie les États sur les questions morales ou de société s’étende à d’autres domaines, tels par exemple la protection de la vie familiale ou le respect des conditions de détention. Une telle extension serait incompatible avec le maintien d’une vraie défense européenne des libertés individuelles.

COMMENTAIRE HUMANRIGHTS.CH

Le protocole 15 est dans l’air du temps et tente de répondre aux craintes toujours plus fortes de certains États qui, soumis à des temps difficiles, érigent le nationalisme en mythe absolu. Il est en ce sens aussi attendu en Suisse, où les critiques ne cessent de pleuvoir sur l’instance supranationale que constitue la CrEDH. L’on ne peut qu’espérer qu’il parviendra à renforcer la cohésion des États autour de la CrEDH sans amener une érosion systématique qui sonnerait le glas des droits humains en Europe.

À laisser faire les nationalismes, l’on risquerait en effet de se retrouver à la case départ: une Europe sans droits humains et sans garde-fou dans la tempête, comme elle l’était en 1933. 

Sources