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Recommandation du Comité des droits de l’enfant concernant la prise en charge des enfants autistes et l’amélioration de leur condition de vie en Suisse

Le Comité des droits de l’enfant (CDE) demande instamment à la Suisse d’adopter une approche du handicap fondée sur les droits humains (2015/no55) – en particulier dans ses relations avec des enfants en situation de handicap – et de préférer l’inclusion à l’intégration (2015/no55 c.). Il souligne l’importance de ce second point pour les enfants ayant un TSA, puisqu’il enjoint à la Suisse de «faire en sorte que la priorité soit donnée à une éducation inclusive adaptée à leurs besoins et non à une éducation ou à des services de garde spécialisés» (2015/no55 e.). Si le CDE salue en 2021 les avancées concernant l’accès des enfants en situation de handicap à une éducation inclusive dans les écoles ordinaires (2021/no33), il constate toutefois qu’un grand nombre d’enfants en situation de handicap, notamment des enfants autistes, n’ont pas d’autre choix que de fréquenter des classes ou des écoles spécialisées (2021/no33 a.), et exige donc de la Suisse des efforts supplémentaires dans ce domaine (2021/no34 a.). En réclamant la formation adéquate des enseignant·e·x·s en charge de classes intégrées et plus généralement des professionnel·le·x·s qui s’occupent d’enfants souffrant d’un TSA (2015/no55 e.; 2021/no34 b. et c.), le CDE réitère une demande qu’il avait déjà formulée en 2015. Dans son rapport de 2021, il constate en outre que les enfants en situation de handicap, y compris les enfants autistes, sont encore parfois placé·e·x·s en institution, et doivent parfois y cohabiter avec des adultes (2021/no33 c.), alors même qu’il avait déjà alerté la Confédération à ce sujet dans son précédent rapport, par lequel il exigeait déjà «de prendre toutes les mesures voulues pour éviter que les enfants en situation de handicap soient placé·e·x·s dans des services psychiatriques et de veiller à ce que ces enfants ne soient pas privé·e·x·s arbitrairement du droit de recevoir la visite de leurs parents» (2015/no55 g.). Dans le prolongement de cette idée, le diagnostic de TSA ne devrait jamais être un motif justifiant le retrait d’un·e enfant à sa famille. Le CDE demande donc à la Suisse «de faire en sorte que les enfants ne soient séparé·e·x·s de leur famille que si leur intérêt supérieur le justifie et sous réserve de contrôle judiciaire, conformément à l’article 9 (par. 1) de la Convention [internationale des droits de l’enfant]» (2021/no31 e.). Dès 2015, le CDE constate également des problèmes dans les traitements infligés aux enfants ayant un TSA, en particulier dans le canton de Genève, notamment le recours à la technique du «packing» (enveloppement de l’enfant dans des draps humides et froids), ce qui est assimilable à de mauvais traitements (2015/no54 e.), et exige donc à plusieurs reprises l’interdiction de cette pratique (2015/no55 f.; 2021/no34 d.). Enfin, le CDE demande à la Suisse de ne pas se concentrer uniquement sur la formation du personnel spécialisé, mais de veiller également à ce que les parents d’enfants en situation de handicap continuent de bénéficier de formations, de conseils et de mesures de soutien adaptés (2021/no34 f.).

Observations finales du Comité des droits de l’enfant – extraits des rapports de 2015 et 2021

Dans le cadre du deuxième cycle d’évaluation de la Suisse en 2015, le CDE émet les observations suivantes (cf. lettre F, no54 et 55):

«54. Le Comité se félicite de l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées et de l’adoption de l’accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée. Il est toutefois préoccupé par les points suivants:

a) L’absence de données détaillées sur les enfants handicapés, y compris les enfants souffrant de troubles du spectre autistique;

b) L’inclusion insuffisante de ces enfants dans le système éducatif ordinaire dans tous les cantons, et le manque de ressources humaines et financières allouées en vue d’assurer le fonctionnement adéquat d’un système éducatif inclusif dans la pratique;

c) Le manque de structures d’éducation et de prise en charge de la petite enfance et de possibilités de formation professionnelle inclusive pour les enfants handicapés;

d) La discrimination et la ségrégation dont font l’objet les enfants souffrant de troubles du spectre autistique, en particulier dans le canton de Genève, dans de nombreux aspects de leur vie sociale, notamment la détection précoce insuffisante de ces troubles, le manque de programmes intensifs de développement précoce, le manque d’accès à l’éducation ordinaire, dû notamment à l’absence de professionnels qualifiés chargés d’apporter un appui spécialisé à ces enfants dans les écoles ordinaires, et la formation insuffisante des professionnels s’occupant des enfants qui souffrent de troubles du spectre autistique;

e) Les informations indiquant que les enfants atteints de troubles du spectre autistique, en particulier dans le canton de Genève, sont soumis à des traitements inadéquats, notamment à la technique du «packing» (enveloppement de l’enfant dans des draps humides et froids), ce qui est assimilable à des mauvais traitements;

f) Le manque d’informations sur les mesures qui sont prises pour prévenir le placement d’enfants handicapés dans des services psychiatriques et pour que ces enfants ne soient pas arbitrairement privés de leur droit de recevoir la visite de leurs parents.

55. À la lumière de son Observation générale no 9 (2006) sur les droits des enfants handicapés, le Comité demande instamment à l’État partie d’adopter une approche du handicap fondée sur les droits de l’homme et lui recommande en particulier:

a) De procéder au recueil et à l’analyse de données sur la situation de tous les enfants handicapés, ventilées notamment par âge, sexe, type de handicap, origine ethnique et nationale, zone géographique et milieu socioéconomique;

b) D’intensifier ses efforts pour établir un système éducatif inclusif, dans l’ensemble de l’État partie, sans discrimination, notamment en allouant les ressources nécessaires, en assurant une formation adéquate aux professionnels et en fournissant des orientations claires aux cantons qui continuent d’appliquer une approche ségrégative;

c) De promouvoir l’inclusion de préférence à l’intégration;

d) De veiller à ce que les enfants handicapés aient accès aux services d’éducation et de prise en charge de la petite enfance, à des programmes de développement précoce et à des possibilités de formation professionnelle inclusive dans tous les cantons;

e) De répondre aux besoins spécifiques des enfants atteints de troubles du spectre autistique dans tous les cantons et, en particulier, de veiller à ce qu’ils soient pleinement intégrés dans tous les domaines de la vie sociale, y compris les activités récréatives et culturelles, de faire en sorte que la priorité soit donnée à une éducation inclusive adaptée à leurs besoins et non à une éducation ou à des services de garde spécialisés, de mettre en place des mécanismes de détection précoce, d’assurer la formation adéquate des professionnels et de veiller à ce que ces enfants bénéficient effectivement de programmes de développement précoce fondés sur des connaissances scientifiques;

f) D’interdire dans la loi la pratique du «packing» sur les enfants et de prendre les mesures nécessaires pour que les enfants atteints de troubles du spectre autistique soient traités avec dignité et respect et bénéficient d’une véritable protection;

g) De prendre toutes les mesures voulues pour éviter que les enfants handicapés soient placés dans des services psychiatriques et de veiller à ce que ces enfants ne soient pas privés arbitrairement du droit de recevoir la visite de leurs parents.»

Le troisième cycle d’évaluation donne lieu à un nouveau rapport (2021), dans lequel le CDE constate (cf. lettre F, no33 et 34):

«33. Le Comité salue les progrès accomplis dans l’accès des enfants handicapés à une éducation inclusive dans les écoles ordinaires, mais note avec préoccupation:

a) Que, selon certaines des dernières données disponibles, de nombreux enfants handicapés, notamment des enfants autistes, n’ont pas d’autre choix que de fréquenter des classes ou des écoles spécialisées;

b) Que, dans certaines circonstances, l’enseignement dispensé dans les classes intégrées et les écoles spécialisées peut limiter l’accès des enfants handicapés à l’enseignement supérieur et à la formation professionnelle ordinaires;

c) Que les enfants handicapés, y compris les enfants autistes, sont encore parfois placés en institution, et doivent parfois y cohabiter avec des adultes;

d) Que les enfants handicapés continuent de faire l’objet de discrimination et d’exclusion sociale.

34. Rappelant ses recommandations antérieures, le Comité recommande à l’État partie:

a) De renforcer le droit à une éducation inclusive dans les écoles ordinaires pour tous les enfants handicapés, y compris les enfants autistes et les enfants qui ont des difficultés d’apprentissage, et donner des instructions claires aux cantons qui suivent encore une approche ségrégative;

b) D’améliorer la formation des enseignants et des autres professionnels qui s’occupent des classes intégrées et sont chargés d’offrir aux enfants handicapés, y compris les enfants qui ont des formes sévères d’autisme et les enfants qui ont des difficultés d’apprentissage, un accompagnement individuel et l’attention dont ils ont besoin, et d’accroître le soutien mise à disposition de ces enfants;

c) De poursuivre l’application des mesures qu’il a prises pour développer les services éducatifs itinérants, les services inclusifs d’éducation et de protection de la petite enfance, les services d’accueil périscolaire et la formation professionnelle des enfants handicapés, y compris les enfants autistes et les enfants présentant des handicaps intellectuels ou psychosociaux et les rendre disponibles dans tous les cantons, en dispensant aux enseignants une formation adéquate et adaptant les programmes d’enseignement, et de veiller à ce que ces mesures soient correctement financées;

d) D’introduire dans la législation des dispositions interdisant le « packing » dans le secteur public comme dans le secteur privé et d’encourager les professionnels de la santé à se spécialiser dans les troubles du spectre de l’autisme;e) D’améliorer l’offre de services de soutien adaptés aux enfants handicapés afin d’éviter que ces enfants ne soient placés dans des institutions spécialisées;

f) De veiller à ce que les parents d’enfants handicapés continuent de bénéficier de formations, de conseils et de mesures de soutien adaptés;

g) De mener des campagnes de sensibilisation pour combattre la stigmatisation et la discrimination dont sont victimes les enfants handicapés et de promouvoir une image positive de ces enfants en tant que titulaires de droits et le respect du développement de leurs capacités, dans des conditions d’égalité avec les autres enfants.»

Dans ce même rapport (2021), les recommandations concernant les enfants privé·e·x·s de leur milieu familial (lettre E, no31) sont aussi pertinentes pour les personnes atteintes d’un TSA, notamment les trois recommandations figurant aux lettres c), d) et e):

«c) De renforcer les mesures visant à réduire la durée du séjour des enfants en institution, notamment en allouant des moyens suffisants aux services de protection de l’enfance et aux services de formation, de soutien et d’accompagnement proposés aux parents d’accueil et aux parents adoptifs;

d) De veiller à ce que les enfants qui font l’objet d’une protection de remplacement soient entendus dans le cadre des décisions qui les concernent, et ce tout au long de leur placement, et que les autorités compétentes aient les moyens techniques nécessaires pour garantir le respect de l’opinion de ces enfants;

e) De faire en sorte que les enfants ne soient séparés de leur famille que si leur intérêt supérieur le justifie et sous réserve de contrôle judiciaire, conformément à l’article 9 (par. 1) de la Convention, et à ce que la pauvreté et le handicap, y compris le trouble du spectre autistique, ne constituent jamais un motif de placement.»